SPORT – Etat des lieux de l’éducation physique et sportive en Europe

n aperçu de la situation de l'éducation physique et sportive (EPS) dans les écoles en Europe, s'appuyant sur différentes enquêtes menées aux niveaux mondial, régional, continental et national1.

Au sein du système d'enseignement général, tous les pays européens ont soit des exigences légales, soit des attentes normatives ou directives en matière d'EPS pour au moins une partie de la scolarité obligatoire. Légalement, l'éducation physique a le même statut que les autres matières dans 90% des pays ; néanmoins, dans 34% des pays, son statut est perçu au quotidien comme étant plus faible.

LE TEMPS SCOLAIRE DÉDIÉ À L'EPS

On observe partout en Europe une érosion progressive de l'allocation du temps scolaire dédié à l'EPS au cours du 20e siècle. En Europe centrale et orientale, cette érosion fut plus limitée à la période des réformes politiques postcommunistes. La question de la répartition du temps est généralement compliquée. Toutefois, certaines tendances générales sont identifiables. Au primaire, l'allocation horaire hebdomadaire pour l'EPS à travers l'Europe est en moyenne de 109 minutes, contre 121 minutes en 2000. En réalité, cela varie de 30 à 240 minutes, la majorité se situant entre 60 à 90 minutes. Dans le secondaire et le supérieur, on consacre en moyenne 101 minutes à l'EPS, contre 117 en 2000. Là encore on observe une grande disparité, les plages horaires hebdomadaires s'étendant de 45 à 240 minutes, avec une forte concentration aux environ des 90 minutes. On constate dans plusieurs pays une coupe progressive dans le secondaire et le supérieur (16 ans et plus), les cours optionnels devenant alors plus manifestes.

LE PROGRAMME

Les réformes éducatives dans certains pays et les réponses aux concepts de santé et bien-être (liés à des styles de vie actifs et à l'augmentation de l'obésité) génèrent des changements dans les programmes. L'éducation physique y est conçue comme liée à l'éducation à la santé mais aussi au développement personnel et social, conduisant à l'incorporation de nouvelles activités. Toute aussi évidente est l'attention accrue apportée aux concepts et programmes en matière d'éducation physique de qualité. En pratique, toutefois, les activités sportives de compétition prédominent : gymnastique et athlétisme représentent près de 80% du contenu des cours d'EPS dans les écoles primaires et secondaires. La natation, la danse et les activités sportives de natures ne se voient accordées que 18% du temps dans le primaire et seulement 13% dans le secondaire.

LE PERSONNEL ENSEIGNANT

La qualité de la préparation des enseignants est variable en Europe. Pour l'enseignement primaire, les qualifications ont tendance à être acquises dans les instituts pédagogiques et/ou les universités, tandis que pour l'enseignement secondaire, elles le sont principalement dans les établissements de niveau universitaire, y compris les académies et les facultés spécialisées. Dans près de la moitié des pays, les professeurs diplômés d'éducation physique/sport sont qualifiés pour enseigner au minimum une deuxième matière. De manière générale, les enseignants du secondaire sont des " spécialistes " de l'EPS (94% du pays) et ceux du primaire des " généralistes " (85%). Dans certains pays, l'enseignant généraliste des écoles primaires est souvent insuffisamment ou mal préparé à enseigner l'EPS, dû principalement au faible nombre d'heures allouées à ce sujet dans la formation initiale. Dans 63% des pays de l'UE il y a des exigences et/ou des possibilités de formation continue, mais l'on observe une grande disparité dans la fréquence et le temps alloué.

INSTALLATIONS ET ÉQUIPEMENTS

On constate une nette différenciation géopolitique en termes de qualité et de quantité d'installations et d'équipements en Europe. Dans les pays les plus prospères économiquement, la qualité et la quantité d'installations et d'équipements sont considérées, dans le pire des cas, comme adéquates. Alors qu'en Europe centrale et orientale, les insuffisances sont répandues. Environ un tiers des pays soulignent la qualité insuffisante des installations et des équipements. En outre, près de la moitié des pays ont des installations en quantité limitée voire insuffisante et les deux cinquièmes souffrent d'une quantité limitée d'équipements. Transcendant cette fracture est-ouest, on constate dans 67% des pays des problèmes de faibles niveaux de maintenance des sites existants et, alors même qu'il existe des attentes plus élevées en termes de niveaux et normes des installations et équipements dans les pays économiquement plus développés, on y trouve des indicateurs soulignant des insuffisances et pénuries dans les installations et les équipements.

LE FINANCEMENT

Plus de la moitié des pays européens indiquent avoir procédé à des réductions financières pour l'EPS ces dernières années. Les raisons invoquées nombreuses : une faible considération de l'EPS par rapport à d'autres matières, l'entretien coûteux des équipements, la croyance qu'il ne s'agit que d'une autre expérience récréative… Ces réductions ont eu, et continuent d'avoir, des conséquences néfastes sur l'EPS et le sport en Europe, particulièrement en Europe orientale : incapacité à remettre à neuf des installations parfois hors du temps ou à ériger de nouvelles installations, pénurie de matériel, emplois d'enseignants non qualifiés… Une solution possible pour résoudre en partie ces difficultés passe par le partage des ressources avec l'ensemble de la communauté. Une telle disposition implique un financement partagé entre les secteurs, y compris pour les coûts opérationnels et de gestion.

ELÉMENTS DE CONCLUSION

Alors que les différents scénarios décrits ci-dessus illustrent certaines préoccupations concernant l'EPS, de manière générale l'Europe s'en sort relativement bien par rapport aux autres régions du monde. Par ailleurs, l'adoption en 2007 d'une résolution du Parlement européen sur le rôle du sport dans l'éducation a représenté une avancée politique positive et significative en matière d'orientation politique dans le domaine de l'éducation physique. Notons en particulier l'appel adressé aux États Membres d'envisager et de mettre en œuvre des changements dans l'orientation de l'éducation physique comme une matière prenant en compte la santé, les besoins sociaux et les attentes des enfants. Cette résolution inclut également un principe garanti d'au moins trois leçons d'éducation physique par semaine, principe largement préconisé notamment par des organisations professionnelles, telles qu'EUPEA, et des organismes intergouvernementaux, tels que le Conseil de l'Europe.

Le suivi de l'évolution de l'éducation physique en Europe est un impératif. Un mécanisme de surveillance est essentiel pour évaluer si les " promesses " sont converties en " réalité ". Et contribuer ainsi à contrer les menaces potentielles et assurer un avenir certain pour l'éducation physique dans les écoles afin d'éviter que trop d'enfants ne se voient refuser des possibilités d'accès à l'éducation physique et sportive.

1. Cet article s'inspire d'enquêtes réalisées à l'échelle mondiale, européenne et nationale ainsi que sur une vaste littérature. Il est nécessaire de reconnaître dans un premier temps les questions potentiellement problématiques entourant la validité et la fiabilité des données générées à partir d'enquêtes. Néanmoins, les données fournissent une indication sur les schémas et tendances tout en révélant certaines situations très spécifiques. La prudence quant à l'interprétation est dans une large mesure atténuée par des formes de triangulation qui servent à apporter un degré élevé de validité et de fiabilité vis-à-vis du contenu de l'article.

Ken Hardman, professeur à l'Institut des Sciences du sport Université de Worceste

http://www.lemonde.fr

26/10/2011

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