To be or not to be, ou la triste histoire d¹un diplômé-chôme

To be or not to be, ou la triste histoire d¹un diplômé-chômeur meknassi
10/13/2005
Source : Al Bayane

Etre chômeur c¹est n¹être personne, c¹est n¹être rien.
Seuls celles et ceux qui vivent les affres du chômage savent ce que c¹est l¹enfer sur terre.
Abdallah a fait des études correctes, ce n¹était pas ce que l¹on pourrait qualifier de sujet très brillant mais il était travailleur et assidu. Son père fonctionnaire et sa mère femme au foyer l¹ont toujours encouragé dans ses efforts studieux.
Après avoir effectué sans problèmes ses études primaires et secondaires, il décrocha son baccalauréat, pour lui permettre d¹entamer ses études supérieures dans une faculté, ses parents, qui ont à charge trois autres enfants, ont véritablement raclé les fonds de tiroir. Les méthodes d¹enseignement dans le secondaire ne préparant pas les bacheliers aux recherches personnelles nécessaires dans le cycle supérieur, il a pu aux prix de gros efforts passer l¹écueil de la première année. Par la suite, il a sans encombres achevé ses études supérieures sanctionnées par une licence.
Nanti de ce diplôme, notre lauréat se voyait cadre dans la fonction publique ou dans le secteur privé, mais malheureusement il dût vite déchanter et ce fut le début d¹une effroyable galère qui dure encore.
Il écrivit pour proposer ses services à des dizaines d¹administrations et d¹entreprises publiques, semi-publiques et privées sans résultats, il passa sans succès quelques concours et puis plus rien. Il dût se rendre à l¹évidence du travail, il n¹y en a pas et son horizon s¹assombrit. Du statut de lauréat fier de sa licence, décrochée après de nombreuses années d¹efforts pour lui et de privations pour sa famille, il passe à celui de diplômé-chômeur de longue, très longue durée rejoignant les rangs de dizaines de milliers de ses semblables.
Alors commence pour Abdallah la galère, la déprime, la colère qui frise la révolte. Il a participé à des sit-in, a été bastonné pour avoir pacifiquement revendiqué son droit légitime au travail, il a adhéré à une association de diplômés-chômeurs.
Il a vraiment tout tenté, écrit des lettres, des suppliques aux responsables dans l¹administration, aux partis politiques, il a essayé sans succès d¹obtenir un visa pour s¹expatrier.
Après avoir tout tenté, tapé à une multitude de portes, écrit une kyrielle de demandes d¹emplois sans résultat, le malheureux Abdallah est entré de plain-pied dans l¹enfer du chômage.
Il a pensé au suicide, mais en bon musulman il a écarté cette idée. Il a aussi été tenté par l¹aventure périlleuse de l¹émigration clandestine mais ses parents, qui n¹ont jamais cessé de le soutenir, l¹en ont dissuadé.
Malgré la grande affection et le soutien constant de sa famille, il est atteint moralement, physiquement et psychiquement, il semble ne plus avoir aucun espoir en l¹avenir, il fait bien plus que son âge à force de ressasser son infortune.
«Je croyais pouvoir trouver un travail motivant, être utile à la société, aider mes parents qui se sont sacrifiés pour me permettre de faire mes études, puis fonder un foyer», nous a-t-il dit les larmes aux yeux et la rage au c¦ur.
«J¹ai perdu toutes mes illustrions, j¹ai honte de moi, honte de sortir dans la rue, j¹évite les gens que je connais et leurs regards pleins de compassion et de pitié, je ne suis plus rien, je n¹existe plus car sans gagne-pain je n¹ai plus de dignité». Puis il a ajouté dans un soupir qui en dit long sur les meurtrissures de son âme «combien de temps vais-je tenir dans cet état ? Dieu seul le sait».
Et puis Abdallah est parti, rasant les murs, se faisant tout petit jusqu¹à paraître presque invisible.
Cette histoire de Abdallah est celle de milliers d¹autres diplômés-chômeurs, quasiment exclus de la société, qui attendent, pour combien de temps encore, qu¹on leur fasse une place dans le Maroc de ce début du 21e siècle.

Rachid Logd

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