Édition du Jour : 25 octobre 2025
I. Le Grand Ralentissement : Chute des Arrivées Temporaires 
Le secteur de l’éducation internationale au Canada connaît un ralentissement sans précédent, conséquence directe d’une série de mesures restrictives mises en œuvre par Ottawa pour gérer la croissance démographique et les pressions sur le logement. Ces politiques, qualifiées de recherche de « durabilité » par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), ont structurellement réduit l’afflux de nouveaux arrivants.
Selon les données de l’IRCC, entre janvier et août 2025, le Canada a enregistré 278 900 arrivées d’immigrants en moins qu’au cours de la même période en 2024. L’arrivée de nouveaux étudiants étrangers a chuté de près de 60 %. Rien qu’en août 2025, seulement 45 380 nouveaux titulaires de permis d’études sont entrés, contre 79 795 en août 2024.
Conséquences Directes pour les Candidats Africains :
- Hausse des Preuves de Fonds : L’IRCC a plus que doublé le seuil de fonds requis pour les dépenses de subsistance, le faisant passer de 10 000 CAD à 20 635 CAD. Cette augmentation agit comme un filtre de prix qui affecte de manière disproportionnée les marchés sensibles aux coûts.
- Pays Africains Spécifiquement Touchés : Le nouveau seuil financier est particulièrement difficile pour les marchés qui alimentaient la croissance canadienne, notamment le Nigeria et le Kenya. Les familles de ces régions, qui hypothéquaient souvent des terres ou des biens pour payer les frais de scolarité, luttent désormais pour démontrer la liquidité requise au nouveau niveau.
- Permis de Travail Post-Diplôme (PGWP) Restreints : L’éligibilité au PGWP est désormais limitée aux programmes et institutions alignés sur les besoins du marché du travail, excluant les partenariats avec certains collèges privés. L’accès aux permis de travail pour les conjoints d’étudiants étrangers est également restreint aux programmes de maîtrise et de doctorat.
Ces changements sapent la proposition de valeur principale du Canada, qui reposait sur une voie claire : études → travail → résidence permanente.
II. Le Système d’Immigration en Crise : Délais, Refus et Confiance 
Le système d’immigration canadien est confronté à une perte de crédibilité due à des délais de traitement extrêmes et à une forte augmentation des taux de refus, particulièrement dans les catégories d’entrée temporaire et humanitaire.
Délais Inédits et Peur de l’Annulation (Bill C-12) :
- Les temps de traitement pour les applications de résidence permanente ont atteint des niveaux sans précédent, allant jusqu’à 50 ans dans certains programmes.
- Les candidats sous le volet humanitaire et avec compassion (H&C) font face à des attentes de 12 à 600 mois. Les volets pour les entrepreneurs (Visa Start-Up) et les aides-soignants affichent des attentes de 35 ans et neuf ans, respectivement.
- Ces délais sont interprétés par certains avocats comme une dissuasion délibérée ou un “gel au ralenti” (a slow-motion freeze) visant à décourager les nouveaux candidats sans avoir à annoncer ouvertement des restrictions.
- L’inquiétude monte quant à la possibilité d’une annulation massive des demandes si le projet de loi C-12 (Loi sur le renforcement du système d’immigration et des frontières du Canada) est adopté. Ce projet donnerait au ministre de l’Immigration le pouvoir d’annuler ou de suspendre des catégories de demandes s’il juge que cela est dans l’« intérêt public » ou pour des « besoins opérationnels ».
Augmentation des Refus et Recours Judiciaires :
- Le taux de refus global pour les demandes de résident temporaire a dépassé la barre des 50 % récemment.
- Ce pic de refus est attribué par les experts à l’utilisation croissante d’outils de traitement automatisés comme Chinook.
- Les lettres de refus sont souvent des « modèles génériques », affirmant par exemple que l’agent « n’est pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé », sans référence significative aux circonstances uniques du candidat.
- Cette situation conduit à une montée des examens judiciaires devant la Cour fédérale du Canada, les demandeurs contestant des décisions jugées « génériques et déraisonnables ».
III. Sécurité Frontalière et Répression Intérieure (ACSF) 
Le gouvernement du Premier ministre Mark Carney intensifie les efforts de contrôle et d’application de la loi, ciblant spécifiquement les résidents temporaires et les personnes sans statut.
L’Offensive de l’ASFC :
- Ottawa investit 617,7 millions de dollars, notamment pour l’embauche de 1 000 nouveaux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Ce plan vise à renforcer la sécurité, à lutter contre la contrebande, la fraude à l’immigration et les activités illégales.
- L’ASFC a exécuté 16 470 renvois en 2024, soit une augmentation de 25 %. L’objectif est d’atteindre 20 000 renvois par an d’ici 2027.
- Les opérations intérieures de l’ASFC se concentrent sur des secteurs comme la construction, l’hôtellerie et l’agriculture, où les « emplois payés en espèces » (cash jobs) sont fréquents pour les personnes sans statut.
Ressortissants Africains dans la Crise des Personnes Introuvables :
- Un défi majeur pour l’ASFC est la crise des personnes « perdues de vue » : plus de 29 000 individus faisant l’objet d’une ordonnance de renvoi sont introuvables.
- Parmi les nationalités les plus concernées par cette crise, figurent des Nigérians et des Haïtiens.
