Premier emploi : les règles du jeu

L'emploi repart pour les jeunes diplômés. Encore faut-il, pour obtenir son premier job, bien maîtriser les règles d'un jeu qui a changé avec la crise. Et, surtout, comprendre ce que les entreprises attendent. Nombre de candidats se plaignent en effet d'une certaine opacité, de l'existence d'un « marché caché », dont les mécanismes leur échappent. Voici un bref rappel de ce qu'il faut savoir pour décrocher un premier poste.

1 Le diplôme ne fait pas tout

C'est, désormais, la règle de base : même délivré par une institution prestigieuse, le diplôme ne procure pas à coup sûr un emploi. Ce sont la personnalité, la curiosité, l'enthousiasme, la capacité à s'intégrer dans une équipe qui font la différence. « Il faut montrer de l'envie, de la capacité à apprendre, souligne Philippe Bizeul, directeur de l'orientation professionnelle à l'université Créteil-Val-de-Marne (Upec).Le candidat qu'on sent à moitié investi a peu de chances d'être recruté. »

2 La recherche d'emploi est un vrai travail

Beaucoup de candidats n'y consacrent que quelques heures par semaine, alors qu'il s'agit d'une vraie activité à temps plein. « Certains connaissent à peine l'activité de l'entreprise qu'ils démarchent, note Catherine Dervaux, qui dirige l'agence parisienne du cabinet de RH MenWay. Or, aujourd'hui, les entreprises recrutent pour un poste ou un type de poste. Elles veulent des diplômés motivés. » Il faut donc se préparer et, si possible, se former à la recherche d'emploi : mettre sur pied une stratégie, apprendre à rédiger une candidature, à se comporter en entretien… Ne pas perdre de vue non plus qu'après les grandes écoles, les universités ont, elles aussi, « professionnalisé » la recherche d'emploi. Résultat, la majorité des candidats sont aujourd'hui rompus aux méthodes de recrutement.

3 Bien mettre en avant ses compétences

Dire que l'on a effectué un stage dans telle entreprise ou que l'on donne des cours de maths bénévolement ne suffit pas. « Il faut pouvoir démontrer l'impact de son engagement – par exemple en présentant une attestation de l'employeur ou de l'association », suggère Daniel Lamar, directeur général de l'Afij (Association pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes diplômés). « Même les diplômés littéraires ont beaucoup d'expériences à faire valoir, insiste Philippe Bizeul. Encore faut-il qu'ils sachent les mettre en avant. »

4 Ne pas dédaigner les emplois dits précaires

CDD à répétition, recours systématique à des stagiaires, périodes d'essai à rallonge… Autant de pratiques qui se sont répandues ces dernières années – même s'il est difficile d'en mesurer l'ampleur réelle. « Certaines entreprises abusent de la situation, c'est vrai. Les jeunes diplômés ne doivent pas accepter de travailler à n'importe quelles conditions », reconnaît Guillaume Verney-Carron, directeur associé de Personalis, un cabinet de conseil RH dédié au premier emploi.

« Mais il y a précarité et précarité, ajoute-t-il. Certaines périodes d'essai prolongées, par exemple, conduisent réellement à un CDI, si le candidat fait ses preuves. Aux candidats de faire la distinction. »Idem pour les stages ou les CDD : certains peuvent déboucher sur un emploi, d'autres ne sont que des voies de garage. « Un CDD peut être un moyen de se faire les dents. Mais pas avec un salaire au rabais », plaide de son côté Philippe Bizeul.

« Pas de problème pour nos diplômés "grande école" : 86 % ont un emploi deux mois après leur sortie, indique Maria Koutsovoulou, directeur académique de l'ESCP Europe. Mais ceux de filières moins cotées devront parfois accepter de faire des concessions pour accéder à l'emploi stable. »

5 Essayer l'alternance

Apprentissage, stages, année de césure, intérim même : autant de moyens pour les jeunes diplômés d'acquérir une véritable expérience professionnelle. « Tout ce qui permet de connaître l'entreprise en situation est positif. C'est aussi un moyen de gagner en maturité », observe Maria Koutsovoulou.

6 Le CV, outil de marketing

Rien à voir avec une biographie intégrale : « Le CV ne sert pas à raconter sa vie, mais à fournir des informations qui vont intéresser le recruteur, plaide Guillaume Verney-Carron. Or on ne s'adresse pas de la même manière au DRH d'une firme industrielle en Turquie et à celui d'une SSII basée en France. Il faut d'abord bien connaître l'entreprise. Ensuite, il faut savoir convaincre. Et, pour cela, il faut oser s'affirmer – ce qui suppose d'abord de bien se connaître. »

Inutile, donc, de chercher à reproduire toujours les mêmes règles immuables. « On ne doit pas avoir un seul CV, mais plusieurs, que l'on peut adapter à son interlocuteur, sans pour autant trahir la réalité », confirme Philippe Bizeul.

Autre conseil : il n'y a rien de honteux à expliquer qu'on a vendu des sandwichs ou travaillé dans un supermarché pour gagner de quoi vivre pendant quelques mois. Ces expériences ont tout à fait vocation à figurer dans un CV.

7 Les PME, un gisement d'emplois

« Les candidats ont tendance à cibler tous les mêmes grandes entreprises, connues de tout le monde, note Catherine Dervaux. Résultat, leurs CV sont noyés dans la masse. Alors que les PME, qui offrent un grand nombre de postes, sont délaissées. »

8 Internet n'est pas la formule miracle

Certes, le Web permet d'accéder à des milliers d'employeurs potentiels. Mais il faut y consacrer beaucoup de temps. « En outre, Internet tend à renforcer l'isolement des candidats », note Daniel Lamar. De son côté, l'usage des « CVthèques » n'est vraiment efficace que pour des profils très recherchés – qui, donc, n'en ont pas vraiment besoin…

Quant aux réseaux sociaux, « ils sont utiles pour certains profils, mais génèrent aussi beaucoup de pertes de temps », poursuit Daniel Lamar. Attention aussi à Facebook : les photos de vacances ne sont pas forcément valorisantes, et les recruteurs, même s'ils s'en défendent, peuvent être tentés d'aller consulter le profil des candidats…

JEAN-CLAUDE LEWANDOWSKI, Les Echos

21 juin 2011

http://www.lesechos.fr

 

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