Le doctorat, un diplôme trop peu reconnu par les entreprises

Le doctorat, un diplôme trop peu reconnu par les entreprises

Les idées reçues ont la vie dure. Les docteurs s’insèrent encore trop peu dans les entreprises privées, selon une étude publiée récemment par le Cereq (Centre d’étude et de recherche sur les qualifications). En 2007, seuls 46 % d’entre eux avaient rejoint une entreprise privée, trois ans après la fin de leurs études, contre 54 % employés dans le public. Un chiffre certes en progression -il était de 40 % en 2001 -, mais le ratio reste encore déséquilibré. L’étude s’est notamment centrée sur l’analyse de la branche ingénierie, informatique, études et conseil (IIEC), premier employeur privé de docteurs, avec 13.000 cadres. Las, ces profils sont en minorité : ils ne représentent que 1,7 % des effectifs de la branche, contre 13,6 % pour les ingénieurs, alors même que le secteur a connu une augmentation moyenne de ses effectifs de 4,6 % en rythme annuel entre 1994 et 2007.

Conditions de travail

Les raisons de ce désamour sont complexes. « Les deux univers restent mutuellement prisonniers de leurs habitudes et de leurs clichés », note Emmanuel Sulzer, ingénieur de recherche au Cereq. Signe de cette défiance, 70 % des doctorants déclarent vouloir travailler dans l’université ou la recherche publique au moment de leur soutenance de thèse, tandis que seuls 23 % veulent travailler dans le privé. Si leurs rémunérations sont relativement élevées – salaire médian de 2.300 euros net, soit davantage que « le niveau de rémunération médian des jeunes ingénieurs tous secteurs confondus » -, c’est plutôt leurs conditions de travail qu’ils pointent du doigt. Plus du tiers d’entre eux déclarent ainsi être employés en dessous de leur niveau de compétences, alors qu’ils ne sont qu’un quart dans ce cas dans le public et dans les autres branches du secteur privé.

De fait, certaines entreprises accordent peu de considération à ce diplôme. « Les employeurs préfèrent nettement les profils ingénieurs, jugés plus adaptés à leurs activités », estime encore Emmanuel Sulzer. Ainsi, près d’un recruteur de la branche sur deux déclare avoir recherché un ingénieur et, à défaut, un autre diplôme bac + 5, laissant une place marginale aux profils bac + 8.

Méconnaissance

De même, 60 % des employeurs jugent que la formation universitaire ne prépare pas les docteurs à travailler dans le secteur privé. Ils craignent notamment « les profils surdiplômés ayant des compétences qu’ils identifient mal, et dont l’opérationnalité à court terme n’est pas assurée », ou encore la venue d’un « pur esprit, probablement réticent à s’impliquer dans un collectif et une réalité productive ». Désireux de sécuriser leur recrutement, notamment en temps de crise, les recruteurs s’orientent donc vers des profils plus visibles et déjà éprouvés (école d’ingénieurs, master…), délaissant les formations moins visibles.

Au final, « tout est une question de méconnaissance », juge le Cereq, qui remarque que les entreprises ayant déjà embauché des docteurs en sont satisfaites et continuent d’en recruter. L’enjeu est donc de développer les mises en relation entre les deux univers, afin que les stéréotypes s’estompent. Depuis la loi de 2006 relative à la formation doctorale, les pouvoirs publics ont confié aux écoles doctorales une responsabilité d’insertion. Suffisant pour mieux se connaître ?

MAXIME AMIOT, Les Echos
22/12/09
Source: http://www.lesechos.fr

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *