Cameroun – Concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure (Ens) est ouvert

Le feu couve à l’Ens de Maroua

Le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure (Ens) est ouvert depuis le 2 juillet 2009. Le nombre de places en jeu n’est pas précisé de même que le quota réservé aux ressortissants du Grand nord. La crise de 2008 pourrait se reproduire.

La bombe à retardement de Fame Ndongo

Sans tambours, ni trompettes, les concours sur épreuves pour le recrutement aux premier et second cycles des élèves professeurs de l’Ens de l’Université de Maroua pour l’année académique 2009-2010 sont ouverts.

Selon la décision du ministre de l’Enseignement supérieur, une dizaine de séries sont en lice. Tous les dossiers complets doivent être déposés soit dans les délégations régionales des Enseignements secondaires, soit au service de la scolarité de l’Ens de Maroua au plus tard le 1er août 2009.

Les épreuves écrites d’admissibilité auront lieu le 8 août 2009 dans les centres de Bafoussam, Buéa, Douala, Maroua, Ngaoundéré et Yaoundé. Une évolution par rapport à 2008 où toutes les opérations liées au test de recrutement avaient été concentrées à Yaoundé. L’épreuve orale d’admission aura lieu quant à elle, aux centres de Yaoundé et Maroua. Elle portera sur la culture générale et la formation bilingue.

La première curiosité qui se dégage du communiqué signé de Jacques Fame Ndongo, c’est l’absence totale d’informations relatives au nombre de places mises en jeu par filières, comme c’est le cas pour tous les concours lancés par le ministère de l’Enseignement supérieur. Joint au téléphone par Le Messager, le chef de la cellule de communication (Cellcom) du Minesup indique qu’il revient au recteur de l’Université de Maroua de proposer au ministre de l’Enseignement supérieur le nombre de places en fonction des infrastructures d’accueil, des équipements disponibles, des ressources humaines et matérielles et financières. “En principe, 2000 places sont en jeu comme dans le cas de l’Ens de Yaoundé”, soutient Jean Paul Mbia.
Il n’en reste pas moins que cette “omission” sur le communiqué portant ouverture du concours n’est pas gratuite. De plus, pourquoi la proposition du recteur Edward Ako Oben est attendue après le lancement du concours et non avant, comme la logique le recommande. Le nombre de places à suggérer au ministre tiendra-t-il compte du quota réservé aux ressortissants de la partie septentrionale en 2008 ? Des questions qui dépassent la compétence d’un recteur. Jean Paul Mbia se fait néanmoins fort de préciser que la part belle accordée aux originaires du Septentrion en 2008 était adossée sur des “raisons exceptionnelles”. Est-ce que ce sera la même chose cette année ? “On ne peut pas encore le savoir”, déclare le Cellcom du Minesup.

Les quotas de la discorde
La prudence observée par le ministre de l’Enseignement supérieur s’agissant du nombre de places et des quotas des admis par région trouve son fondement dans la crise retentissante de décembre 2008. Le 6 décembre de cette année-là, le ministre Jacques Fame Ndongo publie les résultats du test de sélection pour l’entrée à l’Ens de Maroua. 23% des admis sont originaires du Grand nord. A peine les résultats publiés, l’élite parlementaire du Grand nord s’enflamme contre ce qu’elle qualifie de “provocation” de Fame Ndongo. A en croire les députés du Septentrion, l’Ens de Maroua est un cadeau du chef de l’Etat en vue de s’attaquer en profondeur au problème de sous scolarisation dans cette partie du pays. Les enseignants qui y seront formés seront, à leur sens, appelés à servir prioritairement dans le Septentrion. Une partie de l’opinion nationale pense pour sa part que l’Université de Maroua n’est pas “l’Université des nordistes”. Pour le concours d’entrée à l’Ens de Maroua, la politique des quotas doit s’appliquer comme à l’Ens de Yaoundé, à l’Esstic ou à l’Ecole nationale supérieure polytechnique. La colère des élus du Grand nord ne s’essouffle pas pour autant. Le 12 décembre 2008, les députés du Septentrion boycottent toute une session plénière à l’Assemblée nationale. Porteur des revendications de ses collègues originaires du Septentrion, Cavaye Yéguié Djibril (Pan) rencontre plus tard le chef de l’Etat au palais de l’unité. Les parlementaires du Grand nord réclament 85% au lieu des 23% octroyés par Jacques Fame Ndongo. Le 13 décembre 2008, soucieux d’aplanir les divergences nées de la publication de résultats de l’Ens de Maroua et après avoir reçu des instructions du chef de l’Etat allant dans le sens de l’augmentation du nombre de places accordées au Grand nord, le Minesup est éconduit par Cavaye à l’hémicycle de Ngoa Ekellé. Le Pan tient ainsi à venger l’un de ses émissaires. Lequel a été “trimbalé” quelques jours plus tôt au Minesup. Toujours ce 13 décembre, les députés du Septentrion exigent et obtiennent l’expulsion de Fame Ndongo d’une salle du palais des congrès où René Sadi s’emploie à désamorcer la colère des députés du Grand nord. Parallèlement à toutes ces initiatives, une demande de manifestation publique prévue le 19 décembre 2008 (date d’ouverture du Festival national des arts et de la culture-Fenac- dans le chef-lieu de la région de l’Extrême Nord) est déposée à la préfecture de Maroua. Le pouvoir de Yaoundé craque finalement en déclarant admis à l’Ens de Maroua tous les candidats du Grand nord ayant déposé des dossiers. De 23%, l’on est passé à 100%. Pendant qu’on s’émeut vivement de ce “geste” sans précédent de Paul Biya dans le reste du pays, l’heure est à la jubilation dans le Septentrion. L’on parle d’un triomphe politique qui prépare d’autres. D’ici… 2011.

Faux diplômes, formation bâclée`
Pour l’année académique 2009-2010, l’Ecole normale supérieure de l’Université de Maroua accueillera de nouveaux étudiants. C’est un fait. Dans quelles conditions ces jeunes camerounais seront-ils formés ? A Maroua, beaucoup d’observateurs se montrent déjà préoccupés face à la formation jugée “au rabais” des futurs enseignants. Les salles de cours sont disséminées dans toute la ville. Les enseignements sont dispensés pour l’essentiel par des assistants dont le background académique laisse quelquefois à désirer. Dans le site de Kongola, l’Université de Maroua sort péniblement de terre. Nul ne peut dire avec certitude quand les travaux seront achevés. Quant à l’hébergement et à la restauration, les soucis ne se sont pas complètement évanouis. Avec l’afflux de nouveaux étudiants dès la prochaine rentrée académique, le problème du logement va rebondir. Le restaurant universitaire va être davantage sollicité. Plus grave, des informations faisant état d’une prolifération de faux diplômes à l’Ens de Maroua circulent. Au Minesup, nul ne tousse de peur d’ouvrir la boîte à pandores. Contournant tout cela, il n’est pas exclu que Biya fasse un nouveau “geste” à l’endroit de ses “amis” du Grand nord. A défaut d’instruire de nouveau un quota de 100%, le Prince pourrait, fait-on savoir, accorder au Septentrion un quota d’admis significatif. Ce d’autant plus que cette partie du pays représente un important gisement électoral. Mais en résolvant un problème politique ponctuel, ne crée-t-on pas une gangrène qui ne profite guère au Septentrion ?

Par Georges Alain BOYOMO
Le 13-07-2009
Source: http://www.lemessager.net

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