200 élèves entassés dans une classe

200 élèves entassés dans une classe

L’Afrique ne recule pas, mais avance difficilement. A petits pas. La majorité des pays africains ont un système éducatif fragmenté, en raison de la mauvaise gouvernance et des conflits qui ravagent ce continent. «Pour atteindre les objectifs de développement et permettre à un pays d’avoir un système éducatif performant et plus efficient, il faut d’abord instaurer la paix, ensuite former dans le but de travailler, mais, au préalable, il faut comprendre le marché du travail, c’est complexe, mais c’est faisable», ont insisté les experts qui ont animé les débats ayant précédé le lancement de la Triennale 2011 de l’éducation à Tunis.

A l’unanimité, les intervenants pensent qu’en dépit des progrès importants accomplis par beaucoup de pays africains, les systèmes éducatifs actuels engendrent toujours des «déchets énormes». Mamadou Ndoye, ancien ministre de l’Education du Sénégal et ancien secrétaire exécutif de l’ADEA, a révélé que 50% des élèves qui quittent l’école ne maîtrisent pas les outils d’apprentissage, à savoir lire et écrire.

Cela est très grave. «La scolarisation d’un enfant est une exigence universelle, et apprendre tout à l’élève est plus que nécessaire.» L’autre urgence, aujourd’hui, de l’avis de M. Mamadou, est celle de faire face au problème du redoublement qui mène directement à la déperdition scolaire. Un phénomène qui prend de l’ampleur, alors que la question de l’insertion se pose avec acuité. Si les participants à cette rencontre adhèrent pleinement à ce type de réflexion, ils ont, en outre, posé des questions sur des problèmes plus élémentaires et plus critiques : comment apprendre à lire et à écrire à 200 élèves entassés dans une même classe ? Oui 200 élèves, un chiffre réel, effarant et qui relève de l’imaginaire.

De la voix même des experts, appuyés par le témoignage de journalistes de Ouagadougou, du Cameroun, ou encore du Mali, les bambins, hauts comme trois pommes, se retrouvent, dès la première année primaire, confrontés à l’exiguïté des lieux ; ils sont six à partager une même table, les mieux lotis sont à quatre dans une classe de 160 élèves. «La réalité est amère, mais elle est là et nos enfants la subissent. Comment peut-on parler de qualité lorsqu’un élève peine à trouver une chaise ou alors il n’entend jamais la voix de son maître car il est assis au fond de la classe. C’est logique, la voix du prof ne porte pas», note un intervenant de Ouagadougou, relayé par un participant du Cameroun.

Ce dernier note que «les élèves du primaire les plus chanceux se retrouvent à 160 au lieu de 200 dans une salle de classe. Parfois, la direction de l’établissement tente de résoudre le problème en affectant deux à trois enseignants pour une classe de 200 élèves. C’est du bricolage qui mène vers une véritable cacophonie», note une intervenante, persuadée qu’un élève qui fait face à ce genre de problème, non seulement il n’apprendra rien, mais il fuira l’école très tôt. Au niveau du secondaire, d’aucuns estiment que la situation est relativement meilleure.

50 à 70% des élèves quittent l’école à 12 ans

Ils sont soixante élèves dans une classe ! La problématique de la surcharge des classes se pose dans les grandes villes où les constructions de nouvelles cités se sont faites de manière anarchique, engendrant une absence totale d’infrastructures de base, telles que les écoles. Une situation qui pénalise l’élève à grande échelle. L’Algérie n’a pas échappé à ce phénomène, même si d’aucuns pensent qu’elle a fait des efforts en matière de scolarisation et de prise en charge des élèves. «Pour l’éradication du problème de la surcharge, il faut une volonté politique, la conjugaison des efforts et l’implication de tous les partenaires», ont souligné les experts.

Richard Walther, consultant international en éducation, déplore le fait que dans la majorité des pays africains 50 à 70 % des élèves sortent du système éducatif à l’âge de 12 et 13 ans. En même temps, seulement 5% suivent l’enseignement technique, alors que les besoins en la matière situent cette proportion à hauteur de 50%.Pour y remédier, Walther plaide pour un changement de paradigme et préconise de prendre en compte les voies traditionnelles de promotion des compétences pour les faire évoluer vers un apprentissage rénové, en rapport avec les exigences du monde professionnel et des besoins du développement.

«La Triennale de l’éducation en Afrique doit, en conséquence, faire en sorte que le maximum de jeunes soient formés en fonction de la demande des entreprises et de la société, ce qui ne manquera pas de stimuler l’activité économique propre à favoriser un développement durable», résume-t-il.Les participants n’ont pas manqué de souligner qu’en Afrique, chaque année, il y a dix millions de nouveaux demandeurs d’emploi. Ces personnes, qui tentent de trouver un travail, ne sont, en fait, que des étudiants fraîchement sortis des universités. «Que ce soit en Mauritanie ou au Mali, le problème de l’emploi est un casse-tête et ce sont généralement ceux qui ont fait des études supérieures qui ne trouvent pas de job», note George.

L’Afrique possède des ressources matérielles énormes, mais elle n’a pas les moyens de les exploiter. Elle a une jeunesse débordante, malheureusement celle-ci souffre de chômage, de plusieurs maladies, notamment le sida, de la dégradation de l’environnement et du climat. Ces jeunes fuient le pays à la recherche d’un environnement plus clément sous d’autres cieux. Pour sortir de ce gouffre, il faut recourir à une politique qui se chargera tout d’abord d’améliorer la qualité des relations humaines et le reste suivra….

Nabila Amir
http://www.elwatan.com
12/12/2010

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