Cameroun – De la valeur des diplômes

De la valeur des diplômes

Le syndicaliste Maurice Phouet Foé, dans une interview accordée dans ces mêmes colonnes dans l’édition d’hier, a mis le pied dans le plat au sujet des résultats des examens officiels au Cameroun. S’il reconnait que la tendance est à l’amélioration (taux de réussite), l’enseignant s’interroge sur la valeur intrinsèque des candidats admis à la session 2010 du baccalauréat. Au cœur du laboratoire de confection des résultats qui sont brandis ça et là, il dénonce (comme il le fait depuis de nombreuses années), la politisation du système éducatif au Cameroun.

M. Phouet Foe pourfend surtout les dizaines de points généralement ajoutés aux nombreux candidats dans l’optique d’augmenter le taux de réussite aux examens officiels dans le pays depuis au moins une décennie. Sans aller dans les détails, il révèle par exemple que pour la session en cours, «les élèves ne sont pas reçus avec 10 de moyenne. On prend à partir de 08. On s’efforce ensuite pour que ceux qui n’arrivent pas à ce niveau, aient des points par-ci, par-là. Et en fin de compte, vous vous retrouvez avec des résultats composés. Les résultats sont donc en général modifiés».

En dépit de l’action néfaste des politiques sur la gestion des examens officiels, à la base, tout est mis en œuvre pour que l’école ne produise pas de véritables fruits au Cameroun. A côté de la manipulation des programmes, le système scolaire camerounais se heurte à la précarité des enseignants dont la vocation est chaque année mise à rude épreuve. Blasés, les maîtres auxquels les élèves voulaient ressembler jadis, perdent chaque jour un peu plus de leur valeur. Et pour cause, les écoles normales ont-elles-mêmes pris des allures de faculté. La qualité des professionnels qui en sortent s’en ressent.

A côté de cet écueil, les marchandages en tout genre (entrée, évaluations, et sortie) étant au centre de différents trafics comme ceux qui ont pris en otage aujourd’hui l’école, le travail de l’élève ne se mesure plus à sa performance, mais au bulletin de notes, bon ou mauvais, dont le contenu est généralement à mille lieux du niveau réel du propriétaire. Ceci veut dire que tout au long de l’année, les élèves dont on imagine le rendement en fin d’année, ne peuvent de façon soudaine, produire des miracles. Sans encadrement rigoureux dans les salles de classe aux effectifs pléthoriques, et face aux enseignants démotivés, les enfants notamment des établissements d’enseignement public sont plus que tous les autres exposés à l’échec.

Une donnée qui résulte de l’élaboration de la dualité de notre système scolaire: francophone et anglophone. Originellement, le premier se veut un système d’excellence. S’il est fondé sur le volume de connaissances reçues, il repose sur la capacité de l’apprenant à assimiler les enseignements reçus dans l’optique d’une restitution de qualité.

A l’opposé, le système anglo-saxon repose sur la performance et donc la maîtrise des enseignements reçus. De sorte que l’évaluation n’en soit pas une simple restitution, mais une expression de la compréhension des connaissances acquises. Pas étonnant dans ces conditions qu’au regard des tableaux récapitulatifs des tendances du baccalauréat 2010, que les provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest viennent avant le reste. Car, dans la tradition anglo-saxonne, les échecs sont strictement marginaux.
Chez les latins, en dépit des efforts qui sont faits dans le sens de la limitation des taux d’échec (en France par exemple avec des aménagements spécifiques et une volonté politique clairement affichée), il importe encore de structurer davantage les options. Au Cameroun, de nombreux fondamentaux sont à revoir. Surtout que le baccalauréat n’est pas le seul examen concerné. Au concours d’entrée en sixième par exemple, des sources concordantes au ministère des Enseignements secondaires (Minesec), révèlent que des centres entiers n’ont pu enregistrer le moindre admis. Que dans certains cas, le premier avait une moyenne de 07/20. Que des consignes strictes sont venues du Minesec pour qu’aucun candidat ne soit déclaré échoué.
Des techniques et méthodes qui s’apparentent à la tricherie dont on disait en début de semaine, qu’elle s’enracine et vise à devenir une culture.

Par Léger Ntiga
http://www.quotidienmutations.info
23 juilet 2010

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