COMORES – L’Université des Comores

L’Université des Comores
Journée d’inauguration Officielle

Source : AL WATWAN N° 817 du 20 février 2004

Ouverture solennelle de l’Université des Comores : un barrage contre l’obscurantisme et l’ignorance

Tôt le matin, une foule immense s’est répandue dans la cour de l’IFERE. Au son du tari et des cymbales, elle s’y est installée. Sur la tribune officielle ont pris place les membres du gouvernement, du cabinet présidentiel, des membres des gouvernements et représentants des autorités des îles autonomes de Ngazidja et de Mwali, et différents responsables de sociétés d’Etat. Non loin de là, se trouvent les membres du corps diplomatique. Leur présence n’est pas simplement protocolaire. Elle a pour but de montrer aux autorités comoriennes le plein engagement de leurs pays. Après un moment d’attente, le chef de l’Etat, le colonel Azali Assoumani, arrive à 9 h 20 sous les acclamations de la foule. La cérémonie a commencé par l’hymne national, chanté par les élèves de l’école application de Moroni. Le coran a été lu par une voix de stentor. Un poème comorien classique a été scandé par une jeune étudiante en histoire, Kamaria Mzé. Lorsque l’administrateur de l’université, M. Damir Ben Ali, prend la parole, on entre dans le cœur de la cérémonie. Après un bref rappel historique sur l’enseignement aux Comores, il livre les données sur l’institution dont il a la charge : 1707 étudiants inscrits dont 43% de filles et 57% de garçons. La mission à laquelle il s’est fixé est d’ " asseoir les bases d’un système éducatif " et de dispenser un " savoir libérateur ". Pour la réussite de cette mission, il a lancé un appel à l’aide financière internationale. Lui a succédé au micro, M. Alhadj Mahamoud M’dahoma, un notable de Tsidjé. Il s’exprimait au nom des Comoriens, en général, et des parents des étudiants pour qui cette université marque ”un grand pas” vers la connaissance. Elle va, dit-il, soulager les nombreuses familles qui n’en peuvent plus payer des études à leurs enfants à l’étranger. Des applaudissements nourris accompagnent la fin de son allocution. Ensuite, c’est au tour de la Secrétaire générale du gouvernement mais également enseignant-chercheur, Mme Moinaécha Cheick Yahaya, d’énoncer, les objectifs de l’enseignement supérieur. D’emblée, elle tient à écarter tout malentendu en affirmant que l’université n’est ” ni un luxe, ni un élément de propagande politique” mais un moyen d’ ”acquisition des savoirs et des compétences”, qui doit mener vers l’ ”épanouissement individuel”. Sur l’estrade dressée en face de la tribune officielle, les étudiants interprètent une scène de l’époque des sultans. A la fin de celle-ci, M. Yahaya Mohamed Ilyassa s’adonne à une savante explication sur le rapport entre coran et savoir. Il souligne que l’évènement de cette matinée n’est pas moins qu’une renaissance pour les Comores. Ses propos flottaient encore dans l’air quand la jeune Faouzia Ibrahim a récité un superbe poème que la postérité attribue à la mère de Mbaé Trambwé. Cette journée était annoncée comme solennelle, elle l’est effectivement d’autant plus que le chef de l’Etat prononce son allocution. Ses premiers mots sont pour dire que c’est une ” journée historique”, car il s’agit de la mise en place d’un ”projet vital pour le développement du pays” mais aussi pour ” le renforcement de l’unité nationale”. Il clame haut et fort qu’il entend dresser ” un barrage contre l’obscurantisme et l’ignorance” en remaniant ”l’éducation de base”. Après son allocution, c’est au pas de charge qu’il visite les locaux de l’université, sans avoir oublié de dévoiler la plaque surplombant l’entrée. " Le chemin est long ne raccourcit pas ", " le raccourcir c’est faire un pas en avant ", lit-on sur cette plaque portant le logo de l’Université des Comores. Mais avant l’allocution du chef de l’Etat, il a été procédé à l’intronisation des doyens des facultés par le Vice-président Caabi El Yachroutui Mohamed.

