Enseignement supérieur – Dossier Cameroun

LA REFORME : UN IMPERATIF

L’accroissement exponentiel des effectifs à l’unique Université Fédérale du Cameroun, conséquence de la demande sociale de formation toujours plus forte, ajouté à un faible rendement interne et externe du système, ont rendu inévitable et urgente la réforme du système universitaire camerounais. Celle-ci a vu le jour grâce au décret n° 93/026 du 19 Janvier 1993. A la faveur de cette réforme, 6 Universités d’Etat ont été créées.

  • L’Université de Yaoundé I
  • L’Université de Yaoundé II
  • L’Université de Douala
  • L’Université de Dschang
  • L’Université de Buea
  • L’Université de Ngaoundéré.

La mise en place de la réforme est intervenue dans un contexte marqué par une crise économique grave dont les effets pervers n’ont épargné aucun secteur de la vie nationale. La réforme devait impérativement prendre en compte cette donnée sociale.

A l’évidence donc, la décongestion de l’unique Université Fédérale du Cameroun de Yaoundé ne justifiait pas à elle seule la réforme et la création de 6 Universités d’Etat. Tout en résolvant le problème de croissance des effectifs, ces Universités nouvellement créées et disséminées dans le pays constituent de pôles importants de développement local, national et international. En outre, les exigences du marché de l’emploi, le problème du chômage et l’auto-emploi des jeunes diplômés, etc… sont autant de paramètres dont il fallait également tenir compte. Des enseignements de masse dispensés dans des amphithéâtres bondés, sous forme de cours magistraux, qui font la part belle à la théorie au détriment de la pratique, ne pouvaient qu’induire un faible rendement interne et externe du système. Conséquence : Chaque année le système universitaire libère environ 1.500 étudiants nantis d’un diplôme de l’enseignement supérieur (Licence, Maîtrise…) qui sur le marché de l’emploi (auront) bien du mal à trouver leur premier emploi en raison de l’inadéquation entre leur formation et les exigences du monde du travail. Aujourd’hui plus de 10.000 diplômés de l’enseignement supérieur, dont des ingénieurs, sont au chômage. Situation bien paradoxale dans un pays en voie de développement, dont l’économie a grandement besoin de cadres formés pour développer son tissu industriel.

Toutes les lacunes et insuffisances du système de l’enseignement supérieur constatées au fil des ans depuis 1962, date de la création de la première Université du Cameroun, appelaient à une réforme du système. Les initiateurs de celle-ci étaient bien conscients des défis à relever. En s’appuyant sur les 4 centres universitaires (Dschang, Buea, Douala, Ngaoundéré) créées en 1977, dont le but était d’offrir une formation spécifique professionnelle et plus adaptée aux réalités de l’environnement, les pouvoirs publics ont mis en place 6 Universités dont la vocation serait davantage tournée vers une plus grande professionnalisation de l’enseignement supérieur.

Il serait intéressant, 10 ans après la mise en place de la réforme d’en dresser un premier bilan afin d’apprécier le chemin parcouru. Un tel bilan requiert une investigation sérieuse. C’est en effet sur le terrain, au cœur même de la réforme, en interrogeant les différents acteurs du système qu’on pourra mieux évaluer la réforme après une décennie d’existence.

L’EMPLOI AU CAMEROUN : ESPOIR OU DESILLUSION D’UNE JEUNESSE ?

L’économie camerounaise n’offre pas assez de débouchés pour les milliers de diplômés qui sortent du système éducatif chaque année. Cette situation crée une démotivation certaine chez beaucoup d’élèves et étudiants qui pendant longtemps ont rêvé de suivre les traces de leurs aînés des années 70 – 80 qui aujourd’hui, occupent de hautes fonctions dans l’administration camerounaise.

