Ce communiqué est tombé le 18 mars, risquant fort de passer inaperçu, dans une actualité dominée par le Japon, la Libye et le Yémen, avec à l'arrière-plan la guerre civile en Côte d'Ivoire. "La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et son organisation membre, le Mouvement burkinabé des droits de l'Homme et des peuples (MBDHP), dénoncent avec la plus grande fermeté la répression violente des manifestations étudiantes organisées dans plusieurs villes du pays pour réclamer la vérité sur les circonstances du décès, le 20 février 2011, du collégien Justin Zongo. Cette répression violente a jusqu'à aujourd'hui causé la mort de 6 personnes et fait des dizaines de blessés."
Un vent de révolte s'est levé, au Burkina Faso, après la disparition de Justin Zongo, un élève de troisième de la ville secondaire de Koudougou, mort des suites de ses blessures dans un commissariat. Version officielle de la cause du décès: méningite. Justin Zongo se serait battu avec une fille de sa classe, la petite amie d'un policier. Le père de Justin a déclaré que son fils a perdu deux dents, eu la lèvre éclatée et souffert d'un traumatisme crânien, après une explication au commissariat. Les jeunes, plus de 60 % de la population, ont manifesté dans plusieurs villes de provinces, brûlant des commissariats. Pour éteindre le feu avant qu'il ne touche Ouagadougou, la capitale, les forces de l'ordre ont tiré "à balles réelles", accuse la FIDH. Les écoles ont fermé, puis les universités. Les congés scolaires ont été anticipés, de manière à ce que les écoles restent fermées.
Blaise Compaoré, ancien militaire, au pouvoir depuis 1987 au Burkina Faso, n'est pas un tendre. Il sait que la vague de révolte dans le monde arabe a déjà touché des pays d'Afrique subsaharienne: le Soudan, mais aussi Djibouti, où les réactions répressives des régimes en place, moins spectaculaires et moins meurtrières qu'en Libye, font aussi couler moins d'encre. Au Burkina, comme au Soudan et à Djibouti, le cycle révolte-répression se passe donc à huis-clos. C'est à peine s'il a perturbé, début mars, le dernier Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco).
Alors que les syndicats d'étudiants et d'enseignants se mobilisent pour éviter une "année blanche" (année nulle à refaire pour les élèves), Chrysogone Zougmoré, président du MBDHP, organisation de défense des droits de l'Homme, a été convoqué le 10 mars à la gendarmerie de Ouagadougou. Les autorités lui reprochent d'avoir encouragé les manifestations de jeunes, par le biais des sections locales de son organisation. Et veulent le tenir pour responsable des dégâts.
Pour mémoire, le Burkina Faso a déjà été secoué par une autre affaire Zongo. Le journaliste Norbert Zongo a été retrouvé calciné dans les décombres de sa voiture, avec trois de ses proches, le 13 décembre 1998. Il enquêtait sur la mort sous la torture de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, le frère du président. Après la mort de Zongo, vécue comme un assassinat politique par le pays, des manifestations ont éclaté. Les plus violentes ont eu lieu à Koudougou, ville natale de Zongo. Après la répression, une enquête officielle a été ouverte. Trois membres de la garde présidentielle ont été condamnés en 2000 pour le meurtre de David Ouédraogo. Le procès Norbert Zongo, lui, s'est conclu par un non-lieu en juillet 2006. La mort de Justin pourrait bien être "l'affaire Zongo" de trop, au "pays des hommes intègres".
Par Sabine Cessou
http://africa.blogs.liberation.fr