Cotonou, Bénin (PANA) – Seize ans après les états généraux qui ont
fixé les grandes orientations du système éducatif, l’école béninoise
reste encore confrontée, de l’avis de plusieurs observateurs, à des
difficultés dont le plus crucial est le manque d’enseignants
qualifiés.
Du diagnostic du système éducatif béninois établi par les ministères
en charge du domaine, il ressort que l’école béninoise est plus
malade de ses enseignants peu nombreux, mal formés et soumis à une
rémunération ne leur permettant pas de s’adonner à une application
correcte des programmes d’études.
Selon des enquêtes récentes, le système éducatif béninois traverse
une crise marquée par une utilisation massive d’enseignants non
qualifiés à tous les niveaux, liée à l’expansion du système, au gel
de recrutement dans la Fonction publique et à la suspension pendant
plusieurs années de la formation initiale des enseignants de niveaux
pré-universitaires.
Trois types d’enseignants cohabitent actuellement dans l’enseignement
primaire public, les agents permanents de l’Etat, les contractuels et
les communautaires.
Selon des statistiques de 2005, le Bénin compte 23.270 dont 10.144
agents permanents de l’Etat, 5.267 contractuels et 7.859
communautaires (qui ne présentent pas toujours le profil requis),
mais recrutés par les collectivités locales pour combler les postes
vacants au primaire.
Même au niveau de l’Enseignement supérieur, seulement 16,3% des
enseignants sont des professeurs titulaires et maîtres de
conférence.
Le ratio élève/maître s’est considérablement détérioré entre 1992 et
2005, passant de 39,8 à 50, indique l’état des lieux du système
présenté lors du récent Forum national sur l’éducation.
Avec la suspension pendant plusieurs années de la formation initiale
des enseignants, la dernière principale formation en cours d’emploi
s’est déroulée dans le cadre de la généralisation de la réforme des
programmes d’enseignement.
Cette formation organisée pendant les vacances s’est heurtée à un
certain nombre de problèmes et est généralement jugée insuffisante
pour assurer une bonne application des nouveaux programmes
de l’enseignement.
Pour les responsables du ministère des Enseignements primaire et
secondaire, cette formation résidentielle devra être remplacée par
une formation de proximité moins onéreuse.
Des différents ordres d’enseignement, le secondaire a beaucoup plus
souffert d’une détérioration des conditions d’enseignement,
particulièrement en ce qui concerne le facteur humain, indiquent les
responsables de cet ordre.
Dans l’enseignement secondaire public, les enseignants non formés,
recrutés par les parents d’élèves et appelés ici vacataires sont
devenus la grande majorité du corps enseignant.
En 2004-2005, ils représentaient près de 80% des effectifs totaux
alors que les enseignants qualifiés permanents (APE) qui
représentaient encore 66% en 1997 n’étaient plus que 14%.
Le nombre de vacataires s’est considérablement accru depuis
l’allocation d’une subvention du gouvernement aux parents d’élèves
pour faire face à ce volet, fait-on remarquer.
Au plan de la répartition du personnel enseignant dans les
établissements, les spécialistes font ressortir un fort degré
d’incohérence. Des écoles scolarisant 200 élèves se retrouvent entre
2 et 7 enseignants, tandis que celles dont les effectifs varient de
100 à 400 disposent de 4 enseignants.
Les disparités en matière d’allocation d’enseignants s’observent non
seulement entre départements mais également entre les écoles au sein
d’un même département.
Certains départements du Nord-est et du Sud-ouest sont les
moins nantis, alors que Cotonou et environs sont très favorisés.
Outre l’effectif et le manque de formation, les mauvais traitements
salariaux poussent ces enseignants à délaisser les classes pendant
plusieurs mois dans l’année, pour se consacrer à leurs revendications
pour lesquelles les négociations traînent souvent.
Pour arrondir les angles, les enseignants du public béninois se
retrouvent pour la plupart également dans le secteur privé (avec une
rémunération meilleure) ou des cours de répétitions à domicile.
Régulièrement envoyé au Collège d’enseignement général (CEG) de
Vêdoko, Abibou Assouma, professeur de Maths s’est arrangé pour avoir
12h de cours dans 3 autres établissements privés.
Avec au total 40h, au lieu de 18 légalement recommandé, il avoue que
les heures assurées dans le privé lui procurent plus du double de ce
que lui paie l’Etat à la fin du mois.
Plus entreprenant, son collègue Alfred Sagbo, enseigne outre le
français pour lequel il est recruté au CEG Sainte Rita, l’espagnol et
l’anglais dans plusieurs autres établissements privés qui acceptent
même de programmer des cours les samedis.
“Je me surmène pour pouvoir gagner gros et épargner maintenant afin
de m’assurer une retraite paisible”, confie-t-il, indiquant que la
pension à la retraite ne permet pas à l’enseignant béninois de vivre
longtemps.
Cette course au gain ne permet pas à l’enseignant de donner le
meilleur de lui-même, déplore un inspecteur de l’enseignement
secondaire à la retraite.
Bien que très peu satisfaisant, le Taux brut de scolarisation (TBS),
montre que des progrès ont été réalisés par le Bénin à tous les
niveaux du système éducatif au cours des deux dernières décennies.
Pour le primaire, le Taux brut de scolarisation, qui était d’environ
68% en 1980, est passé à 71% en 1992, à 77% en 1999 et à 94% en 2005.
Dans le secondaire, ce taux qui se situait à environ 12% en 92 a
atteint le chiffre de 19% en 99 et à 41% en 2005.
Sur 100 enfants qui entrent à l’école en classe de CI, seulement 54
accèdent à la classe de CM2 et moins de 10 arrivent en classe de
terminale.