Les Universités Virtuelles : fiche d’identité et premier bilan de l’UVA

Les Universités Virtuelles : fiche d’identité et premier bilan de l’UVA

Sur la note demande de bourses du blog Demande de Bourse d’Etude aux Bénévoles, vous êtes nombreux parmi les lecteurs à témoigner d’un besoin d’informations et d’accompagnement pour la poursuite des études, notamment les systèmes de bourses. Partant du constat de l’existence de ce besoin, nous avons rédigé cette note destinée à vous informer sur les Universités Virtuelles et sur les perspectives d’études qu’elles vous ouvrent.

Définition: les universités virtuelles proposent un accès à l’enseignement via Internet. Cette solution d’e-learning occupe un rôle d’interface entre un apprenant et un programme de formation qu’il compose à la carte, à partir d’un portail de contenus, d’outils de gestion et de formations.

Présentation de l’Université Virtuelle Africaine (UVA)

L’Université Virtuelle Africaine a été créée en 1997, sur l’initiative du Burundais Etienne Baranshamaje. Ce projet a reçu le soutien de la Banque Mondiale, de Microsoft et de la Banque Africaine de développement, qui a investi 8 millions de dollars en 2004. L’UVA est présente dans 27 pays du continent africain et dans plus de 50 universités.

Les objectifs globaux dégagés par ce projet sont triples. D’une part, permettre l’accès à des formations de qualité pour des africains n’ayant pas les moyens de faire leurs études à l’étranger (notamment en Europe, aux Etats-Unis et au Canada). D’autre part, développer une expertise technique sur le terrain, visant à encourager l’économie locale. Pour finir, pallier au problème d’insuffisance des universités et des établissements supérieurs en Afrique qui peinent à accueillir l’ensemble des étudiants, faute de place et de moyens.

Pour plus de détails sur l’histoire de l’UVA, ses objectifs, ses forces, ses programmes, ses partenaires… Nous vous invitons à consulter la très complète interview de Dr Bakary Diallo, recteur de l’université africaine sur le site e-learning africa.

L’UVA: le bilan

Un peu plus de dix ans après la création de l’UVA, un premier bilan peut être dresser. Il s’agit de voir dans quelle mesure les objectifs initiaux ont été réalisés, d’en extraire les points positifs et ceux qui restent soumis à amélioration. Ce bilan peut se résumer en cette question : quelle richesse l’UVA a-t-elle fait naître ?

En 10 ans, l’UVA a formé près de 50 000 Africains, dont 40% de femmes

Avec un coût de formation allant de 350 000 à 450 000 FCFA par an (soit 900 à 1 100$ US), l’UVA permet à de nombreux africains d’accéder à une formation de bonne qualité tout en restant dans leur pays.

L’UVA n’a pas seulement permis de faciliter l’accès à l’éducation supérieure. Il s’est également révélé être un vecteur de développement d’intégration à l’échelle régionale.

Jacques Bonjawo, ex Président de l’UVA a retracé la genèse de l’Université Virtuelle d’Afrique à l’occasion du dixième anniversaire de l’Université Virtuelle Africaine. A ce titre, il a rappelé que cette idée est celle d’un africain visionnaire et que l’adhésion qu’il a rencontrée par la suite n’avait à la base rien d’évident… Nous vous invitons à consulter cet article intitulé Dixième anniversaire de l’Université virtuelle africaine : La Banque mondiale y a adhéré par « réalisme » et « opportunisme », selon Jacques Bonjawo sur le site du Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education.

Regards croisés

Pierre-Jean Loiret a consacré son mémoire de Master en 2004 et sa thèse de 2007 en sciences de l’éducation à ces questions. Selon lui, le projet UVA a été accompagné d’un discours politique très « techno centré » et d’un « marketing de l’utopie » qui n’ont pas été à la hauteur des espoirs nourris par le lancement de ce dispositif éducatif.

L’axe de recherche du Mémoire de Master est motivé par le fait que, selon l’auteur, il est « impossible en Afrique de ne pas croiser le « discours » de l’UVA dans les médias du continent (ni) la mise en valeur de ses résultats réels ou supposés. Il est en revanche beaucoup plus rare de trouver l’expression d’une analyse critique, de la part des journalistes mais aussi des universitaires francophones, au sujet de l’UVA. C’est un motif d’étonnement et l’une des principales motivations de l’écriture de ce mémoire. »

Jacques Bonjawo concède lui aussi que les acquis de ce projet demeurent assez fragiles et que le défi à relever est « d’arriver à ce que 80% des formations dispensées par l’université proviennent des universités africaines. Ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle puisque la majorité des contenus viennent des universités partenaires du Nord ».

