Le meneur du mouvement Adou Séibou exclu des universités du Togo pour 6 ans
Le Togo est sans doute dans une zone de turbulence ; c’est le front social au complet qui est en ébullition. Même si pour l’instant ce ne sont que certains secteurs qui se signalent, il faut reconnaître qu’il y a de l’électricité dans l’air car le mécontentement est général. Devant une telle tension sociale, il faut des gouvernants du tact pour désamorcer la bombe. Mais c’est justement ce qui fait le plus défaut chez Faure Gnassingbé et ses collaborateurs. Ils sont carrément passés à côté de la plaque sur les deux crises sociales majeures qui secouent actuellement le Togo : la grève du corps médical et les revendications estudiantines. Gaucheries, faillite communicationnelle et méchanceté, c’est ce qui a particulièrement caractérisé la gestion du dossier des étudiants.
Comme à chaque fois que le pouvoir Faure Gnassingbé se retrouve dos au mur, il a encore eu recours à la politique du diviser pour mieux régner. Les revendications des étudiants étaient pourtant légitimes et ne nécessitaient juste que le dialogue pour désamorcer la crise. D’ailleurs tout le monde la voyait venir depuis longtemps, sauf peut-être les autorités universitaires et les gouvernants. Bien avant la contestation générale, les facultés, que ce soit la Flesh , la Faseg ou la Fdd ont individuellement manifesté pour dénoncer les travers du système LMD (Licence-Matser-Doctorat). Ce que le président de l’Université, le Prof. Koffi Ahadji-Nonou a trouvé le mieux à faire, c’est de faire appel aux « matraqueurs professionnels », les corps habillés pour s’occuper de ces jeunes emmerdeurs (sic). Le campus de Lomé est devenu une base locale des forces de l’ordre qui ont tant bien que mal accompli la besogne ; mais la répression n’a pas eu raison de la détermination des étudiants qui ont durci le mouvement. Devant cette défaite avérée, les autorités n’ont cru bon que de fermer le campus « jusqu’à nouvel ordre » le 26 mai dernier. Deuxième gaucherie !
Cette fermeture visait en fait deux objectifs ; tout d’abord éviter que les manifestants ne se retrouvent pour perturber le sommet de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uémoa) qui devait se tenir le 30 mai à Lomé, puis tester la résistance des étudiants et jouer sur leur lassitude. Mais rien n’y fit. Cette trêve forcée n’a nullement entamé la détermination des étudiants, en fait ceux qui sont conscients de leur situation. A la réouverture le 9 juin, et malgré qu’il ait été ressassé à la télévision nationale qu’il y avait eu des compromis entre les manifestants et les autorités, le mouvement reprendra de plus belle, et avec beaucoup plus d’entrain d’ailleurs.
Entre-temps on a essayé de corrompre les vrais leaders du mouvement. Certains ont été invités dans un bar du côté de Forever où une enveloppe d’un million FCFA leur a été proposée. Là aussi la mayonnaise n’a pas pris. Il fallait dès lors trouver un Gilchrist Olympio dans la masse des fameux délégués généraux et le monter pour casser le mouvement. Et l’homme providentiel fut trouvé en la personne d’Alou Yawo Kpayidra.
Le jeunot joue assez bien le rôle. Il y a quelques jours, des émissions spéciales ont été improvisées sur les chaînes télés du pouvoir où le bonhomme était la guest star. Tantôt sur la TVT , le temps d’un clin d’œil ou d’un zapping, il se retrouve sur la Chaîne de Faure (LCF), on dirait qu’il a le don d’ubiquité. Et il s’est investi à fonds dans sa mission, démontant le mouvement et vilipendant assez bien le président du Mouvement pour l’épanouissement de l’étudiant togolais (Meet), Adou Séibou. Mais il n’a pas réussi à le salir aux yeux de la masse estudiantine.
Finalement on a dû arrêter jeudi dernier le bonhomme et quatre (04) autres de ses camarades qu’on accuse d’avoir participé à une manifestation interdite et de vouloir incendier les locaux et autres biens sur le campus, bref de semer la violence. Ils ont été présentés à la TVT , des frondes et des bouteilles d’essence à la main, pour prouver ce qu’on veut prouver. Il faut à tout prix les présenter comme des fauteurs de trouble. Mais grâce à la magnanimité de son Excellentissime Faure Gnassingbé, ils ont été libérés. Alléluia !
Pendant que le vrai porte-flambeau des étudiants était gardé à vue, l’autre qui n’a d’importance qu’aux yeux des gouvernants et que malheureusement ses camarades multiplient par zéro, appelle à rompre ses cordes vocables les étudiants à reprendre les cours, à grand renfort de communiqué de presse faisant état de pseudos acquis arrachés aux autorités. « Le Collège des délégués généraux de l’Université de Lomé rassure les camarades étudiants que suite au compromis obtenu à la rencontre avec le gouvernement, la Présidence de l’Université de Lomé prendra incessamment une décision relative à l’application effective de ce compromis dans les facultés, instituts et écoles notamment : la reprogrammation des Unités d’enseignement fondamentales, les mesures concernant l’assouplissement des pré-requis, l’octroi de 120 crédits aux étudiants en transition. Par ailleurs les 10 000 F CFA de complément d’aide pour la vie chère seront payés avant le début des examens du semestre mousson », dixit le communiqué daté du jeudi 16 juin et signé d’Alou Yawo Kpayidra. On le voit bien, ce ne sont que juste des intentions, et pas des acquis.
Au même moment, les gouvernants ont réussi à embarquer certains enseignants qui pourtant, pour la plus grande part partageaient les revendications des étudiants. Bien que rien ne soit concrètement acquis, ils les appellent à reprendre les cours.
Le commun des Togolais pensait les gouvernants revenus à la raison en relâchant les cinq étudiants appréhendés, dont le président du Meet. Si le ministre de la Sécurité le Col Gnama Latta avait insisté sur les écrans de la TVT que les élargis sachent que c’est grâce à Faure Gnassingbé qu’ils le sont, tout n’a pas été dit. Le comble reste à venir. Justement il nous revient que Adou Séibou, le leader du Meet a été…exclu des Universités du Togo pour six (06) ans. Pour avoir donc réclamé de meilleures conditions d’étude pour la masse estudiantine. Quelle méchanceté !!!
Cette mesure cynique est-elle à même de calmer la colère des étudiants ? Rien n’est moins sûr. Le Meet n’en démord pas et a encore lancé une grève de 48 heures. Et pourtant il y avait simple à faire : entrer en négociation avec les vrais leaders du mouvement, entendez par là Adou Séidou et son groupe et non Alou Yawo Kpayidra et compères qui ne jouissent d’aucune représentativité, avec beaucoup d’humilité et non d’autorité, et le tour serait joué !
Tino Kossi
VIA LIBERTE HEBDO TOGO