FRANCE – Un front uni pour soutenir les jeunes diplômés étrangers

Une soixantaine de personnalités publie une pétition pour soutenir les étrangers fraîchement diplômés, empêchés de travailler en France par la circulaire Guéant du 31 mai.

La mobilisation pour soutenir les étrangers victimes de la circulaire Guéant ne faiblit pas. Une soixantaine de personnalités du monde scientifique, culturel et juridique ont lancé une pétition pour demander le retrait de ce texte «moralement méprisable et économiquement suicidaire».

Cette circulaire du 31 mai 2011, cosignée par les ministres de l'Intérieur et du Travail Claude Guéant et Xavier Bertrand, restreint considérablement les possibilités d'emploi des jeunes étrangers venant de terminer leurs études en France et désireux de commencer leur carrière ici.

Les préfets ont ainsi reçu l'ordre d'examiner avec «plus de rigueur» les demandes de changement de statut – permettant de passer d'un visa étudiant à un visa de salarié. Résultat: des refus à la pelle et des délais d'attente qui s'allongent, allant parfois quatre à six mois. «Chaque semaine, on a connaissance de 80 à 100 nouveaux cas de jeunes étrangers en attente d'une réponse ou ayant essuyé un refus», déplore le collectif du 31 mai, un groupe de diplômés étrangers qui s'est constitué sur Facebook. «Si on additionne depuis juin, on en est à 940 cas, poursuit Fatma Choueib, sortie d'HEC et porte-parole du collectif. 300 ont reçu une issue favorable à leur demande. Pour les 640 autres, deux tiers sont toujours dans l'attente d'une réponse, les autres ont obtenu une réponse négative.»

Le 22 novembre, François Fillon avait promis de réexaminer les cas refusés. En pratique, rien n'a changé depuis. Selon le collectif, une cinquantaine de jeunes auraient déjà quitté la France, pas forcément pour rejoindre leur pays d'origine, «beaucoup vont travailler ailleurs».

«Tu n'embaucheras pas d'étranger»

Ce mercredi matin sur France Inter, Axel Kahn, président de l'université Paris V-René Descartes, signataire de la pétition, se désolait de voir ainsi fuir «ces cerveaux les mieux faits du monde entier, à prix d'or… Que l'on essaie d'attirer avec la danse du ventre universitaire pour dynamiser notre économie». Les universités ont du mal à mesurer l'ampleur du phénomène, incapables de dire combien de leurs jeunes diplômés sont potentiellement concernés.

«Le message de la circulaire est clair: étranger, ne viens pas étudier chez nous, et n'espère pas trouver un emploi au terme de tes études. Employeur français, tu n'embaucheras pas d'étranger. Peuple de France, tes dirigeants veillent sur tes emplois ! Préférence nationale ! La France aux Français !», lit-on dans la pétition mise en ligne sur le site «université universelle».

Ils sont une soixantaine de personnalités de tous bords à avoir signé : le professeur au Collège de France Pierre Rosanvallon, les présidents d'universités Vincent Berger, Patrice Brun et Axel Kahn, les professeurs d'économie Philippe Aghion et Thomas Piketty, les sociologues Christian Baudelot, Stéphane Beaud, Roger Establet ou Edgar Morin, le cinéaste Romain Goupil, l'écrivain Jean-Christophe Rufin, le climatologue Jean Jouzel, etc. «Si on arrive à bâtir un front rassemblant à la fois des responsables d'entreprise, des universitaires, des intellectuels, des juristes… Je pense que l'on peut obtenir le retrait de ce texte, assure l'avocat Jean-Pierre Mignard, à l'origine de l'initiative. Il n'y a aucune raison valable justifiant cette circulaire sinon des raisons électoralistes médiocres.» Mercredi après-midi, 24 heures après sa mise en ligne, la pétition avait récolté quelque 8000 signatures.

En attendant l'éventuel retrait de la circulaire, les signataires s'engagent à parrainer des jeunes en galère. «Concrètement, chaque personnalité sera en binôme avec un étranger pour l'aider dans ses démarches : l'accompagner à la préfecture ou devant le tribunal… L'aider de toutes les manières possibles et imaginables», explique Fatma Choueib. En faisant jouer leur réseau de connaissances surtout, pour accélérer les choses.

21/12/2011

http://www.liberation.fr

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