A peine plus d’un tiers des actifs ont une idée des rémunérations pratiquées par leur entreprise, d’après un sondage. Une majorité souhaite plus de transparence, mais les dirigeants, eux, s’accrochent au secret.
Bien à l’abri dans leurs enveloppes cachetées, les fiches de paie figurent parmi les secrets les mieux gardés des entreprises. Seuls 37% des salariés français savent combien gagnent leurs collègues, d’après un sondage Harris Interactive réalisé pour Glassdoor, un site de notation des employeurs. Hors avantages prévus par des accords collectifs, quels employés ont eu droit à des augmentations individuelles, des primes ou des bonus? L’écrasante majorité des entreprises ne pipent mot au-delà de leurs rares obligations légales, dans un bilan social par exemple.
Celles qui dérogent à la règle se comptent sur les doigts de la main. Outre la PME Thermador connue pour sa transparence intégrale des salaires, “seules quelques start-up la pratiquent, souvent parce qu’elles se sont co-créées avec leurs collaborateurs”, observe Isabelle Charvin, directrice de Neocoach Savoie, cabinet spécialisé dans l’accompagnement des entreprises. Ailleurs, les salariés qui parviennent à glaner des informations le font par des moyens détournés: 58% les doivent à des “collègues très ouverts à la discussion sur ces questions de salaire et d’avantages sociaux”, 16% à des commérages et 6% à des documents “sensibles” découverts par hasard, d’après Glassdoor.
“Tu sais combien il touche? Tu as vu sa prime?”
Cette omerta ne semble pas les satisfaire. 77% des sondés estiment que les employeurs devraient être obligés de communiquer davantage sur les salaires. Un sur deux y voit une solution efficace pour faire disparaître les inégalités entre hommes et femmes et 52% un moyen d’instaurer un traitement plus juste entre les équipes. “Les salariés sont attachés à la notion d’équité dans la récompense des résultats, note Isabelle Charvin. Quand on ne sait pas combien les autres gagnent, on cherche à savoir quand même, par le biais de conversations sous le manteau: ‘Tu sais combien il touche? Tu as vu sa prime ?’, etc. Cela génère de l’insatisfaction, de la frustration et, à l’arrivée, de l’inefficacité.”
42% des salariés sondés par Glassdoor jugent que des salaires plus transparents renforceraient la confiance entre employeurs et employés. Les entreprises ne semblent pourtant pas prêtes à s’engager dans cette petite révolution. “Il faut du courage managérial pour cela, résume Isabelle Charvin, car la transparence oblige souvent à remettre à plat toute la politique salariale. Elle a souvent évolué en fonction de tel ou tel dirigeant, qui a fait progresser certaines carrières et pas d’autres.” D’où des inégalités qui, révélées au grand jour, deviennent bien difficiles à justifier.
Source: http://www.lexpress.fr/