Allocution du chef de l’Etat à la cérémonie solennelle de l’ouverture de l’Université des Comores : “l’avenir passe par des ressources humaines bien formées”

Honorable Assistance,Il me plaît de vous affirmer, avec beaucoup d’émotion et une profonde satisfaction, que notre pays vit aujourd’hui, une journée historique, des moments d’une grande fierté et d’un réel espoir, des moments d’humilité, de gravité et de responsabilité. Souvenons-nous, qu’il y a sept mois, plus exactement le 26 août 2003, au Palais du Peuple, j’ai présidé l’ouverture des travaux de l’atelier national sur l’enseignement supérieur. Une des recommandations pertinentes ressorties des débats est la création d’une Université et son ouverture, pour la rentrée 2003-2004.Comme l’a si bien indiqué, Madame la Secrétaire Générale du Gouvernement, cette université a bel et bien ouvert ses portes en novembre dernier. Cette cérémonie d’ouverture officielle du Centre universitaire des Comores, n’est pas alors, une manifestation comme les autres. Elle marque une nouvelle étape dans nos efforts permanents, pour asseoir les bases du développement de notre pays. Elle est la manifestation d’un plaisir partagé pour les sacrifices communs que nous consentons ensemble. Elle consacre la réussite d’un projet vital et prioritaire pour le devenir de notre pays. La création de l’université est une conviction, un choix mûrement réfléchi qui s’inscrit très volontiers dans la vision globale que l’équipe qui m’entoure et moi-même, avons pour ce pays.
Mes Chers Compatriotes,
L’Université des Comores n’est pas une réalisation de prestige et encore moins un objet d’orgueil pour qui que ce soit.
Elle est seulement une école et tout le monde doit la considérer comme telle, parce que chacun comprend bien la fonction de l’école, son utilité dans la formation des hommes et dans l’évolution de chaque société. J’ai vu, des années durant, ployer vos épaules, sous les charges exorbitantes, souvent non maîtrisables, de la formation de vos enfants à l’étranger. Je vis, au jour le jour, votre parcours du combattant, les humiliations diverses, devant des chancelleries étrangères, pour un hypothétique visa culturel. Je partage votre chagrin, vos inquiétudes, vos angoisses et vos peurs quotidiennes, devant l’éloignement de vos enfants, de nos enfants, dans des pays lointains. Je me suis alors dit que la création d’une Université, rencontrerait votre approbation et votre engagement. Je suis content de savoir que je ne me suis pas trompé. L’Université doit servir à former nos enfants pour un meilleur avenir. Mais, elle doit surtout leur doter des moyens pour une participation active au développement du pays. L’Université, faut-il le rappeler, est aussi un ascenseur social qui garantit l’égalité des chances et une réelle intégration sociale. Elle dispense à tous, toute catégorie sociale confondue, le même savoir, prédispose aux mêmes opportunités, garantit les mêmes armes pour affronter la vie. Nous ne renonçons aucunement à la liberté pour tout un chacun de choisir son école. Nous ne renions pas et ne renonçons pas à la formation à l’étranger, qui est nécessaire et quelque fois indispensable. Mais, nous disons tout simplement, qu’il était utile et urgent, de créer les conditions véritables d’une future convergence, d’une symbiose véritable et durable, des diverses strates de la pyramide sociale. Veuillez accepter avec moi, que seule l’Université nationale, est capable de s’atteler à cette tâche. Aucune école étrangère, quelles que soient ses qualités, ne peut former à nos spécificités, selon les besoins de notre développement, selon nos réalités. C’est en fait cela, investir dans la jeunesse. C’est la base de la politique de la jeunesse que je ne cesse d’expliquer et de défendre, depuis bientôt cinq ans. Contenir la jeunesse dans une dynamique d’éducation et de formation, créer l’émulation, susciter la curiosité intellectuelle ici chez nous, c’est aussi, la soustraire de la précarité et du désespoir d’une vie estudiantine à l’étranger, si elle est sans repères et sans ressources. Ces conditions de vie extrêmement difficiles, rendent notre jeunesse psychologiquement vulnérable. Elles peuvent l’exposer à l’exploitation de sectes et de réseaux, dont les principes et les codes de vie, sont totalement opposés à la culture de paix et de tolérance, qui a toujours caractérisé notre société.
Mesdames et Messieurs,