En effet pendant les deux premières décennies qui ont suivi les années d’indépendance, les diplômés du système éducatif camerounais étaient tous pratiquement assurés d’avoir un emploi dans l’administration. Certains diplômés avaient même l’embarras de choix entre l’administration et le secteur privé. Malheureusement la crise économique qui a frappé le Cameroun depuis les années 1986 a profondément modifié la configuration du monde du travail, entraînant une réduction drastique des emplois existants, une diminution suicidaire des revenus des fonctionnaires, avec pour corollaire une baisse du niveau de vie général des Camerounais. Les effets induits de cette récession sont tout simplement incalculables. Aujourd’hui la société camerounaise souffre d’innombrables maux dont les ramifications pénètrent tous les secteurs de la vie nationale. Ces maux ont pour nom : corruption, tribalisme, laxisme, clientélisme, immoralité, délinquance, grand banditisme… Le secteur de l’Education n’est pas épargné. Les milieux universitaires qui, il y a quelques années se présentaient comme un modèle sur le plan éthique ont atteint aujourd’hui un degré de perversion et de corruption inimaginable. Et ceux qui réussissent à sortir de ce système nantis d’un diplôme sont réduits soit au chômage soit à exercer un emploi en deçà de leurs attentes. La jeunesse camerounaise fait face aujourd’hui à un grand dilemme : le taux de chômage des jeunes diplômés est une grande source de démotivation en même temps qu’il constitue un puissant stimulant pour des études plus longues et/ou plus pratiques. En d’autres termes, pendant que certains jeunes sont démotivés et préfèrent arrêter leurs études pour s’engager dans le secteur informel, beaucoup d’autres optent pour de longues études (3e cycle universitaire…) ou alors pour des études plus courtes mais plus pratiques du type BTS, DUT. Ils espèrent ainsi multiplier leurs chances d’accès à un emploi sur le marché du travail.

Il reste cependant vrai que l’école ne se limite pas au seul but d’offrir des diplômés en vue d’un emploi. Envoyer les enfants à l’école est une norme sociale. Certes l’éducation a pour but ultime de socialiser l’individu. Et il est plus valorisant de chômer même avec des diplômes en poche que de compter parmi les analphabètes de sa société. Mais cette situation de sous-emploi devrait-elle perdurer indéfiniment ? Autrement dit n’est-il pas légitime que le jeune diplômé aspire à une place au soleil après tous les sacrifices consentis sur les bancs de l’école ?

UN CLASSEMENT QUALITATIF ET ARGUMENTE DES TROIS PREMIERES ECOLES / UNIVERSITES / INSTITUTS DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Pour procéder à un classement des meilleures Institutions de l’Enseignement Supérieur, il faudrait au préalable définir des critères objectifs permettant une telle opération. Au Cameroun il n’existe pas officiellement de tels critères. Aucune enquête systématique n’a été menée, à ma connaissance, pour classer nos Ecoles ou Universités.

Cela dit, tout classement que nous pourrions opérer serait assez subjectif. Il n’en demeure pas moins vrai que certaines Ecoles / Universités / Instituts ont acquis une solide réputation dans l’opinion publique.