- En mars 2025, une opération de l’ASFC à Montréal a mené à l’inculpation pour trafic d’êtres humains impliquant des ressortissants Congolais, avec l’arrestation d’environ 25 travailleurs dans le secteur de l’hôtellerie.
- En cas de détention ou d’absence de statut, les individus risquent l’expulsion immédiate.
IV. Le Jeu Géopolitique : La Fermeture Américaine et l’Afrique 

Les politiques migratoires américaines sous l’administration Trump ont un impact indirect sur l’Afrique, notamment par des accords de déportation et des opérations ciblant les communautés de vendeurs immigrants aux États-Unis.
Déportations vers l’Afrique :
- L’administration Trump a signé des accords secrets avec plusieurs nations africaines pour accepter des déportés non américains.
- Depuis juillet, les États-Unis ont envoyé des déportés vers au moins trois pays africains : le Soudan du Sud, le Rwanda et le Ghana. L’Ouganda fait également l’objet d’un accord, bien qu’aucune déportation n’y ait encore été annoncée.
- Des documents consultés par Human Rights Watch indiquent que les États-Unis paient des millions de dollars aux nations africaines pour qu’elles acceptent les déportés. Le Eswatini aurait reçu 5,1 millions de dollars pour accueillir jusqu’à 160 déportés, et le Rwanda 7,5 millions de dollars pour 250 déportés.
- Dans une affaire récente, le Libéria, un pays fondé pour accueillir les esclaves américains affranchis, a accepté d’accueillir un Salvadorien déporté par erreur par les États-Unis, qualifiant cela de mesure « strictement humanitaire et temporaire ».
Opérations de Répression aux États-Unis :
- Les opérations d’Immigration and Customs Enforcement (ICE) se sont intensifiées dans les grandes villes américaines, y compris sur Canal Street à New York.
- Historiquement, Canal Street est un lieu de rassemblement pour les marchands d’origine asiatique, mais des vendeurs d’Afrique de l’Ouest y ont afflué pour vendre leurs marchandises après l’arrivée massive de migrants il y a trois ans. Ces communautés ont été ciblées lors des récentes descentes d’ICE.
V. L’Avenir pour les Talents : Le Plan ‘Attraction de Talents’ du PM Carney 
Face au déclin des arrivées temporaires et aux politiques américaines restrictives, le Premier ministre Mark Carney a annoncé que le prochain budget fédéral (prévu dans les semaines à venir) dévoilera un nouveau plan d’immigration axé sur l’attraction de talents.
Saisir l’Opportunité H-1B :
- Le Canada cherche explicitement à attirer les professionnels de la technologie potentiellement découragés par la nouvelle politique américaine imposant des frais de 100 000 $ US sur les nouvelles demandes de visa H-1B.
- M. Carney a affirmé que l’opportunité d’attirer des personnes qui auraient obtenu des visas H-1B est claire, beaucoup de ces travailleurs étant dans le secteur technologique et disposés à se déplacer.
- L’objectif de cette « stratégie de talents » est d’aligner les niveaux d’immigration sur les besoins en main-d’œuvre et la capacité du Canada, en mettant l’accent sur la formation et l’apprentissage pour les scientifiques et les innovateurs.
- Une étude du Fraser Institute suggère que le Canada devrait s’inspirer du visa H-1B pour créer de nouvelles voies d’accès pour les travailleurs hautement qualifiés. L’institut critique le fait que les immigrants hautement qualifiés ont de moins bons résultats en matière d’emploi et de rémunération au Canada qu’aux États-Unis.
Soutien à l’Intégration et aux Familles :
- Pour les résidents temporaires qui vivent et travaillent déjà au Canada, la voie vers la résidence permanente pour les travailleurs qualifiés dans les secteurs clés devrait être accélérée.
- Les familles de nouveaux arrivants peuvent bénéficier de la Prestation canadienne pour enfants (PCE) (Canada Child Benefit – CCB), dont le paiement est prévu pour le 20 octobre 2025. Les résidents temporaires peuvent être éligibles après avoir vécu au Canada pendant 18 mois avec un permis valide et déposé leurs déclarations de revenus.
VI. Perspective : Naviguer dans une Nouvelle Réalité 
L’année 2025 a marqué une rupture structurelle dans la politique d’immigration canadienne, passant d’une décennie d’expansion à une ère de contraction gérée et de contrôle accru. Pour les immigrants potentiels d’Afrique, cette nouvelle réalité exige une précision, une transparence et une vigilance accrues lors de la soumission des candidatures.
Les candidats qui naviguent dans ce paysage doivent éviter les erreurs courantes, notamment l’utilisation de modèles de demande périmés ou d’informations provenant de l’intelligence artificielle (IA) qui peuvent être incorrectes concernant les catégories Entrée Express ou l’éligibilité au PGWP.
Bien que le Canada reste engagé envers l’immigration permanente qualifiée, le message est clair : la porte n’est pas fermée, mais le processus est devenu plus strict et moins indulgent. La promesse de stabilité, autrefois le fondement de la réputation du Canada, est remplacée par des années d’incertitude pour ceux qui attendent dans la file d’attente.
Ce bulletin est destiné à informer la communauté africaine et la diaspora sur les développements pertinents de l’immigration au Canada.
