Conscients du potentiel à la fois lucratif et prestigieux de ces formations de haut niveau, tous les grands établissements tentent de s'imposer sur un marché de plus en plus concurrentiel.
Pour tous les cadres de la planète, le sigle MBA correspond à master of business administration. Un sésame, une "Légion d'honneur" pour manager ambitieux. En avoir réussi un prestigieux témoigne que vous avez une forte capacité de travail et les dents longues. Pour les patrons des grandes écoles de commerce françaises, les trois lettres pourraient aussi se traduire par : "Messieurs, bon appétit !" Car les MBA représentent un formidable relais de croissance pour ces établissements. L'explosion du nombre de postulants aux MBA ne leur a en tout cas pas échappé. Alors que les candidats au GMAT (l'examen préalable demandé aux postulants à un MBA) ont augmenté de 29 % en cinq ans, au moins quatre programmes français seront lancés à la rentrée prochaine. Un exemple ? Celui de Télécom Ecole de management.
Pour se différencier, l'établissement francilien, nouvel entrant sur le marché des MBA, a choisi de centrer son cursus sur l'économie numérique. Les cours, d'une durée de dix-huit mois au rythme de trois jours tous les quinze jours, seront complétés par trois voyages d'études au coeur de trois des plus grands clusters technologiques mondiaux : outre l'incontournable Silicon Valley, où les participants auront la possibilité de visiter Google ou Cisco, ils se rendront en Finlande, à Tampere, pour s'entretenir avec des responsables de Nokia, et à Bangalore, à la rencontre de Tata. Pour être de ce tour du monde, les participants devront débourser la somme de 30 000 euros, à laquelle s'ajoutent près de 15 000 euros pour financer les séjours à l'étranger.
Pour les écoles de commerce, le MBA est loin d'être une fin en soi. C'est avant tout une "vitrine" permettant de booster l'ensemble de leurs activités : "C'est un moyen d'attirer de bons étudiants dans nos programmes doctoraux. En outre, les liens tissés avec les cadres en formation et leurs employeurs facilitent le placement de nos jeunes diplômés", souligne Tawfik Jelassi, directeur de la business school de l'Ecole des ponts et chaussées.
"Les sociétés dont nous formons les cadres sont plus enclines à nous verser la taxe d'apprentissage. C'est aussi une opportunité de vendre nos autres programmes en formation continue, et notamment nos programmes sur mesure", confirme Michel Kalika (EM- Strasbourg).
Le grand mot est lâché : sur mesure ! Avec des prestations facturées entre 280 et 1 400 euros par jour et des marges cinq fois supérieures à celles des MBA classiques, cet axe constitue une nouvelle corne d'abondance pour les écoles. A l'Insead, par exemple, l'executive education représente 47 % du budget de 150 millions d'euros, contre 39 % pour les MBA, malgré leur prix très élevé. A l'EM-Lyon, les programmes sur mesure représentent les deux tiers des recettes retirées de la formation continue, contre un tiers pour les MBA…
Cette stratégie permettra-t-elle à TEM de s'imposer sur un marché encombré ? Pas si sûr. Pour répondre à la demande des cadres ambitieux comme des entreprises soucieuses d'attirer l'élite managériale mondiale, le nombre de programmes a connu une croissance exponentielle au cours de ces dernières années : entre 5 000 et 10 000 cursus seraient en quête de postulants sur toute la planète, dont près de 1 000 rien qu'en Europe, zone de chasse prioritaire de TEM.
Une carte de visite pour les grandes écoles
Pourquoi alors se lancer dans l'aventure ? "Le MBA est devenu le standard international. Avoir une formation de ce type est obligatoire pour une école si elle veut exister au niveau mondial", répond Arnaud Langlois-Meurinne, directeur général de l'ESC-Rouen. Une carte de visite dont les écoles ne peuvent plus se passer. Facturés en moyenne entre 20 000 et 80 000 euros, les MBA ne seraient-ils pas tout simplement devenus la poule aux oeufs d'or pour des institutions en quête de ressources ? "Avec 900 participants chaque année, j'ai peine à croire que l'Insead ne fasse pas de bénéfices", doute un expert souhaitant garder l'anonymat. "Pour des programmes visant avant tout un public européen, le seuil de rentabilité se situe autour de 30 participants. Au-delà de 50, les MBA deviennent une véritable vache à lait", ajoute pour sa part un ancien responsable de programme…
S'assurer les services d'un "dean" réputé
Récusant ces chiffres, une majorité d'établissements met en avant les coûts engendrés par ces programmes. Car il ne suffit pas de proposer quelques cours en management général, en marketing, en comptabilité ou en ressources humaines pour décrocher le jackpot. "Il faut être parmi les meilleurs", prévient Bernard Ramanantsoa, directeur général du Groupe HEC. Et, pour jouer en première classe, mieux vaut s'assurer les services d'un dean (doyen) fortement médiatisé. Ces stratèges tout-puissants au carnet d'adresses bien rempli, auxquels est généralement associée la réussite d'un programme, s'échangent sur un marché mondial à des salaires estimés par le Financial Times entre 350 000 et 500 000 euros par an aux Etats-Unis, et entre 210 000 et 280 000 euros par an en Europe dans les établissements les plus prestigieux. Des chiffres qui permettent d'imaginer les sommes mises sur la table par l'Insead pour attirer à sa tête Dipak C. Jain, Américain d'origine indienne, ancien dean de la Kellogg School of Management, une des institutions les plus réputées outre-Atlantique. "Il faut aussi être capable d'attirer des enseignants à la réputation mondiale", poursuit Bernard Ramanantsoa. Or ces têtes d'affiche exigent des rémunérations qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses, même si ces cadors ne sont pas réservés par les écoles aux seuls participants aux MBA.
Source: http://lexpansion.lexpress.fr
4/5/2011