Cameroun: L’héritage maudit du Pipeline

Cameroun: L’héritage maudit du Pipeline

Le gigantesque projet de construction de l’oléoduc a laissé des maladies et des ressentiments dans cet arrondissement.

Le pipeline Tchad-Cameroun couvre vingt cinq villages de Touboro (Mbaiboum, Ndika, Belbao, Bokléré, Sarémbayaba, Sgaouring, Djom, Voi, Djackone, Mbong, Wakassa, etc.). Frontalier au Tchad et à la République centrafricaine, cet arrondissement, situé dans le département du Mayo Rey (province du Nord), est célèbre grâce au marché de Mbaïboum. Ce dernier est le point de convergence périodique des populations des trois pays. Présenté aux riverains comme étant un projet de développement, le pipeline Tchad- Cameroun a suscité beaucoup d’espoirs. Hélas, ceux-ci se transforment aujourd’hui en désillusions pour les membres des différentes communautés.

En effet, ce projet n’a satisfait que chichement les nombreuses attentes des populations de ces contrées. Les activités économiques et les emplois éphémères reliés à la phase de construction relèvent désormais de l’histoire ancienne. Les impacts escomptés du Pipe (réduction du chômage à travers la création d’emplois, développement socio-économique des localités riveraines, amélioration des conditions et du niveau de vie à travers l’accès à l’eau potable, à l’électricité et aux infrastructures) ont été passés par pertes et profits.

Plus grave, les problèmes redoutés par la société civile en général et les Ong (organisations non gouvernementales) en particulier, dès l’annonce du lancement de ce méga-projet en 1997, sont restés entiers. On note aujourd’hui la dégradation de l’environnement et du patrimoine culturel, la prolifération des Ist et Vih/Sida. Ces désagréments ont abouti à une frustration généralisée perceptible dans le comportement des populations riveraines. Celles-ci multiplient des déclarations malveillantes et haineuses à l’égard du projet et de ses promoteurs. Selon Alioum, ces derniers ont plus pensé à leurs intérêts égoïstes qu’à ceux des populations. Les promesses qu’ils nous ont faites se transforment en désillusion.

Prise en charge psychosociale

La sérénité est perdue dans plusieurs communautés et localités riveraines. Le mécontentement exacerbé par les décès quotidiens des jeunes et adultes de ces villages à cause de la propagation du sida présagent d’un avenir hypothétique pour l’ensemble de ces communautés. La plupart est isolée et éloignée des centres de santé et de dépistage volontaires. Elles ne bénéficient non plus d’une assistance psychosociale.

Selon des témoignages, un ménage sur cinq dans ces localités a au moins perdu deux à trois de ses membres du fait du sida. En effet, les statistiques récentes attribuent environ 12% du taux d’infection en Vih/Sida à la province du nord. Le département du Mayo Rey serait le plus touché. Ce taux de séroprévalence se justifie par l’analphabétisme couplé à l’ignorance, le développement de la prostitution et de l’alcoolisme pendant les travaux de construction du Pipe. Le tout accentué par les mouvements des populations de nationalités diverses au marché frontalier de Mbaïboum (Tchad – Cameroun – Rca). Autre cause, la promiscuité dans les villages abritant les bases des sous traitants du consortium Cotco. L’on parle également des tabous liés à la sexualité, les pratiques coutumières telles que le lévirat, sororat, relations sexuelles transformationnelles, etc. Le nombre d’orphelins du Sida est alors inestimable, au regard de la faible sensibilisation couplée à l’inertie des comités locaux de lutte contre la pandémie du siècle.

Prévenir vaut mieux que guérir

Les grands projets comme le pipeline Tchad-Cameroun comportent toujours une bonne part de désagréments et de désillusions dans les localités desservies. C’est dans cette optique que les riverains du projet d’exploitation de la bauxite alumine de Minim-Martap (province de l’Adamaoua) ont adressé au mois de juin dernier un " mémorandum " de plus de 4000 signatures au chef de l’Etat. Dans ce document, les populations réclament le bitumage des routes, l’adduction d’eau potable, la construction des écoles et hôpitaux, la construction des palais traditionnels, le transfert des espèces animales en danger ainsi que le reboisement constant et continu des zones concernées. Les riverains exigent également des compensations et la mise sur pied d’un dispositif de prise en charge psychosociale. Reste à présent à l’Etat et à l’entreprise chargée de la réalisation du projet d’intégrer ces revendications.

Source:
Le Messager
10 septembre 2007
Georges Alain Boyomo a Touboro

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