Une formation de luxe, ça s’arrache

août 2004 – N° 229 – Job
Source : http://lemagchallenges.nouvelobs.com

Une formation de luxe, ça s’arrache

Masters en management dans une gran­de école de commer­ce, DESS à l’IAE, au Cnam ou à Dauphine, part time MBA à HEC, l’Essec ou l’Insead : l’offre de formations pour les managers en activité est très riche. Et ces enseignements sont de plus en plus courus par les cadres qui veulent donner un nouveau souf­fle à leur carrière. « C’est l’occasion de dépoussiérer ses connaissances techniques et théoriques », s’enthousiasme Laurent Aymard, 35 ans. Directeur des affaires financières du groupe Taittinger, il suit depuis huit mois le programme de l’Executive MBA de l’Insead. « Ces formations crédibilisent par un diplôme une candidature à un poste à haute responsabilité », explique Marie-Pierre Perez, 40 ans. En complétant sa licence de psycho par un DESS de contrôle de gestion à l’IAE, elle est devenue manager de la qualité du groupe Canal+. « C’est un moyen de prendre un bol d’air entre deux missions à haut challenge », assure José Parets, 47 ans, qui a décroché le diplôme de l’Institut français de gestion avant de prendre la direction d’une SSII américaine, Universal Computer System.
Le problème, c’est que ces formations sont chères : 6 000 euros pour un master ou un DESS, 40 000 euros pour un MBA en part time et jusqu’à 85 000 euros pour l’Executive MBA de l’Insead. Comment faire accepter une telle formation par son entreprise, et la faire financer ? C’est là aussi tout un programme. Son suivi, étape par étape.

1- Parlez de votre projet longtemps à l’avance
Vous sentez que l’idée d’une formation en temps partagé n’a aucun écho dans votre entreprise ? Soyez patient, et tenace. « Parlez-en chaque fois que l’occasion se présente, lors de séminaires ou de vos entretiens d’évaluation », conseille Henri Occre, responsable de la formation de Noos, actuellement en formation à l’ESCP. Réitérés au fil des ans, vos souhaits se préciseront, et finiront par vaincre les réticences. Toutes les occasions permettant de formaliser une demande sont bonnes à prendre. Ex-responsable du recrutement chez Ernst & Young, Christian Katchourine s’est vu un jour proposer une mutation forcée, sans vraie contrepartie. « Un peu par dépit, j’ai fait signer à ma direction une lettre d’intention convenant du principe d’une formation diplômante, à suivre quand l’opportunité se présenterait », se souvient-il. En exhumant, trois ans plus tard, cette lettre de son dossier personnel, il a pu faire la demande d’un master en management des ressources humaines, à suivre en part time à HEC.

2- Ralliez votre patron direct à votre cause
Poser le principe d’une formation est une chose. Le faire accepter par sa hiérarchie en est une autre. « A ce stade des discussions, il m’a fallu transformer mon patron en allié », se souvient Christian Katchourine. Car c’est au responsable, souvent dubitatif au départ, d’aller persuader le comité exécutif et la DRH de l’intérêt de la démarche de son collaborateur. « Pas question d’exhiber une simple plaquette sur papier glacé pour espérer faire monter son patron au créneau » , prévient Stéphane, 40 ans, directeur financier, actuellement en part time MBA au CPA. La valeur du parchemin, l’utilité de la formation, la capacité et la motivation doivent être démontrées. « Lorsque j’ai expliqué à mon patron comment je comptais m’organiser au sein du service, que le mémoire de mon MBA porterait sur la remise à plat du système de facturation et que j’avais passé – et réussi – les épreuves d’admission, il m’a assuré qu’il ferait tout pour que ma demande aboutisse » , explique Stéphane.

3- Validez le projet par un bilan de compétences
Votre boss doute encore du bien- fondé de la formation choisie ? Crédibilisez votre démarche par un bilan de compétences. Un réflexe qu’a eu Marie-Pierre Perez. Chargée de l’organisation administrative d’un centre technique de diffusion numérique de Canal+, elle avait acquis son expertise sur le terrain. « Il me fallait un diplôme qui me permette de gérer un jour des process plus complexes », ex­plique-t-elle. Oui, mais lequel ? « Grâce aux conseils d’un expert de Tanit Ressources, j’ai trouvé une formation crédible, s’insérant dans un projet professionnel cohérent », répond-elle. Financé sur le budget de formation de l’entreprise, le bilan de compétences peut aussi être pris en charge par le Fonds de gestion du congé individuel de formation (Fongecif) de votre région.

4- Assurez l’entreprise de votre fidélité
Malgré l’appui enthousiaste de votre patron, la DRH et le big boss restent sceptiques ? Ils ont besoin d’être sûrs que vous ne démissionnerez pas, une fois la formation achevée, pour vous vendre à plus offrant. « Pour rassurer le groupe , raconte Laurent Aymard, j’ai proposé de signer une clause de dédit-formation d’une durée de trois ans. » Une telle clause garantit à l’entreprise le remboursement par le salarié du montant de la formation en cas de démission prématurée. Le montant du dédit doit être limité aux frais réellement engagés par l’employeur. Il est dégressif et calculé au prorata du temps passé dans l’entreprise à l’issue de la formation.

5- Associez le Fongecif au financement
Le principe de votre formation est acquis, mais son coût est jugé prohibitif ? « Si elle améliore votre qualification, tentez de la faire financer par le Fongecif » , conseille Marie-Pierre Perez. Le plus souvent, le Fongecif n’accepte de financer qu’une partie du coût. Les frais de scolarité du DESS et le salaire de Marie-Pierre Perez pendant ses périodes d’absence ont ainsi été pris en charge aux deux tiers par cet organisme paritaire. « Pour maximiser vos chances, faites votre demande en début d’année, le Fongecif n’a alors pas encore épuisé ses lignes budgétaires », conseille Henri Occre.

6- Acceptez de sacrifier, en partie, vos congés
Votre entreprise trouve que votre demande coûte vraiment trop cher ? Proposez de suivre au moins une partie de votre formation pendant vos congés ou vos journées de RTT, préconise Isabelle Bannerot, DRH de Noos. Elle-même sacrifie ses RTT pour suivre en temps partagé les modules qui lui permettront dans quatre ans de décrocher le diplôme de l’ESCP. Une grande majorité des managers interrogés ont fait de même. Ils ont d’ailleurs presque tous opté pour un mode d’enseignement dit « de fin de semaine » : celui-ci regroupe les cours sur les journées du vendredi – généralement pris sur les RTT – et du samedi. Les séjours et les séminaires qui ponctuent la formation pendant l’année sont parfois retenus sur les congés annuels. C’est le cas d’Esso qui, en contrepartie, finance l’intégralité des formations diplômantes à ses managers en activité.

7- Proposez de participer au financement
Votre entreprise hésite encore ? Mettez la main au portefeuille… Comme Stéphane, qui a assumé le tiers du coût de son MBA au CPA (environ 12 000 euros). La moitié de la somme provient d’une prime exceptionnelle… non perçue. Un « deal » qu’il n’a eu aucun mal à conclure : les sommes versées au titre de la formation ne subissent ni impôt ni cotisations.

Jean-François Paillard

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