Chaque année, le déficit d'inscription scolaire concerne quelque 200.000 enfants, en plus des 500.000 autres qui quittent prématurément l’école en raison des conditions sociales et économiques, selon l’association Iqraa.
Chaque fin d’année scolaire, au moment où des centaines de milliers d’élèves tous cycles confondus fêtent leur succès aux différents examens scolaires et leur passage à un niveau supérieur, d’autres adolescents malchanceux quittent l’école à divers niveaux, après avoir reçu une éducation incomplète et iront grossir les rangs de leurs aînés qui auront suivi le même chemin. Dans les pays en voie de développement, cela signifie, pour beaucoup d’entre eux, le retour à l’analphabétisme, qui se trouvera ainsi renforcé par les sous-produits de l’école.
Selon le Centre de recherche CENEAP, pas moins de 400.000 élèves sont exclus annuellement du système scolaire. Le même chiffre a été annoncé précédemment par le Conseil national économique et social (CNES). La déperdition scolaire reste importante. Elle est estimée à 100.000 élèves par an, au cours des six premières années scolaires.
L’enquête a été menée auprès de 700 élèves en difficultés scolaires qui ont été interrogés sur leur rapport à l'école. L'ennui touche un tiers des réponses de ces derniers. Le constat est probablement aussi vieux que l'école elle-même car partagé par des générations d'élèves qui n'ont attendu qu'une seule chose : la sonnette de sortie qui annonce la fin des cours.
Le « mal au ventre » est aussi évoqué par plus d’un tiers des élèves qui déclarent avoir « parfois mal au ventre avant d'aller à l'éco-le ». Ces maux au ventre sont dus principalement à la peur, au stress ou encore à l'absence d'envie d'aller à l'école. Pour ce qui est du programme enseigné, seulement 15 % des élèves disent comprendre toujours ce qu'on leur demande de faire, 63 % déclarent ne pas comprendre dans certains cas et 22 % affirment être dépassés et ne rien comprendre.
Le CENEAP estimait dans son enquête réalisée sur le même sujet que 30 % des élèves du primaire fuient l’école à cause des programmes, 50 % de ceux âgés entre 11 et 14 pour difficultés de concentration et plus de 60 % des élèves âgés de plus de 14 ans ont des problèmes avec les enseignants.
La période antérieure à la réforme
Les responsables du secteur de l’éducation nationale ne voient pas les choses sous le même angle. Le ministre analyse la situation en se basant sur deux périodes-repères et deux types d’indicateurs : ceux à caractère pédagogique et ceux ayant une dimension sociale. Le premier responsable du secteur persiste et signe : l’ensemble des indicateurs étaient au rouge en 2000. « Cette dégradation du rendement avait alimenté la spirale de la déperdition scolaire ». Depuis, et de façon progressive, ils s’améliorent. Beaucoup d’indicateurs sont passés au vert, avoisinant les nor-mes internationales. Selon les chiffres officiels, l’Algérie enregistre un taux de scolarisation (des enfants de six ans) de 98 %, soit une augmentation de 5 points par rapport à l’an 2000. Ce taux est conforté par un autre, celui de la scolarisation tout au long du cycle obligatoire, qui concerne les enfants âgés de 6 à 15 ans. Il s’agit d’un indicateur important dans la mesure où il aide à cerner l’ampleur de la déperdition scolaire en cours de route.
Gommer le spectre de l’échec
Comparativement à la période antérieure à la réforme, le ministre tient à préciser que l’école rejette de moins en moins d’élèves. A titre comparatif il rappellera qu’en 2000, on comptait un taux de 26 % des élèves qui entraient en première année primaire et qui ne terminaient pas leur scolarité obligatoire qui touchait 74 % des enfants de ce cycle. En 2010, ce taux de fréquentation de l’école jusqu’à l’âge de 15 ans a atteint un peu plus de 95 %, seuls 4 % des élèves ne terminant pas leur scolarité obligatoire.
Considérée à juste titre comme un grave dysfonctionnement, la déperdition scolaire est, de nos jours, «confinée dans des proportions gérables» par le ministère de l’Education nationale. C’est ce que d’ailleurs annoncent les responsables du secteur.
Pour ce qui est du passage au cycle moyen couplé aux examens de fin de cycle primaire, les mêmes responsables notent que le taux d’admission était de 77,23 % en 2000. Ainsi, 23 % des élèves n’accédaient pas au collège. En 2010, un peu plus de 93 % des élèves accèdent au cycle moyen. Sur la déperdition, la réforme a enregistré, pour le seul cycle primaire, un gain de 14 points en dix ans. Le passage au lycée connaît une évolution légèrement supérieure, soit un gain de 23 points : le taux d’admis en 1re AS était de 53,54 % en 2000. Dix ans plus tard, il grimpe à 76,04 %.
Les élèves recalés en fin de cycle moyen peuvent redoubler quand ils n’ont pas atteint l’âge de seize ans, ou s’orienter vers la formation professionnelle. La réforme a institué un dispositif d’orientation novateur au bénéfice des collégiens et lycéens. Il s’appuie sur une étroite collaboration entre le secteur de l’Education nationale et celui de l’Enseignement et de la Formation professionnels. Cette mutualisation des efforts permet à moyen terme de « gommer définitivement » le spectre de la déperdition. La question de l’école est étroitement liée à la qualité de l’enseignement et au taux de réussite dans les différents examens nationaux.
