Les jobs de demain

L’économie verte et les nouvelles technologies offrent de formidables gisements d’emplois. Comment y faire sa place ? Challenges a enquêté aux Etats-Unis, toujours avant-gardistes en la matière, pour évaluer les métiers du futur. A vos marques !

Les jumeaux Johan et Jeremy Attali (aucun lien avec les autres jumeaux Attali, Jacques et Bernard), 25 ans, ont tout fait ensemble : un bac S dans un lycée de Seine-et-Marne, et des études d’ingénieur informatique à l’Université de technologie de Compiègne. Ils ont achevé leur cursus par une année dans une université américaine : Rhode Island pour Johan, Illinois pour Jeremy. Au moment de trouver un stage de six mois en entreprise, ils ont repéré Orange Labs, le laboratoire de France Télécom dans la Silicon Valley. «Nous avons envoyé nos CV en expliquant qu’on travaillait bien ensemble», raconte Jeremy. Bingo : le Lab, qui emploie 60 cracks des technologies de l’information – dont un quart de Français -, cherchait justement des développeurs. «Johan est plus spécialisé sur les applications pour smart-phones, moi, sur celles pour Face-book ou Flickr…», dit Jeremy.
Pour décrocher un de ces métiers d’avenir qui défient la morosité ambiante, les jumeaux Attali ont su «saisir leur chance… voire la forcer !» Ils ont sauté sur la première vague des jobs de demain, celle portée par le Web et le boom de l’informatique mobile. Mais il en existe d’autres, aussi puissantes : les green techs, bien sûr, boostées par les nouvelles réglementations environnementales, 20 millions d’emplois en perspective d’ici à 2020; les biotechnologies et autres découvertes qui dessinent l’industrie de demain dans les laboratoires; mais aussi l’intelligence stratégique, l’analyse et la sécurité.

«Fleurs de printemps»
Tous ces métiers dessinent la «nouvelle frontière» née de l’obligation de sortir – vite – de l’économie fondée sur les énergies fossiles et des secousses sismiques de la crise financière. Robert Morlot, directeur pour la côte Est du cabinet de chasseurs de têtes Lee Hecht Harrison, les appelle «les fleurs de printemps» : «Elles sont là, encore peu visibles, mais elles sont là», explique-t-il dans son bureau qui domine Grand Central Station, à New York. Malgré un chômage galopant aux Etats-Unis, elles génèrent des offres d’emploi sur les job boards, et feront bientôt florès en Europe.
Challenges a détaillé 21 de ces métiers d’avenir à la portée des jeunes diplômés ou des cadres en mal de changement. Aux Etats-Unis, et notamment en Californie, les candidats à l’aventure affluent. Français, américains, indiens, ils incarnent l’énergie et l’intelligence en ébullition. C’est pour cela que l’Amérique les aime. Et l’Amérique a toujours dessiné les jobs du futur.
Intégrés dans des start-up ou dans des filiales de grandes entreprises, les jeunes diplômés qui ont décroché l’un de ces jobs sentent tous qu’ils travaillent sur des sujets d’avenir. Stéphane de La Rue du Can, 34 ans, a ainsi pu contribuer à la rédaction du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Arrivée en Californie par un mariage américain, une statisticienne de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) – formée en économie à Dauphine – a su se faire une place dans le département de l’International Energy Studies du Berkeley Lab. Elle eu de la chance, dit-elle : «L’AIE et le Lab avaient des contacts. On m’a prêté un bureau pour des travaux personnels. En 2003, Berkeley a eu des contrats de recherche sur les potentiels d’économie d’énergie à travers le monde. J’ai été embauchée.»
Quant à Evelyne Kong, 24 ans, qui a un contrat de dix-huit mois à Veolia Energy, à Boston, elle travaille dans une équipe technique américaine, notamment sur des projets de biomasse : «Le secteur de l’énergie va beaucoup évoluer, et les ingénieurs auront un rôle important.» Romain Péchard, 27 ans, est, lui, «évangéliste» pour la PME parisienne Dimelo, qui propose aux marques des outils pour dialoguer en ligne avec leurs clients. Quel que soit le succès de Dimelo aux Etats-Unis, son expérience sera un atout : «Le marketing sur les médias sociaux est la communication de l’avenir : plus interactive, plus personnalisée.»

