Des étudiants membres des sectes contrôlent le campus, leurs parents dirigent le Nige

Nigeria – Des étudiants membres des sectes contrôlent le campus, leurs parents dirigent le Nigeria
IPS News – [26/04/04]

Sam Olukoya

Les agresseurs d’Omoyele Sowore portaient des casquettes de base-ball et des cagoules sur leurs visages.

”Deux d’entre eux m’ont suivi, ont sorti leurs armes et m’ont obligé à retourner vers leurs membres”, déclare-t-il.

C’était une attaque bien coordonnée. ”Environ 150 d’entre eux se dirigeaient vers moi, en courant et en tirant en l’air, avec des couteaux et des tessons de bouteilles en main. Dès qu’ils sont arrivés à ma hauteur, ils ont pointé des armes au niveau de ma taille et ont tiré plusieurs fois en l’air pour faire fuir les étudiants qui venaient en grand nombre dans ma direction”, se rappelle Sowore.

”Ils m’ont emmené dans la résidence universitaire et m’ont poignardé à plusieurs endroits sur mon corps. Ils m’ont cloué contre le mur et m’ont fait une injection, c’était très douloureux, j’ai senti tout mon corps trembler. J’ai réussi à sortir de la résidence avec mon corps couvert de sang mais j’ai été saisi par un autre groupe de membres des sectes qui m’ont déshabillé. Ils m’ont emmené au troisième étage et m’ont obligé à sauter en bas après m’avoir frappé avec une batte de base-ball”, raconte Sowore.

Les agresseurs ont injecté à Sowore une substance inconnue. ”Ils avaient décidé de me tuer lentement en m’injectant une substance chimique inconnue”, affirme-t-il.

De tels incidents sont courants dans les universités du Nigeria. Les agresseurs, qui ont attaqué Sowore, étaient des étudiants membres d’une secte à l’Université de Lagos.

Le crime de Sowore était que, en tant que responsable estudiantin, il a mené une campagne contre les sectes. ”Je travaillais conformément au mandat de l’Université de Lagos qui était de combattre les sectes. La campagne avait pris plusieurs dimensions. C’était une campagne de masse, réglée par des principes, très bien organisée et qui ciblait courageusement les membres des groupes-cultes et les démasquait. A de nombreuses occasions, nous avons dû les empêcher physiquement de nuire aux étudiants”, déclare l’ancien responsable du mouvement estudiantin.

Les universités du Nigeria sont aux mains des membres de groupes-cultes. Environ 20 groupes-cultes opèrent dans les universités du pays. Les plus en vue sont ‘Buccaneers, Vikings, Black Axe and Eiye Confraternity’. Leur objectif est de contrôler les universités à des fins égoïstes.

Ils s’adonnent à des actes criminels comme le viol, le vol et l’extorsion. Ils contraignent également les enseignants à leur donner de bonnes notes.. Les enseignants rigoureux, qui refusent de coopérer, sont souvent abattus dans leurs bureaux. Au cours des trois derniers mois, six enseignants dans trois institutions différentes, dans le sud-est du Nigeria, ont été tués par des membres présumés de groupes-cultes, selon l’administration policière et universitaire. Un grand nombre d’étudiants est tué chaque année dans la violence liée au culte. Certains sont assassinés pour des raisons mineures comme une liaison avec des étudiantes qui plaisent aux membres des sectes. Des responsables d’étudiants, qui battent campagne contre les membres de culte, risquent également d’être tués. L’une des attaques les plus remarquables contre des leaders d’étudiants s’est produite en 1999 à l’Université Obafemi Awolowo à Ife, dans le sud-ouest du Nigeria.

Cinq étudiants, y compris le secrétaire général du mouvement estudiantin, ont été tués. Plusieurs étudiants ont été assassinés dans leur dernière année juste après avoir passé leurs derniers examens.

Tola Kazeem, un étudiant à l’Université d’Obafemi Awolowo, estime que les groupes-cultes font régner une angoisse et une crainte maximum sur le campus. ”Si vous les offensez, ils remettent à plus tard leur jugement et vous croyez qu’ils vous ont oublié. Non, ils n’ont pas oublié. Ils ripostent d’une façon qui heurte la plupart”, explique-t-il. Kazeem a échappé au meurtre lorsqu’un membre d’une secte a tiré sur lui l’année dernière. Plusieurs activistes de culte ont eux-mêmes été tués durant des combats à l’arme entre groupes rivaux.

Le gouvernement et l’administration universitaire indiquent qu’ils font des efforts pour réduire la menace des groupes-cultes. La Commission des universités nationales du Nigeria (NUC), l’agence gouvernementale coordonnant les universités du pays, tient beaucoup à mettre un frein à ces activités.

”Non seulement tout étudiant impliqué dans des activités de culte est simplement exclu de l’université, mais, de tels étudiants sont également frappés d’interdiction dans d’autres universités”, affirme Peter Okebukola, secrétaire exécutif de la NUC. Le gouvernement nigérian et certains des 36 Etats du pays envisagent de prendre de nouvelles législations contre les sectes.

Une proposition de loi dans l’Etat de Kwara dans le centre-nord du Nigeria, prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour des étudiants membres des sectes.

Mais des Nigérians ne sont pas convaincus que de nouvelles lois feront une différence puisque beaucoup de choses n’ont pas été faites pour poursuivre des membres des sectes conformément aux lois existantes.

Taiwo Adepoju, un sociologue, croit qu’il sera difficile d’éradiquer les sectes des campus sans s’attaquer premièrement aux causes premières des problèmes qui amènent des étudiants à adhérer au groupe. ”La nature de la société nigériane est telle que la plupart des gens veulent avoir le pouvoir à tout prix pour leurs intérêts économiques”, affirme-t-il.

Sowore souligne que les étudiants membres des sectes, qui sont principalement des enfants de la classe dirigeante du Nigeria, cherchent à contrôler les universités du pays tout comme leurs parents contrôlent le pays. ”Les membres constituent la branche jeune de la classe dirigeante. La plupart d’entre eux sont les enfants des officiers militaires, des chefs et de Nigérians influents qui étaient responsables du pourrissement dans la société plus large”, dit-il. Des étudiants membres des sectes passent outre la loi et se sauvent juste comme leurs parents le font. ”Nous avons une classe de Nigérians qui ont l’autorisation de tuer et ces personnages sont au pouvoir. La même autorisation ou immunité est étendue à leurs enfants, amis ou connaissances; ils ont également l’immunité pour la poursuite criminelle.. Bref, ils sont au-dessus de la loi du pays, chaque Nigérian est conscient de ce fait”, ajoute-t-il. Dans la plupart des universités, les étudiants vivent dans la peur. Personne ne sait qui sera la prochaine cible des gangs. ”La vie sur le campus est imprévisible, les membres de culte sont partout, certains d’entre eux ont fini les études mais ont décidé de rester sur le campus”, souligne Kazeem. Kazeem dit qu’il a rencontré ”des parents en pleurs” qui se sont déplacés pour retirer les corps de leurs enfants chéris de l’université. Certains parents riches, qui ne veulent pas soumettre leurs enfants aux activités des sectes, les envoient étudier à l’étranger.

Source: http://www.ipsnews.net/fr/interna.asp?idnews=2176

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