Selon les chiffres du ministère de l’Education nationale, le taux de redoublement qui était de 17,49 % pour les trois cycles confondus, en 2003/2004 (année de lancement de la réforme), a baissé de 4 points pour passer à 13,57 % en 2009/2010.
Quant aux élèves qui abandonnent l’école, leur nombre a fortement diminué ces dernières années. En effet, au cycle primaire, le taux d’abandon a chuté de 2 % en 2003/2004 à 1,62 % en 2009/2010. Pour la même période, le collège a connu une diminution sensible de ce taux. Il est passé de 9,36 à 9,02 %. Pour les responsables du secteur, l’amélioration constante « des indicateurs d’efficacité, la modernisation induite par les équipements didactiques et les nouvelles infrastructures, ainsi que les différentes actions de soutien aux élèves ne pouvaient que déboucher sur des progrès en termes de taux de réussite aux examens nationaux ». D’année en année, plus particulièrement depuis le lancement de la réforme, se dessine une courbe ascendante des taux de réussite. Par le passé, les taux de réussite au BEM et au BAC oscillaient entre 10 et 30 % dans le meilleur des cas avec, toutefois, des rachats à 9, voire 8/20. Avec la réforme, les exigences pédagogiques sont respectées : seule la moyenne compte pour accéder au palier supérieur.
« Cette rigueur pédagogique » a suscité un surcroît d’efforts et de mobilisation chez les élèves et chez les enseignants. De la sorte, les taux de réussite au brevet et au baccalauréat enregistrés ces dernières années donnent à voir les écarts. En 2000, on comptait un taux de réussite de 41,53 %, alors que ce taux est de 70,35 % cette année.
Même constat pour le baccalauréat. 32,29 % en 2000 pour doubler cette année à 62,45 %.
Pour la première fois depuis l’Indépendance, l’Algérie vient de former des bacheliers avec mention «excellent».
Les autres mentions dont les moyennes varient entre 12 et 18/20 ont connu un bond significatif. Ils n’étaient que 14.484 candidats lauréats en juin 2000. Pour la session de juin 2010, ce nombre a progressé pour atteindre 98.044 lauréats ou 44 % du nombre total de bacheliers. Pour cette année le nombre de bacheliers avec mention est de 103.555.
L’enseignement, un droit
Malgré tous ces résultats et tous les efforts de la réforme, on compte un bon taux d’échec des élèves qui ne réussissent pas aux examens d’année scolaire. Les responsables du secteur n’incluent pas ces derniers dans la rubrique «déperdition», car, selon eux, la définition de la déperdition, qui est un problème mondial, se résume au résultat de la combinaison de deux facteurs.
Il s’agit de l’abandon prématuré qui se produit lorsqu’un élève interrompt ses études avant de terminer la dernière année d’études primaires ou de base et le redoublement qui fait qu’un élève reste dans la même classe deux, trois et parfois quatre ans de suite, pour n’avoir pas atteint le niveau de maîtrise exigé des contenus, connaissances et activités du programme d’études ou pour d’autres raisons.
Sur un autre plan le ministère de la tutelle pénalise les parents qui n'envoient pas leurs enfants à l'école et qui viennent renforcer le taux de déperditions scolaires. Suite à une directive ministérielle, les services administratifs des institutions pédagogiques ont entamé une vaste opération de recensement des enfants en âge d’être scolarisés et qui ne le sont pas.
Comparant les listes en leur possession avec celle envoyée par l’état civil de leur commune, ils recensent un à un les enfants qui ont regagné l’école, pour faire ressortir les autres et, éventuellement, convoquer leurs parents. La loi impose des amendes pouvant atteindre 5 millions de centimes aux parents qui ne respectent pas la durée obligatoire de l'enseignement de 9 ans pour leurs enfants âgés de 6 à 16 ans. Cette loi interdit également le renvoi pour un an de tout élève âgé de moins de 16 ans.
Ces amendes, que le ministère a annoncées dans un communiqué de presse daté du 10 janvier 2010, visent à maintenir les enfants algériens à l’école jusqu’à l’âge de 16 ans, de la première année primaire à la 4e année moyenne, soit durant tout le cycle de l’enseignement obligatoire. Il faut noter que le taux d'inscription varie selon les régions du pays.
Les conditions sociales et de vie dans de nombreuses régions, où les écoles sont parfois éloignées et les moyens de transport peu développés, empêchent de nombreux parents de satisfaire aux besoins d'éducation de leurs enfants. Ce sont les filles qui en sont les premières victimes. Nombre d'entre elles, malgré d'excellents résultats, quittent l'école parce que l'éducation des filles ne fait pas partie des coutumes locales.
A ce titre Mme Barki, présidente de l’association Iqraa, souligne que le taux de scolarisation des garçons est estimé à 99 %, tandis que celui des filles tombe à 97 %.
Sarah SOFI
http://www.elmoudjahid.com
17/07/2011