Jean-Pierre Loiret rappelle tout de même que « l’UVA a en quelque sorte fait la preuve que l’Afrique pouvait ne pas être absente des réalisations internationales en matière d’EAD (Enseignement A Distance). Son existence contribue à entretenir un débat sur l’avenir des établissements d’enseignement supérieur en Afrique ; alimente l’analyse sur la modernisation du système éducatif, son adaptation aux besoins des pays africains et participe à une réflexion sur le rôle de l’enseignement à distance sur le continent. »

Autrement dit, si l’UVA doit encore trouver des points d’amélioration (rappelons que cette solution d’e-learning n’a qu’une dizaine d’années), elle actualise néanmoins la prise de conscience de la communauté internationale quant à la place nécessaire de l’Afrique en matière d’enseignement à distance.

A l’heure du premier bilan des UVA, la question à mener en parallèle est, entre autres, celle de la maturité des stratégies pour faire face aux défis liés à la connectivité (VSAT, Fibre optique…) et au partage et à la production de contenus en lignes (logiciels libres, programmes d’enseignements, centres de ressources pédagogiques, formation des formateurs, bénévolat…). En toute logique, pour développer efficacement sa diffusion d’enseignement en ligne, l’UVA a besoin d’un réseau d’outils connectiques fiables et performants.

Témoignages

Cette année, sur le site de la radio RFI une enquête participative a été menée sur le thème « Afrique : y-a-t’il un ordinateur dans la classe ? ». Les échanges, assez denses et complets, font apparaître une réalité contrastée.

Globalement, les internautes participants reconnaissent l’intérêt d’Internet dans le développement et l’amélioration du système scolaire en Afrique. De la primaire à l’université, des outils tels que les bibliothèques en ligne sont clairement identifiés comme des moyens de pallier à l’insuffisance de supports documentaires disponibles sur place.

En revanche, les internautes déplorent l’hétérogénéité qui demeure en matière d’accès à l’outil Internet, et qui passe en premier lieu par le taux d’équipement en ordinateur. Un internaute résume le problème en ces termes : « la fracture numérique est encore légion sous mes yeux ». Dans les faits, en Côte d’Ivoire par exemple, « l’enseignement de l’informatique à partir de la classe de 6ème commence à se rependre dans tous les établissements secondaires. Mais ce n’est pas de façon institutionnelle; cela ne procède pas d’un programme gouvernemental, mais de l’initiative de chaque responsable d’établissement. Et les cours sont dispensés sans ordinateur, dans 95% des cas. »

En résumé, si la prise de conscience est bien réelle, les moyens d’accès à l’outil Internet sont encore insuffisants et leur développement se fonde la plupart du temps sur la base d’initiatives personnelles et privées.

En résumé… Le système éducatif en Afrique: une crise systémique

L’étude du CNED intitulée Formation à distance, multiples Sud résume la pluralité des points de vue sur le sujet : « En caricaturant les points de vues des uns et des autres, pour quelques rares auteurs l’usage d’Internet en éducation est vu comme le mal absolu qui ne résoudra rien et qui va accroître les coûts de l’éducation ; pour d’autres, le remède miracle qui permettra de résoudre l’accès au savoir universel ; les derniers enfin sont des optimistes raisonnés qui pensent que si les problèmes structurels ne seront pas résolus par Internet, la mise en réseau des compétences et certaines expériences réussies de formation à distance permettent de progresser. Cependant, le manque d’intelligibilité dans la mise en place des actions est le plus souvent de mise. »

Il serait malhabile de dénoncer les faiblesses de l’UVA sans rappeler le contexte dans lequel elle s’inscrit. L’étude du CNED rapporte les insuffisances relatives au système éducatif africain. Le triple déficit dont il est question n’est pas restreint à un constat matériel, il vise :

le manque de chercheurs en sciences de l’éducation, de la communication ou en informatique dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Education (TICE)
l’insuffisance d’études scientifiques et objectives (l’étude révèle que les dispositifs de Formation A Distance (FAD) comme TICE relèvent souvent de la communication corporate voire de la publicité mensongère…)
ainsi que le déficit en outils actualisés et les références internes concrètes d’ingénierie de formation.
Par ailleurs, un autre point d’importance est souligné : la diminution des formations des enseignants imposée par la Banque Mondiale et la baisse du niveau académique de leur recrutement. Ainsi, alors même que l’on attend beaucoup des formations à distance, le risque encouru est que le déploiement des TICE se fasse dans le cadre d’une offre privée d’éducation, par essence réservée aux classes favorisées.

A la lecture de l’ensemble des propos rapportés ici, l’efficacité de l’UVA n’est pas directement en cause. Cette solution d’e-learning, en tant que signe de la nécessaire refonte du système scolaire en Afrique, doit être maintenue. Néanmoins, l’existence et la pertinence de l’UVA n’est pas sans poser une autre question: celle des moyens réellement engagés de la part des organismes et des Etats pour encourager l’essor de ce nouveau modèle éducatif. Celui-ci ne peut-être en effet porté par les seules initiatives privées d’hommes et de femmes qui y reconnaissent là un moyen de dépasser le clivage nord/sud dans l’accès à l’éducation.

23/11/09
POUR EN SAVOIR PLUS

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