ROUMANIE – Le bac en Roumanie révélateur d’un système éducatif en crise

"Désastre", "catastrophe", "carnage". En Roumanie, la parution des résultats du bac a fait l'effet d'un tremblement de terre. Selon les chiffres provisoires publiés le 3 juillet dernier, le taux de réussite a chuté à 44,7% en 2011. Sur plus de 200 000 candidats, moins d'un sur deux se verra donc décerner le titre de bachelier cette année. Tandis que le déroulement de cet examen en France a été entaché par la publication sur internet de l'un des exercices de mathématiques, le gouvernement roumain, de son côté, a utilisé les grands moyens pour lutter contre la fraude.

Eduquer pour lutter contre la fraude et la corruption

Dans un pays classé au 69e rang sur 178 selon l'indice de perception de la corruption établi par l'ONG Transparency International (la France est 25ème, la Hongrie 50ème), le jeune ministre de l'Education Daniel Funeriu nommé en décembre 2009 a fait de la lutte contre la corruption et la fraude dans le système éducatif et universitaire l'une de ses priorités, quitte à sacrifier quelques générations de bacheliers. Le taux de réussite au bac était en effet de plus de 80% dans les années 2000, et avait déjà chuté à 69,3% en 2010 avant de passer sous la barre des 50% cette année.

A ceux qui montrent du doigt la difficulté des épreuves qui ne correspondrait pas au niveau dans les classes, le ministre répond que ces résultats révèlent le véritable niveau des élèves et du système éducatif roumain. Les problèmes de fraude au bac sont le miroir de pratiques qui dépassent largement le monde de l'enseignement, et les réformes mises en oeuvre sont guidées par un véritable choix de société. La Roumanie doit "choisir  entre les gens corrects et travailleurs et ceux qui misent sur la malhonnêteté et la supercherie" a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse lundi 3 juillet.

En effet, des scandales de corruption éclaboussent régulièrement le pays. Depuis le début de l'année, près de 250 policiers et douaniers travaillant aux frontières avec l'Ukraine, la Serbie et la Moldavie ont été poursuivis en justice pour des affaires de corruption.

"Surveiller les surveillants"

Les pratiques de triche étaient monnaie courante lors des épreuves du baccalauréat. La surveillance des épreuves a donc été sévèrement renforcée. Au delà des mesures habituelles qui imposent aux candidats de n'être en possession d'aucun document ni de téléphone portable, des caméras de vidéo-surveillance ont été installées dans certaines salles d'examen ! Elles ont permis de "surveiller les surveillants", qui étaient parfois la cible de pratiques de corruption. Selon le Parquet anti-corruption (DNA), 145 personnes dont 23 inspecteurs scolaires et enseignants, sont accusées de faits de corruption pour la période 2008-2010, le montant total des pots-de-vin collectés s'élevant à 150.000 euros.

Plus de 600 candidats ont été exclus des épreuves cette année à cause de pratiques de fraude. Jusqu'à 111 élèves d'un même centre d'examen ont été renvoyés parce qu'ils disposaient des réponses de l'épreuve. Des lycéens ont dénoncé des pratiques de surveillance exagérées et se sont plaints d'être traités comme des délinquants, mais les résultats semblent indiquer qu'une révolution des pratiques était nécessaire pour rendre au diplôme du baccalauréat sa juste valeur.

Un système éducatif peu reconnu au niveau international

Tant le système d'enseignement primaire et secondaire que le système d'enseignement supérieur sont à la traîne dans les classements internationaux. La Roumanie se classe en 49e place du classement Pisa réalisé par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) à partir d'enquêtes sur 65 pays membres et non membres. D'autre part, malgré des hausses de budget, aucune université roumaine ne se classe dans le top 500 des meilleures universités du monde.

Les causes des échecs au bac et de l'échec du système éducatif sont multiples. Les membres du corps enseignant critiquaient depuis plusieurs années la baisse du niveau des élèves et leur désintérêt général pour les études. La trop grande rigidité du système d’enseignement est aussi accusée. Toutefois on ne peut ignorer l'une des principales causes de la corruption dans le système éducatif : le faible niveau de salaires des enseignants. Un professeur débutant touche 120 euros par mois, et les mieux payés gagnent 350 euros, suite à la réduction drastique des salaires liée à la crise économique.  Pour finir, la baisse de la part du budget alloué à l'enseignement influe sur les conditions de travail des professeurs et de leurs élèves, ainsi que sur la qualité de l'enseignement.

Marina Soleni • 8 juillet 2011
http://www.hu-lala.org

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