L’Université a la responsabilité de former le Comorien de type nouveau, de doter la jeunesse des rudiments de base, inspirés de la tradition, pour mieux appréhender son environnement immédiat et lointain. Une jeunesse qui réagit en patriote dans chaque action et dans chaque réflexe. Une jeunesse susceptible d’inventer des voies nouvelles, capable par son imagination, de raccourcir le chemin, pour réussir le développement. Ainsi, l’on comprend bien, la lourde mission qui incombe à l’encadrement administratif, pédagogique et technique de l’Université. Elle ne consiste pas seulement à restituer des connaissances, à ouvrir au savoir et au savoir-faire, mais elle doit obligatoirement former l’homme, l’ancrer dans son environnement, dans les valeurs fondamentales de la tradition et de la sagesse de notre peuple, pour perpétuer notre identité et nos empreintes. Elle a une obligation de résultats, pour répondre aux sacrifices consentis par notre Peuple. L’Université, sans aucun doute, participe au renforcement de l’Unité nationale, par la déconcentration de ses Facultés dans nos différentes îles et par le brassage des étudiants de différentes catégories sociales, de différentes régions. Les liens qui se forment et se tissent, la parfaite connaissance des uns et des autres, la communion des cœurs et des esprits, facilitent et renforcent des relations futures durables. L’Université, je me dois de le rappeler encore une fois, a l’obligation d’offrir une clé au règlement de l’épineux problème de l’île comorienne de Mayotte, pour qu’enfin, le droit international triomphe sur l’inacceptable injustice, dont est victime, notre pays, depuis son accession à l’indépendance. Tout le monde sait et convient que l’unité d’un pays et son intégrité territoriale sont sacrées partout ailleurs, et il ne peut en aucun cas, être autrement chez nous.
Mes Chers Compatriotes,
Ma vision de l’avenir passe par des ressources humaines bien formées, pour être les architectes du renouveau et de l’espoir. Je crois fermement que le savoir est à la base de tout acte réfléchi, le socle de toute réussite, la boussole de la vie. Il est, absolument, le rempart contre l’obscurantisme et l’ignorance. Je sais, malgré tout, que la création de l’Université a suscité un large débat que j’ai bien suivi. Nous acceptons toujours les critiques. Mais, nous les aurions souhaitées, pour l’intérêt du pays, constructives, crédibles et raisonnables. Evoquer le déficit de moyens peut paraître juste. Mais, en aurait-on un jour suffisamment ?Ne nous y trompons pas, chaque pays développé aujourd’hui, a, à un certain stade de son évolution, convenu de créer des établissements d’enseignement supérieur pour sa nécessité, nonobstant ses moyens. Ces établissements ont accompagné son développement, la création de sa richesse d’aujourd’hui, la pérennité de sa culture, de sa tradition et de son histoire. Il est alors difficile de faire croire que chaque pays a créé son université, son école supérieure, quand il est devenu riche et développé. Dans tous les cas, les Comoriens ont tranché, en acceptant d’abord et je sais que c’était un grand sacrifice, la surtaxe sur le riz. Ils l’intègrent bien, acceptent volontiers sa pertinence et estiment même que sa création a tardé. Toujours est-il que ses 1700 étudiants partagent aussi cet avis. Ainsi donc, le débat est clos. Il n’est plus d’actualité. Mais, le plus dur est à venir. Je vous invite, mes Chers Compatriotes, à persévérer dans votre foi en cette entreprise, à renforcer votre accompagnement et votre appui, parce qu’ils sont encore indispensables. Je demanderais amicalement à ceux de nos partenaires au développement qui le veulent bien, de nous apporter leur généreux concours, sous la forme de leur choix. Ceux qui estiment ne plus le faire, sont dans leur bon droit, et nous ne pouvons que le respecter. Mais, nous nous devons de rappeler à ceux dont les frontières sont devenues hermétiques, pour des raisons qui leur sont propres, que soutenir notre université, serait sans nul doute, un début de réponse à leur souci quotidien et permanent. Je suis heureux de vous informer que notre grand Ami, la République Populaire de Chine, par l’intermédiaire de Son Ambassadeur en Union des Comores, Son Excellence Zhao Chunsheng, a exprimé sa volonté de soutenir notre Université. Qu’elle trouve ici l’expression de notre reconnaissance. D’autres partenaires se sont prononcés aussi et ils se manifesteront bien évidemment, incessamment. Bien sûr, notre attention s’est focalisée, ces derniers temps, sur l’enseignement supérieur. Mais, rassurez-vous, nous sommes aussi mobilisés pour les autres enseignements. Nous sommes convaincus en effet, qu’il ne peut y avoir de résultats tangibles et probants à l’Université, si l’éducation de base n’est pas maîtrisée. Nous avons décidé de combattre l’analphabétisme et l’ignorance. Nous avons souscrit aux Objectifs du Millénaire pour le développement, notamment l’éducation pour tous d’ici 2015. Nous nous efforcerons bien entendu, de les respecter. Je vous rends hommage, mes Chers Compatriotes et je suis très sensible pour la confiance, à chaque fois renouvelée, que vous ne cessez de me témoigner. Elle me renforce et m’inspire, dans tout ce que j’entreprends pour le pays. Elle me conforte à l’idée, qu’ensemble, nous saurons relever les défis qui obstruent le chemin de l’avenir. Ensemble et je vous le confirme, parce que telle est ma conviction, nous raffermirons la souveraineté nationale de notre pays, chaque fois que de besoin. Nous poursuivrons avec méthode et pragmatisme, à poser les jalons d’un futur maîtrisé. Nous nous éloignerons de l’aide extérieure, chaque fois qu’il est possible. Je tiens à préciser que si l’aide s’avérait obligatoire, il nous reviendra de choisir nous-mêmes les projets à financer et de fixer, en commun accord avec le partenaire, les priorités.
