Un bon lycée n’a pas toujours 100 % de réussite au bac

Un bon lycée n’a pas toujours 100 % de réussite au bac

Qu’est ce qu’un "bon lycée" ? Alors que les collégiens préparent leurs vœux pour l’entrée en 2nde, le ministère de l’éducation nationale publie, pour la 17e année consécutive, ses "indicateurs de résultats" des lycées publics et privés sous contrat.

Ces éléments chiffrés permettent au public de se faire une idée assez précise des performances de chaque lycée, centrées sur la réussite au baccalauréat. "L’évaluation, c’est d’abord le choix de ce qu’on veut évaluer, et il y a en France un consensus pour considérer qu’un bon lycée se juge à ses résultats au bac", observe Marie Duru-Bellat, sociologue spécialiste des questions d’éducation et professeur à Sciences Po Paris.

Pour autant, le ministère ne dévoile pas de "palmarès", et ne limite pas ses critères au taux brut de réussite au bac. Il donne, établissement par établissement, les chances de sortir bachelier lorsqu’on entre en 2nde, c’est-à-dire de ne pas être réorienté ailleurs, et la "valeur ajoutée" de chacun. Cette valeur est la différence, en positif ou en négatif, entre le pourcentage de bacheliers 2009 et celui qu’on attend de lui, compte tenu des origines sociales des élèves, de leur âge et de leurs notes.

VALEUR AJOUTÉE POSITIVE

Sur les 2 311 lycées généraux et technologiques évalués, 1005 affichent une valeur ajoutée positive. Ils font mieux que ce qu’on attend d’eux compte tenu du public accueilli et des résultats moyens de leur académie. Les autres non. Soit qu’ils obtiennent de mauvais scores, soit que, recrutant exclusivement des premiers de la classe, ils n’ont aucun mal à les faire sortir diplômés.

Les établissements les plus prestigieux, comme Henri-IV ou Louis-le-Grand à Paris, qui ont un recrutement national, le lycée Hoche à Versailles ou le lycée du Parc à Lyon n’ont pas de valeur ajoutée selon ces indicateurs – Henri-IV est même à la 1085e place, lorsqu’on utilise cette seule grille de lecture! – parce que la barre est placée bien trop bas pour eux et qu’ils préparent leurs élèves aux études supérieures sélectives, le bac n’étant qu’une étape sur ce chemin.

La liste des cent lycées les plus performants – toujours en fonction de leur valeur ajoutée en matière de réussite au bac – est une pierre dans le jardin du service public : les établissements privés sous contrat trustent 62 places sur les 100 premières. La valeur ajoutée tenant compte de leur recrutement, on ne peut leur opposer le reproche traditionnel d’être "des médecins qui ne soignent que les bien portants". Si l’on s’intéresse aux seules 20 premières places, 13 sont occupées par le privé. Le premier établissement public recensé est le lycée Gaston-Monnerville de Kourou (Guyane), à la 5e place, avec 95% de réussite pour 71% de taux attendu, soit une valeur ajoutée de 24 %.

Autre observation, les départements dits difficiles se classent honorablement. Ainsi, la Seine-Saint-Denis est celui qui, avec 7 établissements, place le plus de lycées dans les 100 premiers. Des établissements qui parviennent en partie à surmonter leurs pesanteurs sociales : 69 % de reçus au lycée Alfred-Nobel à Clichy-sous-Bois, par exemple, pour un taux attendu de 58 %. Dans le Nord-Pas-de-Calais, le lycée Camille-Desmoulins de Cateau-Cambrésis fait 82 % de réussite pour 69 % attendus, soit 13 points de valeur ajoutée.

"STABILITÉ DE L’ÉQUIPE ENSEIGNANTE"

Par quels moyens ? "La réactivité de l’équipe pédagogique est très forte, explique Marie-Claire Dame, proviseure adjointe depuis septembre 2007. On organise une réunion à midi dès qu’un professeur principal voit qu’une classe dérape. La stabilité de l’équipe enseignante est bénéfique, d’autant qu’elle a le souci de développer l’image de marque de l’établissement. La discipline est aussi de mise : les élèves qui ratent un devoir sur table le rattrapent à leur retour, et ils ne sont pas autorisés à quitter l’établissement entre deux heures de cours."

Les "recettes" de ces établissements – publics ou privés – sont, pour l’essentiel, connues : stabilité et cohésion de l’équipe, attention portée aux élèves, haut niveau d’exigence, pratique des différentes formes d’accompagnement ou de soutien, moyens supplémentaires, ouverture aux familles, personnalité du proviseur… Les stratégies scolaires et la conception éducative des familles font qu’elles n’ont pas la même définition d’un bon établissement.

"La notion de valeur ajoutée, commente Mme Duru-Bellat, est incontestablement un progrès, car elle mesure l’efficacité. Le problème est que celle-ci intéresse plus les gestionnaires que les parents, qui se focalisent sur des critères individuels. On pourrait aussi ajouter aux indicateurs actuels d’autres critères, comme la qualité des relations entre élèves et professeurs. En tout cas, il est utile de pouvoir comparer. Refuser de voir les écarts entre établissements, c’est la politique de l’autruche."

Par Luc Cédelle
14.02. 2010
http://www.lemonde.fr

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