Violée, enceinte et traumatisée

Violée, enceinte et traumatisée

Au Kenya, les femmes doivent parfois, en pleine nuit, faire trois kilomètres à travers un bidonville pour se rendre aux toilettes. Elles encourent de nombreux dangers.

Claire Mitchel (Nairobi)

C’est là la dure réalité à laquelle sont confrontées les femmes, les jeunes filles et les fillettes des bidonvilles de Nairobi, au Kenya, qui vivent en permanence sous la menace de violences sexuelles et d’être la proie de violeurs.

Le dernier rapport d’Amnesty International intitulé ”Insecurity and Indignity: Women’s Experiences in Slums of Nairobi, Kenya” montre que la plupart d’entre elles sont souvent bien trop effrayées pour sortir de chez elles et se rendre aux toilettes et dans les installations sanitaires communes.

En plein coeur de Korogocho (considéré comme étant le quatrième bidonville de Nairobi), Karen*, 21 ans, rentre chez elle.

Née et élevée dans ce bidonville où vivent quelque 400.000 habitants, elle n’avait jamais pensé qu’elle serait un jour victime du danger qui menace quand la nuit tombe.

”Un jour, j’ai rencontré cinq hommes. L’un d’eux avait un long couteau. Ils se sont approchés de moi et se sont mis à m’insulter. Je leur ai demandé pourquoi ils vociféraient des insultes alors que je ne les connaissais pas, mais avant que j’aie pu continuer, celui au couteau m’a dit de me taire, affirmant que je ne savais pas ce qu’ils voulaient.”

”Ils m’ont donné l’ordre de me déshabiller et l’homme au couteau le tenait près de ma gorge. Il m’a violée tandis que les quatre autres hommes nous entouraient.”

Elle se retrouva enceinte et traumatisée. De plus, elle fut abandonnée par son mari, le père de ses deux enfants.

”Regardez, les toilettes ne sont qu’à dix mètres d’ici mais rien que l’idée de quitter ma maison à 6 heures du soir pour répondre aux besoins de la nature ou pour chercher de l’eau me fait trembler. Ça a été une expérience si effroyable qu’aujourd’hui, quand je vois un homme devant ou derrière moi, je suis effrayée”, ajoute Karen.

Elle vit maintenant avec sa mère et ses frères et sœurs dans une seule pièce.

A plusieurs kilomètres de là, dans le bidonville de Mukuru Kwa Njenga (l’un des plus grands bidonvilles de Nairobi) vit Joanne Awinja, qui a échappé de justesse aux mâchoires d’un violeur.

”Ils ont failli me violer. Plusieurs jeunes hommes sont entrés brusquement et je me suis mise à hurler. Dieu merci, ils sont partis en courant.”

”Il n’y a aucune intimité, ici. Les seules toilettes qu’il y a sont partagées par 20 familles. Donc la plupart du temps on est obligés d’utiliser des sacs de polyéthylène. Une fois que vous avez fait vos besoins, vous le jetez.”

C’est là la dure réalité à laquelle sont confrontées les femmes qui vivent dans des bidonvilles.

Amnesty International a appelé le gouvernement kenyan à faire appliquer les obligations qui imposent aux propriétaires de construire des toilettes et des salles d’eau dans les bidonvilles, et à aider ceux qui ne sont pas en mesure d’assumer les frais occasionnés par ces travaux.

Godfrey Odongo est spécialiste de l’Afrique de l’Est à Amnesty International :

”Les femmes dans ces quartiers de Nairobi deviennent prisonnières de leur propre foyer à la tombée de la nuit, voire bien avant. Elles ont besoin de plus d’intimité que les hommes lorsqu’elles vont aux toilettes ou se lavent. Or, les installations étant très difficiles d’accès, elles sont exposées aux viols, ce qui les incite à rester cloîtrées chez elles.”

En raison de leur ignorance de leurs droits, du manqué de confiance dans le système et de la stigmatisation, de nombreuses femmes ne font pas appel à la justice :

”Un certain nombre de femmes préfèrent souffrir en silence : elles ont entendu dire que ceux qui sont arrêtés ne sont pas punis. Mais tout d’abord à qui devraient-elles s’adresser ? Il n’y a pas de poste de police dans la plupart des quartiers informels”, ajoute Godfrey Odongo.

La pauvreté est à la fois la conséquence et la cause de la violence dans ces bidonvilles. La situation est aggravée par l’absence de présence policière dans les bidonvilles et par le fait que les femmes victimes de violences ont peu de chances d’obtenir justice.

L’absence de sécurité en matière d’occupation des lieux demeure depuis longtemps un problème pour les locataires, malgré la politique nationale d’urbanisme mise en place. Rien n’incite les propriétaires et logeurs à garantir des équipements sanitaires décents et aucune mesure n’est prise pour accroître la sécurité.

Enfin, Amnesty International a appelé le gouvernement de Nairobi à prendre immédiatement des mesures afin d’améliorer la sécurité, l’éclairage public et le maintien de l’ordre et veiller à ce que les autorités concernées coordonnent leurs efforts en vue de faire progresser la situation dans les quartiers informels.

Amnesty International a interviewé 130 femmes vivant dans des bidonvilles et précise que les violences sont surtout commises par des jeunes au chômage.

(*) seudonyme

Source: http://www.rnw.nl
Publié le : 3 août 2010 – 9:47am

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