Niger – Des enfants de 12 ans brûlent des étapes scolaires grâce à la ‘Passerelle’

Des enfants de 12 ans brûlent des étapes scolaires grâce à la ‘Passerelle’
Ousseini Issa

GOGUEZEY, Niger, 16 mars 09 (IPS) – Zalika Abdou, une fille de 12 ans, avait perdu tout espoir d’aller à l’école lorsque la chance lui sourit à la rentrée scolaire 2007-2008, avec l’ouverture de deux classes «Passerelle» à Goguezey, son village natal, dans l’ouest du Niger.

Après seulement huit mois en classe «Passerelle», Zalika est inscrite cette année scolaire (2008-2009) au cours élémentaire deuxième année (CE2) dans l’école formelle du village, a constaté IPS sur place. Les classes «Passerelle» ont été ouvertes par l’organisation non gouvernementale (ONG) locale Volontaires pour l’intégration éducative (VIE Kandé Ni Beyra), basée à Niamey, la capitale nigérienne. (Kandé Ni Beyra signifie «apporte ton savoir» en langue Zarma-Sonrai).

«Grâce à l’ONG VIE qui nous a amené la classe Passerelle, je suis au même niveau aujourd’hui que beaucoup de mes camarades du village qui ont eu la chance d’aller tôt à l’école», déclare Zalika à IPS.

«Les enfants issus de la Passerelle que j’ai dans ma classe assimilent plus rapidement que les autres», confie à IPS, Yacouba Hama, l’enseignant de la classe de Zalika.

Une soixantaine d’enfants âgés de neuf à 12 ans, qui n’avaient pas eu la chance d’aller à l’école ou l’avaient abandonnée très tôt, fréquentent cette année l’école primaire de Goguezey, grâce à l’initiative Passerelle. «Les filles venues de la classe Passerelle sont au nombre 18 admises au CE2. Sur les 60 enfants, elles sont au total 35 filles», indique Hama.

Comme Zalika, ils sont nombreux les enfants nigériens qui n’ont pas la chance d’aller à l’école à l’âge requis du fait de la faiblesse de l’offre éducative par rapport à la demande, estiment des experts de l’éducation.

Selon les statistiques du ministère de l’Education nationale à Niamey, 43 pour cent d’enfants en âge d’aller à l’école n’étaient pas scolarisés au Niger en 2007. Le taux est ramené à 38 pour cent en 2008 et sur les 62 pour cent qui ont la chance d’accéder à l’école, 25 pour cent n’achèvent pas le cycle primaire.

«Il n’y avait aucune école proche de notre hameau au moment où ma fille a atteint l’âge d’être inscrite. Il a fallu attendre quatre ans après pour que nous bénéficions d’une école», explique à IPS, Abdou Hamadou, le père de Zalika.

«C’est devant ce constat que nous avons pensé à cette offre alternative qui est mise en œuvre dans les régions de Tillabéri et de Dosso (ouest du Niger), respectivement par ‘Vie Kandé Ni Beyra’ et ‘Tarbiyya Tatali’ (une autre ONG locale basée à Niamey), avec le concours de la Fondation Stromme basée en Norvège», explique à IPS, Ali Abdoulaye, le coordonnateur de VIE. (Tarbiyya Tatali signifie en langue Haoussa «incitation à la recherche du savoir»).

«L’alternative consiste à prendre en charge les enfants de neuf à 12 ans non scolarisés ou déscolarisés tôt, pour les conduire en classe de CE2 ou CE1, au bout de huit mois de scolarisation, d’abord en langue maternelle pendant les deux premiers mois, puis en français les six mois restants», ajoute Abdoulaye.

Selon Aïssa Amadou, chargée du programme éducation alternative à l’ONG VIE, l’enseignement qui est dispensé aux enfants est un condensé des programmes des trois premières années du cycle primaire, élaboré en partenariat avec les services déconcentrés du ministère de l’Education nationale.

«Au bout des huit mois, les enfants subissent un test de niveau sur la base duquel certains sont sélectionnés pour la classe de CE2, d’autres pour le CE1 (cours élémentaire première année), et les défaillants orientés dans des centres pour apprendre un métier», indique Amadou.

Selon Abdoulaye, «l’initiative Passerelle, qui a débuté au Niger à la rentrée scolaire 2007-2008, a permis d’intégrer plus d’un millier d’enfants (dont 600 filles) dans le système scolaire en 2009». Elle est mise en œuvre également au Mali depuis 2004 et au Burkina Faso en 2006 par des associations locales avec le concours de la même Fondation Stromme, dit-il.

«Nous avons commencé avec 20 centres totalisant un effectif de 588 enfants dont 306 filles dans les départements de Kollo et de Téra (ouest du Niger). Sur ce chiffre, 455 ont été évalués et reversés cette année dans le circuit formel», souligne Amadou. Selon elle, le nombre de centres est passé à 30 portant l’effectif à évaluer cette année à 821 élèves.

Du côté de «Tarbiyya Tatali», qui intervient dans le département de Doutchi (ouest du pays), «la première année de mise en œuvre de la Passerelle a permis de faire admettre 559 enfants dans le circuit formel sur 600 inscrits», indique à IPS, Oumarou Zaki, un membre de l’ONG.

«Les autres enfants non admis sont orientés vers des centres de développement communautaire pour apprendre la couture, la menuiserie ou la maçonnerie…», ajoute-t-il.

Pour Aboubacar Moussa, chargé du suivi de l’initiative au ministère de l’Education nationale, «la Passerelle apporte un plus dans l’amélioration de l’offre d’accès, mais aussi de la qualité».

«Parmi le millier d’enfants de la Passerelle transférés cette année, un a même été directement inscrit au cours moyen première année (CM1)», souligne Moussa à IPS.

Selon Amadou de l’ONG VIE, «les bons résultats enregistrés sont dus au fait que les enfants commencent l’apprentissage dans leur langue maternelle pour tendre progressivement vers le français».

Les communautés locales contribuent à la bonne marche du système, à travers notamment la construction des classes et l’installation d’un comité villageois de gestion pour veiller à l’assiduité des enfants et sensibiliser les parents sur l’importance de l’école, a constaté IPS.

«La Passerelle nous a ôté une grosse épine du pied. Elle évite à nos enfants, qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école très tôt, de basculer dans la délinquance ou d’aller en exode», affirme à IPS, Saley Niandou, un habitant de Goguezey.

«C’est surtout un rempart pour nos filles qui sont souvent données en mariage dès l’âge de 12-13 ans ici en brousse», renchérit Méhaou Adamou, une mère de 39 ans, habitante du village.

Le Niger a élaboré depuis 2002 un programme décennal de développement de l’éducation, avec pour ambition de porter son taux brut de scolarisation de 34 pour cent en 2000 à 70 pour cent en 2012, pour répondre aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies. L’OMD 2 veut assurer l’éducation primaire pour tous les enfants d’ici à 2015.

«La mise en œuvre du programme, qui prend en compte les interventions des organisations de la société civile, a permis de passer le taux brut de scolarisation à 57 pour cent en 2007, puis à 62 pour cent en 2008», indique Abdoulaye à IPS. (FIN/2009)

Source: http://ipsinternational.org

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