Prise de risques
Pour décrocher un de ces jobs, ces jeunes ont pris des risques. «J’ai vu le développement de l’éolien, et je n’ai pas hésité à quitter un CDI d’ingénieur chargé d’affaires à Cegelec, en Bretagne, pour une mission temporaire à enXco, la filiale américaine d’EDF Energies nouvelles», dit Jérôme Le Hir. Comme Evelyne, il est passé par le volontariat international en entreprise : un contrat de dix-huit mois, avantageux pour l’employé comme pour l’employeur. Pari réussi : après avoir fait ses classes sur des sites près de Chicago puis San Francisco, Jérôme a été embauché comme manager d’une nouvelle «ferme à vent» dans l’Oregon. Pour faire décoller son initiative américaine – le site d’alerte de contenu Notifixio.us -, Julien Genestoux, lui, n’a pas hésité à miser les revenus provenant de sa première société : Jobetudiant.net. Des cadres plus confirmés font aussi des paris. A 40 ans, Derron Bishop (lire portrait p. 61) a rejoint, à la fin de son MBA, Alevant, start-up développant un concept d’intelligence économique.
Etre là au bon moment, c’est la clé pour accéder à l’un de ces métiers, comme l’explique Robert Morlot (lire interview p. 63). Et surtout être là où ça se passe, si possible, près des clusters, ces centres d’excellence où se côtoient universités, start-up et labos de recherche, aux Etats-Unis comme dans le monde. Dans ces lieux, des centaines de métiers sont en gestation.

Empreintes américaines
Au-delà de la diversité de leurs parcours, ces jeunes ont multiplié les approches de terrain : stages, séjours à l’étranger, ou expériences de volontariat. Comme les jumeaux Attali, beaucoup ont profité de la possibilité d’effectuer leur master dans une université nord-américaine. Et ils ont été séduits : «Ce qui m’a frappé, c’est l’ouverture de Stanford sur le monde professionnel», dit Pascal Perez, qui a quitté Google pour diriger la plate-forme technologique d’un site d’investissement original, Kaching.com. «A Oregon State, ce sont vraiment les étudiants qui portent les projets : c’est ce qui m’a donné envie de revenir travailler aux Etats-Unis», explique Jérôme Le Hir.
Le «management à l’américaine» stimule la capacité d’innovation. En France, selon eux, leurs camarades sont traités comme de la chair à stage ou à CDD en série. Même s’ils sont brillants, ils ont rarement l’espoir d’un avancement rapide. «Ici, on peut monter très vite : l’efficacité compte davantage que les diplômes ou l’ancienneté», assure Jérôme Le Hir. «J’ai plus de responsabilités que je ne pourrais en avoir si je débutais en France», affirme aussi Mathieu Thouvenin, 25 ans, chef adjoint de produit à Scout Labs, qui surveille la réputation de ses clients sur le Web 2.0. «Les sociétés de design ou de jeux vidéo de la Silicon Valley traitent beaucoup mieux leurs créatifs que les entreprises françaises», constate Eliane Fiolet, qui a travaillé comme graphiste des deux côtés de l’Atlantique, avant de créer, avec Hubert Nguyen, le blog technologique à succès Ubergizmo. Même son de cloche chez Julien Genestoux : «Dans la Valley, on reconnaît la valeur des gens. On apprécie la prise de risque, même si elle débouche sur un échec.»
Ce qui distingue la compétence de demain, c’est aussi le retour de la passion. Pour la plus grande satisfaction des jeunes. «Nous assistons à la fin du leadership pyramidal et au grand retour de l’engagement, notion extrêmement importante chez les jeunes», constate Robert Morlot. Ils ont conscience qu’ils inventent leur trajectoire dans un monde en métamorphose. Laurent Mahuteau, 23 ans, qui effectue un training de fin d’études sur les performances comparées des différents sites solaires d’enXco, dit avoir «trouvé sa voie».
Les conseils de ces heureux professionnels aux jeunes diplômés qui veulent trouver la leur ? Le réseau, le réseau, le réseau ! «Osez solliciter les gens connus», dit Mathieu Thouvenin, qui avait décroché un stage en écrivant au «serial entreprenaute» Loïc Le Meur. «Cultivez votre network, suivez les nouveautés technologiques et les tendances», conseille Scott Velicer, spécialiste de géolocalisation à Placecast (lire portrait p. 54). Soyez porteur d’idées neuves.
Flexibles, ouverts, curieux, les gagnants ont des projets personnels, en plus de leur day job : Romain Péchard est éditeur du chapitre français du blog technologique Read-WriteWeb, Mathieu Thouvenin développe des applications pour iPhone… Et surtout, n’ayez pas peur de vous montrer. Comme le disent en choeur les frères Attali, adeptes de moto et de karaté, «Foncez !»

Anne Tézenas du Montcel
21 juin 2009
Source, pour en savoir plus: http://www.challenges.fr

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