RCA – Etre étudiant camerounais en Rca

Etre étudiant camerounais en Rca
Source : Le Messager
06/06/2005)

Les hauts et les bas d’une vie à part, dans un environnement difficile, marqué par la précarité ambiante et l’insuffisance des moyens.

Le quotidien d’un étudiant camerounais en République Centrafricaine est loin d’être de tout repos. La journée de Théodore M. commence généralement à 4 heures du matin pour s’achever aux dernières heures de la soirée. L’étudiant camerounais de la faculté des sciences de la santé ouvre en effet ses matinées par des révisions de leçons. Le créneau horaire pour cette activité : 4h – 6h. Après cet exercice de mémoire, il se rend immédiatement au restaurant universitaire pour son petit-déjeuner, composé d’une tartine beurrée et d’un bol de lait, au prix de 40 Fcfa. “ Il faut y être avant 7 heures du matin. Parce qu’après, il n’est plus facile de trouver à manger ”, explique-t-il.
En toute sérénité, la prise des cours peut suivre. “ Les cours se déroulent bien en faculté des sciences de la santé. En niveau 2 de médecine, où je suis, les conditions sont réunies. Les enseignants répondent toujours à l’appel. Il y a assez de places pour tout le monde. ”. Théodore M. finit sa journée de cours à 18 heures. Un emploi de temps harassant, complété par des nuits blanches de lecture personnelle et de devoirs à remettre le lendemain. Tâche d’autant plus compliqué que toute “ la documentation n’est pas totalement disponible. Et qu’il faut faire avec ce qu’il y a sous la main ”.

Motivations
Loin de baisser les bras, Théodore M. positive. “ Je suis venu en République Centrafricaine parce que l’entrée à la faculté de médecine et des sciences biomédicales du Cameroun n’est pas donnée et que l’accès à l’université des Montagnes est prohibitif à cause du prix de la scolarité. Ici, la réputation de la faculté des sciences de la santé a dépassé le cadre des frontières centrafricaines ”. Autre motivation et non des moindres : la scolarité universitaire à l’université centrafricaine coûte 4500 Fcfa, dès lors qu’on est ressortissant de la zone Cémac.
a Théodore M. confesse également ne pas dépenser grand chose sur le plan financier. “ Mon budget journalier est assez modeste. Je vais au cours à pieds, sauf s’il faut aller hors de la faculté, en l’occurrence à l’Institut Pasteur. A midi, je ne vais pas au restaurant. La qualité de la nourriture ne me branche pas. Je prends juste une sucrerie pour relever ma glycémie. Les seules dépenses sont inhérentes aux photocopies que je dois faire de temps à autre ”.
Enfant de famille modeste, Théodore M. gère ses maigres revenus financiers comme un bon père de famille. Son loyer lui coûte 25000 Fcfa. Par souci d’économie, il partage l’habitat avec ses deux aînés (son grand frère et sa grande sœur). L’achat des vivres au marché lui revient également bon marché. Et pour cause, il parle couramment le Sango, la langue vernaculaire des Centrafricains. Comme la plupart de ses compatriotes étudiants en Rca, Théodore M. attend tout de sa famille restée au pays natal. Les bourses et autres aides de l’Etat ont longtemps disparu du vocabulaire.

L’avenir
Line M. poursuit, quant à elle, des études en informatique de gestion en Rca. Ses cours sont programmés entre 13 h et 19h. Mais, elle ne regagne son domicile qu’après 22 h. “ Après les cours, je me consacre à des recherches personnelles. D’où le retour tardif à la maison ”. Line M. est en effet très motivée. “ En Rca, c’est plus relax. Il y a moins de pression. On travaille mieux ”. Rien à voir avec ses multiples problèmes de scolarité rencontrés au pays. “ Ancienne de l’Institut Tankou de Bafoussam, je perdais beaucoup d’années. Aussi, ai-je convaincu mes parents de me laisser venir ici ”. Tout n’est pourtant pas rose pour la jeune étudiante. “ La mentalité des Centrafricains me déplaît. Ils pensent que les Camerounais qui viennent ici sont tous riches. Ils s’attachent à vous par intérêt. Or, ce n’est pas toujours la vie facile pour nous autres Camerounais de la Centrafrique ”.
Comment les étudiants camerounais de la Centrafrique voient-ils leur avenir ? Camille M.E., étudiant finissant en médecine annonce d’ores et déjà son retour au pays. “Après ma soutenance de thèse, je rentre au pays exercer comme médecin ”. Et les risques d’une non –reconnaissance du diplôme ? “ Les diplômes centrafricains sont reconnus au Cameroun. Il y a des médecins formés en Centrafrique qui travaillent au Cameroun. La faculté des sciences et de la santé de Bangui a une réputation sous -régionale établie ”. Line M, en ce qui la concerne, voit l’avenir autrement. “ Après mon diplôme, je tente une place dans l’un des multiples organismes internationaux de la place. Ce n’est qu’au terme d’une prospection infructueuse que je vais retourner au pays ”. Son cadet reste, quant à lui, incertain sur la suite : “ On verra. Tout dépendra de la suite des événements. Je compte faire une spécialisation après le doctorat ”. En attendant, Théodore M. croise les doigts pour que la sérénité apparente du pays se consolide en paix définitive. Pour que les multiples arrêts de cours, liés aux revendications estudiantines et du corps professoral, ne soient plus qu’un mauvais souvenir.

Par Thierry Ndong à Bangui
Le 06-06-2005
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