  1. Cas des Ecoles
    De manière générale, les Grandes Ecoles camerounaises doivent leur notoriété à la qualité des produits qu’elles mettent à la disposition du marché du travail. Mais ce critère n’est plus suffisant depuis qu’à la faveur de la crise économique, l’Etat s’est désengagé de plusieurs Grandes Ecoles, à l’instar de l’Ecole Polytechnique, l’Ecole Nationale d’Agronomie devenue la Faculté d’Agronomie et de Sciences Agricoles, etc… Il y a quelques années ces Ecoles étaient très sollicitées par les jeunes bacheliers, en raison non seulement du prestige attaché à ces formations mais surtout de l’assurance que l’on avait d’être automatiquement intégré à la Fonction Publique camerounaise dès la sortie. Aujourd’hui donc, le critère qui prévaut dans le choix d’une Ecole de formation, il me semble, est le critère d’accessibilité à un premier emploi. Conséquence : les Ecoles dont les produits, à l’issue de leur formation, sont intégrés comme fonctionnaires sont les plus valorisées au sein de la jeunesse.
    Eu égard à ce qui précède, on peut dire que les secteurs sociaux tels que l’Education, la Santé, la Sécurité… restent les plus grands pourvoyeurs d’emplois actuellement au Cameroun. Sur cette base, je pourrais affirmer que l’Ecole Normale Supérieure, l’Ecole Nationale Supérieure de Police, l’Ecole d’Administration et de Magistrature, la Faculté de Médecine et de Sciences Biomédicales, sont actuellement les Ecoles les plus attractives au Cameroun.
  2. Cas des Universités
    Il est plus difficile de classer les Universités que les Grandes Ecoles. Le système universitaire camerounais est en effet fait de sorte que chaque Université a sa spécificité. Le choix d’une Université est donc beaucoup plus tributaire de la filière que l’on choisit après le baccalauréat. Certes il existe des formations classiques que l’on retrouve dans presque toutes les Universités.
    Cela dit, 10 ans après la réforme du système universitaire qui a donné naissance à 6 Universités d’Etat, quelques-unes parmi celles-ci ont émergé du lot en faisant parler d’elles de manière plutôt positive. Il s’agit de l’Université de Buea et de l’Université de Ngaoundéré. La première est l’unique Université camerounaise où l’Anglais est la seule langue officielle dans laquelle sont dispensés les cours. Les autres Universités sont bilingues (Français – Anglais).
    Je crois que l’Université de Buea doit sa célérité à des faits bien précis tels que :
    • La rigueur dans la sélection des bacheliers qui frappent à sa porte.
    • La notoriété des enseignants et la qualité des enseignements
    • La stabilité de son staff dirigeant (Mme Dorothée Djeuma est Recteur de cette Université depuis sa création en 1993 alors que les autres Universités ont déjà connu plus de 4 à 5 Recteurs).

    L’Université de Ngaoundéré quant à elle doit sa renommée à la qualité des recteurs qu’elle a eu la chance d’avoir depuis quelques années.

    La discipline et l’ordre qui règnent dans cette Université, ajoutés à la qualité des Enseignants ont fait de l’unique Université de la partie septentrionale du Cameroun une référence. Beaucoup d’étudiants d’autres Universités préfèrent y continuer leurs études après la Licence.

    A côté de ces deux Universités d’Etat, je pourrais ajouter l’Université Catholique d’Afrique Centrale qui est un Etablissement Supérieur Privé. Créditée d’un enseignement de qualité, l’UCAC se singularise dans le paysage universitaire camerounais par une scolarité onéreuse en comparaison avec le niveau de vie du camerounais moyen. (750.000 Frs CFA / an). Après 12 ans de fonctionnement, l’UCAC compte aujourd’hui environ 1.500 étudiants.

  3. Cas des Instituts
    Bien que l’Etat soit le plus grand employeur, il n’emploie qu’une infime partie des jeunes en quête d’un emploi. La création depuis une décennie de plusieurs instituts notamment privés est certainement une des solutions les plus pertinentes au problème du chômage endémique des jeunes camerounais.

    Ces instituts offrent des formations courtes, pratiques, plus adaptées à l’environnement socio-économique. Ces formations sont sanctionnées par l’obtention d’un BTS ou d’un D.U.T.

    Parmi les nombreux Instituts que l’on dénombre actuellement au Cameroun, 12 sont autorisés à fonctionner. Parmi ceux-ci, 3 retiennent l’attention de la majorité des jeunes en quête d’une formation post secondaire technique et professionnelle. Ce sont les plus anciens et les mieux organisés. Il s’agit de :

    1. L’Institut Siantou Supérieur (Privé)
    2. L’Institut Samba Supérieur (Privé)
    3. L’Institut Fotso Victor de Bandjoun.

    Ce qui fait la particularité de ces Instituts par rapport aux autres, c’est la qualité des enseignements, la discipline au sein de l’établissement, sans oublier le sérieux des dirigeants. En outre, les fondateurs de ces Instituts n’ont pas lésiné sur les moyens nécessaires à l’équipement des ateliers de formation.

    Ainsi donc, parce qu’ils sont les mieux équipés, les mieux organisés et parce qu’ils offrent par ailleurs une gamme variée de formation, l’Institut Siantou, l’Institut Samba et l’Institut Fotso nous semblent à l’heure actuelle plus aptes à offrir aux jeunes une formation qui facilite l’auto-emploi ou l’insertion dans le monde de l’emploi.

Dschang, 20 novembre 2003.

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