Cameroun – Paradoxe : Les amateurs de l’école professionnelle

Les formations offertes dans les universités camerounaises ont du mal à répondre à la demande.

Jean Baptiste Ketchateng
http://www.quotidienmutations.info

Selon une enquête menée en 2004 (Génération 2000, L’emploi et la formation au Cameroun) : " Un tiers des entreprises estime que les aptitudes pratiques des diplômés sont insuffisantes pour l’emploi. " " Cette évaluation pourrait faire penser que la situation n’est pas aussi grave que l’on le clame souvent, mais il n’en est rien ", prétendait un des participants au séminaire organisé la semaine dernière par la Coopération française à travers son projet Comètes et le ministère de l’Enseignement supérieur au sujet des stratégies pour professionnaliser l’enseignement supérieur.

De fait, l’état des lieux des filières professionnelles dans les universités camerounaises indique d’autres opinions bien moins rassurantes. Les filières d’enseignement générales, qui accueillent 80% des étudiants, sont " surreprésentées " selon l’enquête qui met cette statistique en parallèle avec la distribution, et partant la demande, des qualifications sur le marché de l’emploi. Autre constat : " les filières techniques sont plus ou moins minoritaires dans le système de formation, alors qu’elles représentent une part importante des besoins… " Illustration avec les sciences de l’ingénieur qui ne comptent que 5% des effectifs de nos académies, tandis que les jeunes qui en sortent occupent 21% des emplois qualifiés. Et même que, un tiers des entreprises jugent inadaptées " les aptitudes pratiques " des diplômes…

Du point de vue du gouvernement camerounais, il n’y a rien d’inquiétant. François Minyono Nkodo, inspecteur général au ministère de l’Enseignement supérieur, parlant au nom du ministre Jacques Fame Ndongo déclarait ainsi que sauf à faire preuve de " mauvaise foi ", l’on doit admettre que les universités africaines ont correctement assuré leur rôle de production de travailleurs qualifiés pour les emplois nécessaires au moment de l’indépendance. Mieux, estime-t-il, " le concept de professionnalisation a été très tôt intégré " dans les préoccupations locales.
Pourtant, reconnaît-il aujourd’hui, la pléthore de formations générales dans les universités contribue à grossir les rangs des chômeurs au détriment des filières professionnelles qui débouchent plus aisément sur un emploi direct. C’est, note-t-il, l’ambition de la réforme universitaire survenue en 1993et de la loi de 2001sur l’enseignement supérieur.

Chômage
Le problème, c’est que ce projet fait face à la raréfaction des financements et à l’encadrement des étudiants toujours plus nombreux et peu orientés. Comme cette étudiante de l’université de Yaoundé I qui prépare un doctorat en linguistique. " Faute de passer le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure, j’ai continué. On ne m’a jamais donné de conseils d’orientation ", expliquait-elle au cours du séminaire sus-mentionné. " Il aurait été préférable pour elle de se préparer à un diplôme professionnel ", regrette Jean Michel Kasbarian, conseiller culturel de la Coopération française.
En dehors des salons de réflexion, les entreprises et les professionnels jugent qu’il y a mieux à faire. Pierre Alaka Alaka, conseil fiscal, et président de la branche camerounaise de l’Association française des docteurs en droit, quelque 61 métiers pourraient être professionnalisés dans les facultés de droit. " Ça peut permettre de fabriquer des professionnels directement opérationnels ", évalue-t-il.

Au sein du Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam), principal syndicat d’employeurs, un Observatoire des qualifications académiques chargé d’évaluer l’offre de formations professionnelles et de faire des propositions aux écoles a été créé, explique Ousmanou Sadjo, représentant régional (Centre-Sud-Est) du Gicam. Avec l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) de Douala, un partenariat a déjà été établi pour confectionner les programmes selon les attentes des entreprises. A Ngaoundéré, où se trouve l’Ecole nationale des sciences agro-industrielles (Ensai), un Dess en contrôle de la qualité a également été lancé il y a quatre ans avec le concours des entreprises. Ce qui peut être amélioré, estime le directeur de l’Ensai, Carl Moses Mbofung, c’est l’équipement en matériels et la fréquence des stages professionnels.

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