Mes Chers Compatriotes,
J’ai décidé que, désormais, notre pays ne servira pas de transit de fonds. L’argent de l’aide au développement doit servir à l’amélioration du quotidien de nos concitoyens et non repartir à reculons pour ne nous laisser qu’illusions et une dette injustifiée. L’Union des Comores est sur la bonne voie. Elle a pris le bon cap. Nous lui avons insufflé l’espoir, le dynamisme et la confiance, grâce à votre compréhension et à vos efforts. Mais, il faut reconnaître que rien n’est encore définitivement gagné, que tout est encore fragile. L’Accord du 20 décembre 2003, est un espoir que nous devons obligatoirement concrétiser. Les acquis de la Gouvernance doivent être renforcés. Je réitère ma détermination pour l’indépendance de la justice, pour la lutte implacable contre toute forme de corruption, pour l’égalité des chances et pour la création des bases du développement qui doivent renforcer l’image internationale du pays, et nous valoir la considération de nos Partenaires. De nouveaux chantiers vont s’ouvrir dans de nombreux domaines socio-économiques. L’électricité rurale, l’adduction d’eau, les ports et aéroports, les routes, la construction d’écoles et d’hôpitaux et bien d’autres projets, pour le développement du pays .Mais, je demande à chacun de préserver le climat de paix qui caractérise notre vie quotidienne. Je vous exhorte à comprendre, que rien de durable ne se construira dans l’insécurité. C’est ainsi que je me réjouis de la détermination de tous, institutions de l’Etat et mécanisme issus de l’accord à aller de l’avant dans le parachèvement de nos institutions. Je saisis cette opportunité pour remercier et féliciter mes frères, les Présidents des Iles autonomes pour leur engagement sans faille, à appliquer l’accord réitéré dans la déclaration du 15 février dernier à laquelle je souscris entièrement. Les échéances politiques à venir, ne doivent aucunement servir de prétexte, pour relancer la surenchère, l’irrationalité, la démagogie et les troubles divers. Les Comoriens doivent choisir leurs représentants librement, dans la dignité et la responsabilité. Les partis politiques et leurs militants, doivent strictement se conformer aux normes établies. Rien, absolument rien, ne doit perturber ces élections des Assemblées des îles et de l’Union, qui sont vitales pour le parachèvement des Institutions, la normalité et le développement de notre pays. Mais, je suis sûr que la sagesse qui vous caractérise prévaudra.
Mes Chers Compatriotes,
Vous êtes souverains dans votre choix. Mais n’oubliez pas que ce choix engage votre destin. Il engage l’avenir de la réconciliation nationale, l’avenir de l’Unité de notre pays. Ce pays magnifique et agréable qui se bat depuis une trentaine d’années pour sortir de l’étouffement et de l’instabilité, a su prouver aux yeux du monde, qu’il peut avoir une voix et un destin. En quatre ans, il s’est montré capable de courage, de crédibilité et de foi en son avenir. Alors, il nous appartient à nous d’abord et puis ensuite à la Communauté internationale, aux pays et organisations partenaires, que je remercie d’ailleurs pour leur mobilisation, d’appuyer nos efforts de développement, de rompre avec les appréhensions et les doutes. Les Comoriens ont compris que nous avons ensemble un seul pays et un seul Etat, quelle que soit son organisation politique. Le choix politique de mars et avril, doit nécessairement consolider cet acquis.Mes Chers Compatriotes, Je ne peux m’empêcher, au terme de cette cérémonie, de joindre ma voix à la vôtre, pour rendre en votre nom, un hommage appuyé et mérité à l’Administration provisoire de l’Université, dirigée par Monsieur Damir Ben Ali, au Comité de Réflexion, d’Action et de Suivi pour la mise en place de l’Université et en particulier, à son Président, Monsieur Othmane Abdou et au Ministère des Affaires Sociales. J’adresse une mention spéciale à la Communauté des enseignants, toutes catégories confondues et à tous les personnels, pour la sagesse et l’ardeur au travail, dont ils font montre, chaque jour. Je suis sûr que la Nation, toute-entière, saura leur être reconnaissante. Je n’oublie pas bien sûr les étudiants qu’il faut féliciter très chaleureusement pour leur volonté de réussir, pour la confiance qu’ils ont en cette nouvelle institution académique. Je mesure le poids de leur attente, mais aussi de leur responsabilité devant tout le pays. La crédibilité de l’université et sa pérennité les engagent. L’espoir de notre peuple en un avenir serein est entre leurs mains. Mes Chers Compatriotes, ce pays est le vôtre. Son destin ne dépend que de vous. Sachez en faire bon usage.
Je vous remercie.
Source : http://www.comores-online.com/mwezinet/

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