Emploi — Des professionnels très recherchés

Des professionnels très recherchés

L’époque est à l’africanisation. Les groupes nationaux et internationaux font de plus en plus appel aux talents locaux pour diriger leurs opérations. La chasse aux bons candidats est ouverte.

La tendance s’est installée au milieu des années 1990, pour compenser les départs à la retraite de collaborateurs européens. « Ce fut une préoccupation financière, avant de parler de bonne gouvernance », admet Philippe de Couet, secrétaire général du groupe agroalimentaire Somdiaa, qui emploie plus de 4 000 permanents dans quatre pays de la zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) et compte 90 % de cadres africains dans ses filiales, y compris aux postes de direction. Aujourd’hui, le recours des multinationales aux cadres d’origine africaine s’est généralisé, et les managers africains eux-mêmes amplifient le mouvement en donnant la priorité aux candidats nationaux. Philip Jordan, directeur Recrutement et Carrières du groupe Total – 10 000 salariés sur le continent -, avoue que cette politique ne présente que des avantages et que « c’est indispensable pour le business ». En Afrique du Sud, le pétrolier n’emploie par exemple que 6 expatriés sur 800 personnes et, au Nigeria, 90 % des collaborateurs sont des locaux. En 2008, le groupe devrait embaucher près de 350 cadres africains.

Les métiers qui ont la cote
Parmi les secteurs qui recrutent le plus actuellement, on trouve, en tête, les entreprises de télécommunications, qui bénéficient de l’essor constant des marchés de la téléphonie mobile et de l’Internet, ainsi que l’industrie pétrolière, qui profite de la hausse des cours du brut, des nouvelles opérations d’exploration et de développement… et fait flamber les salaires. Arrive ensuite le secteur bancaire, stimulé par le développement du crédit immobilier et l’extension de réseaux d’agences, comme ceux d’Ecobank ou de Bank of Africa. Les BTP sont aussi une valeur sûre sur un continent en chantier. Le secteur de l’agroalimentaire reste un important recruteur, qui doit répondre aux besoins croissants des populations africaines. Enfin, encore timide comparé à ce que connaissent les pays occidentaux, la montée en puissance des technologies de l’information va également créer de nombreux emplois dans les années à venir.

Lorsque les profils recherchés sont jugés exceptionnels et les postes stratégiques, les entreprises n’hésitent pas à faire appel à des cabinets extérieurs pour dénicher l’oiseau rare. Leur multiplication ces dernières années indique que le recours à cette solution s’est beaucoup développé. À Paris, ils sont trois à se partager le gros du marché. Le pionnier, Afric Search, créé en 1996, réalise plus de 300 recrutements par an. Michael Page Africa, né en 2006, a déjà triplé son activité et pourvoit une centaine de postes chaque année. Alors que Elzear, dernier arrivé, connaît déjà une forte progression. Au Royaume-Uni, le créneau est largement dominé par Global Career, qui travaille beaucoup sur l’Afrique anglophone.

La chasse aux candidats ne connaît pas de frontières. Toutefois, chercher le bon profil en Afrique comporte bien des difficultés. L’absence d’annuaires professionnels et la rareté des associations d’anciens élèves, qui, ailleurs, conservent les coordonnées des diplômés de chaque école, freinent les résultats. Pour contourner ces lacunes, Afric Search a imaginé des salons, baptisés AfricTalents, qui permettent aux recruteurs et aux candidats de se rencontrer. En France, les réseaux qui regroupent les Tunisiens (Atuge), Algériens (Reage) et Marocains (Amge) diplômés des grandes écoles françaises offrent en outre un vivier de choix. Reste ensuite à les convaincre des bénéfices d’un retour sur le continent.

En l’occurrence, ces dix dernières années, les conditions financières ont beaucoup évolué et se sont rapprochées des standards européens. Pour le Maghreb, « elles peuvent représenter entre la moitié et les deux tiers d’une rémunération française », explique Franck Jullié, le fondateur du cabinet de recrutement Elzear, « un directeur de filiale au Maroc peut gagner 80 000 euros par an ». D’après une étude réalisée par le cabinet PwC en 2005, au Kenya, les salaires des cadres peuvent atteindre 130 000 euros dans l’industrie et plus de 250 000 euros dans la finance. À Dakar, un cadre expérimenté avec des responsabilités peut espérer près de 40 000 euros dans une entreprise internationale, et un directeur financier du secteur des télécoms dépassera allègrement les 85 000 euros par an. Le plus souvent, les cadres africains sont séduits par des « packages » qui comprennent, outre un salaire fixe, différents avantages en nature comme la prise en charge des frais médicaux, les cotisations retraite, une voiture de fonction, etc. Le tout est bien sûr négocié au cas par cas. Une fois recrutés, l’autre défi pour les entreprises est de les fidéliser, pour ne pas les voir passer rapidement à la concurrence.

Source: http://www.jeuneafrique.com
13 avril 2008
Julien Clémençot

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