Visite du pape au Cameroun « C’est cher pour une population sevrée …

Entretien avec Audifac Ignace, journaliste camerounais et co-auteur avec Serge Bilé de « Et si Dieu n’aimait pas les Noirs ».

Le pape est comme vous le savez, en Afrique. Quel est selon vous le but de ce voyage ?  

Il a lui même dit qu’il s’agissait d’un voyage pastoral. Et c’est de son devoir de berger de porter l’évangile partout dans le monde. J’ai aussi appris qu’il remettra la « feuille de route » du 2e synode africain qui aura lieu en automne prochain à Rome. Mais je crains que ce texte de l’exhortation apostolique ressemble à celui du 1e synode « l’Eglise en Afrique » où l’on a noté une discordance entre la pensée des pères du synode et le texte final. Comme par exemple la proposition N°48 ou l’on pouvait lire : «Il est essentiel que l’église établisse les ministères pour la femme et intensifie les efforts en faveur de leur formation ». Dans le document final, au N° 121, on lit : « il est opportun que les femmes adéquatement formées, se rendent participantes, à des niveaux appropriés par rapport à l’activité apostolique de l’église ». Et là il y a nuance.  
 
Diriez-vous comme il se lit partout ailleurs que l’arrivée du pape au Cameroun soit une « grâce » pour le pays.

Si l’on entend par « grâce » cette donne surnaturelle que le Créateur accorde en vue du salut, je dirai que le Cameroun et d’ailleurs l’Afrique, n’avait pas besoin de l’arrivée du pape pour la recevoir. Si la « grâce » ici est une faveur que l’on fait sans y être obligé, je crains que le coût d’une telle visite soit assez pesant pour une population sevrée par une misère galopante. Toutefois j’attends qu’une telle visite du pape porte des changements concret dans l’église elle même par rapport au clergé africain comme par exemple la forte représentation de ce clergé dans la curie romaine et pourquoi pas la nomination des évêques africains dans les diocèses européens. Cela veut dire rendre l’église catholique vraiment universelle comme on prétend ; où encore aujourd’hui on considère l’Afrique comme terre de missions alors que l’antique église de l’Europe se fatigue pour convertir des nouveaux fidèles.  
 
Croyez-vous que l’Eglise ou les religions comme on les voit fleurir en Afrique soient une voie salvatrice pour le continent ?

Pas du tout. Pour professer leur foi, les Africains n’ont pas nécessairement besoin de se lier à une église ou une religion. Les Africains doivent se méfier de cette poussée effrayante des églises et religions sur le continent. Les gouvernants doivent prendre des mesures strictes et sévères pour arrêter leur implantation car elles exploitent les misères des peuples. Elles sont pour la grande majorité des vendeuses d’illusions.

Depuis la sortie de votre livre, quelle a été la réaction du Vatican à votre endroit ?  

Attendre une réaction du Vatican consiste à considérer notre travail comme une arme d’affrontement. Or nous ne sommes pas dans cette logique. Nous n’avons que donné, Serge et moi, la parole aux personnels africains laïc et religieux du Vatican afin qu’ils puissent parler du malaise qu’ils vivent au quotidien. Ce faisant, nous informons l’opinion publique de cette situation, en espérant que les choses changent positivement. Nous ne disons pas que l’église catholique aujourd’hui est raciste. Nous disons que l’église est une institution humaine et comme telle, certains de ses serviteurs laïcs ou religieux calquent les maux qui existent ailleurs. Et il faut les dénoncer.  

Avez-vous par contre reçu des encouragements du corps même de l’église catholique ou d’autres obédiences religieuses ?

Oui, nous recevons des milliers de signes d’encouragement de la part des religieux, des laïcs etc… Mais aussi des opinions contraires et même des injures. Rappelez-vous que Mgr Méranville nous a proféré des injures. N’oubliez pas que nous avons touché un sujet tabou, qui ne plaît pas toujours. Et l’histoire nous montre qu’il y a toujours eu des résistances à chaque fois que l’on a dénoncé les injustices et de surcroît le racisme.

Quel témoignage éloquent avez-vous reçu ?

Tous les témoignages que nous avons reçus, nous ont permis d’étudier et comprendre les mécanismes du malaise du racisme au Vatican mais surtout la profondeur du malaise. Savoir qu’il existe des prêtres africains clochards au Vatican, que les religieuses africaines se prostituent au Vatican, que les enseignants africains dans les universités vaticanes sont discriminés etc. etc. c’est choquant. Mais il fallait quand même le découvrir et le dénoncer. Un des témoignages les plus tristes que Serge et moi avions recueillis d … [lire la suite]

Source : BondaManJak

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