Au Nigeria, le florissant business du kidnapping

Au Nigeria, le florissant business du kidnapping

Avec 268 rapts recensés depuis le début de l’année, dont 82 visant des expatriés, le kidnapping atteint des sommets dans le delta du Niger. Loin des opérations idéologiques menées par Al-Qaida dans le Niger voisin, l’enlèvement à la nigériane n’a qu’une motivation: l’argent. Et les "expats" constituent une cible en or.

Certains sont capturés à leur hôtel, dans leur compound (résidence sécurisée) ou dans un bar, pour les rares inconscients qui sortent sans escorte armée dans les rues de Port-Harcourt ou de Warri. Qui sont les ravisseurs ? Des groupes aux noms inquiétants – Outlaws, Icelanders ou Vikings. Véritables fraternités criminelles, ces cult groups recrutent leurs membres dans les universités.

Mais les enlèvements que les majors redoutent le plus sont ceux opérés en mer par les mouvements armés du delta. Avant tout parce que ces rapts, menés comme des opérations militaires, ont souvent lieu à quelques mètres des plates-formes pétrolières… En elle-même, la rançon (50 000 à 250 000 dollars) ne constitue pas un réel problème pour les compagnies: elles sont assurées et ne supportent pas le coût de l’enlèvement – plus faible au Nigeria qu’au Mexique ou qu’en Russie, par exemple.

Le vrai prix est humain. Si la vingtaine d’otages détenus récemment par Obase, le dernier chef connu du Mend, n’ont pas subi de violences physiques, ils ont encaissé un choc psychologique lié aux conditions – très dures – de leur libération. Des sociétés spécialisées dans la négociation, comme le britannique Control Risks, le savent bien: payer trop vite le montant exigé, c’est faire durer l’enlèvement et le rendre très dangereux. Voyant que l’entreprise paie sans problème, les ravisseurs demandent toujours plus. Surtout, l’entreprise est identifiée comme une cible facile par tous les ravisseurs qui pullulent dans la région.

Une négociation se déroule en plusieurs phases, toujours au téléphone. D’abord, la demande de rançon: "Nous voulons 2 millions de dollars." Réponse du négociateur : "Nous allons réfléchir." Quelques heures – ou jours – passent avant qu’il ne rappelle: "Impossible. Le maximum que nous pouvons donner, c’est 80 000." Suit une négociation strictement commerciale. Objectif du négociateur : faire comprendre aux ravisseurs que l’entreprise n’est pas un bon "client", sans mettre en danger la vie des kidnappés… Récemment, ce sont les otages du chef Obase qui ont dû tenir eux-mêmes le téléphone ! On imagine l’état des victimes lorsqu’elles ont dû dire à leurs ravisseurs que leur employeur ne voulait pas payer plus de 80 000 dollars pour leur libération… Cruel, mais la sécurité des majors du delta est à ce prix.

Par Bertrand Monnet – publié le 22/12/2010
Source: http://www.lexpansion.com

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