ETUDIER AU TCHAD

Instituts privés de formation supérieure au Tchad
Source : http://www.cefod.org/
Les limites d’une bonne volonté
Des instituts privés de formation supérieure naissent. Signe d’une prise de conscience par les citoyens que l’Etat ne peut tout faire. Cependant, l’enthousiasme cède souvent la place à la déception vu les conditions de travail des étudiants et du personnel enseignant.
Les objectifs assignés aux instituts supérieurs privés de formation professionnelle sont, entre autres, d’assurer une formation de qualité aux jeunes pour leur permettre de mieux se vendre sur le marché de l’emploi ou de créer eux-mêmes leur entreprise. La formation continue figure également en bonne place dans les programmes des instituts privés. Ils offrent une gamme de formation : gestion, informatique, agriculture et élevage. Mais ces instituts n’ont pas d’infrastructures adéquates, de personnel enseignant qualifié, de moyens financiers suffisants, de matériel pédagogique, scientifique et technique.

Manque de locaux et de moyens didactiques

Les établissements privés d’enseignement supérieur sont installés dans des concessions de particuliers ou dans des structures d’emprunts. Les salles de classes sont exiguës et contiennent difficilement les étudiants. L’absence de laboratoires ou de ferme pour des travaux pratiques constitue également un véritable handicap, surtout pour ceux qui font de la formation agricole. Les matières telles que la géologie, la pédologie, la botanique, la zoologie… dispensées dans les écoles de formations agricoles ne sont pas approfondies dans les séances des travaux dirigés. Même si certains instituts organisent des stages de formation, cela ne suffit pas. De telles structures ne répondent toujours pas à un souci d’efficacité dans la formation. «J’avoue que la formation n’est pas complète. Les étudiants auront des difficultés à s’intégrer dans les entreprises qui demandent des personnes spécialisées», reconnaît un enseignant rencontré à Sarh.

L’enseignement technique est onéreux. L’Institut Supérieur de Développement Rural (ISDR), par exemple, a été créé par une dizaine d’amis. «Chacun de nous a apporté 25 000 Fcfa. Cette somme nous a permis de louer un local à 100 000 Fcfa par mois et de fabriquer quelques table-bancs », déclare Hassan Adoum Abanga, agronome de formation, directeur de cet institut. L’ISDR de Moundou a pour objectifs de former les étudiants pour les mettre au service des organismes de développement ou à devenir des entrepreneurs agricoles.

La création d’un institut supérieur doit être conditionnée par les équipements, les ressources humaines et financières. Or, beaucoup décident d’ouvrir un établissement sans réunir des conditions minimales nécessaires. Les fondateurs accordent beaucoup d’importance aux frais d’inscription au détriment des infrastructures et de la qualité de la formation.

Absence d’outil informatique

L’absence ou l’insuffisance de matériels appropriés limite la capacité des instituts privés à assurer leur mission. «Je suis inquiète. L’école n’a pas d’ordinateurs et même pas de machines mécaniques pour des exercices pratiques», se plaint une étudiante de l’Institut Polytechnique et de Gestion (IPG) de Sarh. L’IPG assure la formation initiale et continue, la formation à la recherche, ainsi qu’à la valorisation des résultats de ces recherches, la diffusion de la culture et de l’information scientifique. L’Institut Polytechnique de Gestion tout comme l’Institut Supérieur de Développement Rural de Moundou ne disposent pas de moyens de travail adéquats. C’est également le cas de différents établissements supérieurs privés de la capitale et des autres villes de province. Il arrive parfois que des écoles, dotées d’ordinateurs, ne parviennent pas à les utiliser, soit parce qu’ils sont en panne, soit parce que la STEE ne leur fournit pas d’électricité. Certains instituts n’ont pas assez de ressources financières pour entretenir leur matériel de travail.

Les instituts fonctionnent grâce aux frais de scolarité. Les parents investissent pour soutenir les écoles primaires et secondaires privées, mais ils ne font pas de même pour les établissements privés du supérieur. «Nous ne comprenons pas les parents; ils ne payent pas les frais de scolarité mais ils exigent une formation de qualité pour leur progéniture», s’enflamme Sem Miantoloum Béasnael, coordonnateur de l’Institut Supérieur Evangélique des Techniques Agricoles et d’Economie Rurale (ISETAER) de Moundou. L’ISETAER forme les étudiants au diplôme d’ingénieur des techniques agricoles, option agriculture et élevage. L’accès à l’institut se fait par voie de concours. Le concours est ouvert aux bacheliers des séries scientifiques. Les écoles professionnelles forment des jeunes afin qu’ils contribuent au développement socio-économique du pays. Les instituts ne bénéficient pas de subventions de l’Etat et des bailleurs de fonds.

Entre l’enseignement général et la formation technique

Les enseignants tout comme les étudiants ne disposent pas de manuels de travail nécessaires pour préparer ou actualiser leurs cours ou poursuivre des activités de recherche. «Nous avons une centaine de livres de références en anglais qui sont mis à la disposition de nos étudiants», déclare un responsable d’une école formation agricole de Moundou. Les établissements privés d’enseignement supérieur n’ont pas de bibliothèque. «Nous n’avons pas de manuels pour approfondir nos cours», déclare un étudiant de l’Institut supérieur d’informatique et de gestion (Isig) de Moundou. Les bibliothèques des provinces ne renferment que de manuels destinés aux élèves des lycées et collèges. Les étudiants se contentent donc de leurs cahiers. Les formateurs, comme les étudiants, éprouvent également des difficultés. «Je ne possède pas de manuels adéquats pour préparer les cours, mais je me débrouille avec les moyens de bord», répond un enseignant rencontré dans l’enceinte d’un institut.

La plupart des instituts privés de formation ont fourni de gros efforts pour recruter du personnel enseignant d’un niveau allant de la licence au doctorat. Mais la majorité est composée de vacataires qui n’ont reçu aucune formation pédagogique initiale. Ceux-ci sont payés environ 2000 Fcfa de l’heure. Conséquence, un seul enseignant dispense des cours dans plusieurs instituts. Le désir de se faire de l’argent prend le dessus sur la qualité de la formation dispensée. La qualité du travail, bonne ou mauvaise, ne constitue pas un souci pour ces formateurs.

Certains enseignants sont exposés à la corruption. Ils trafiquent parfois les notes pour arrondir leurs fins de mois. «L’année passée, ma condisciple qui n’a pas participé régulièrement au cours a été reçue à son BTS», déclare une étudiante d’un institut de Moundou. Pire, certains dirigeants des instituts privés ne contrôlent pas la qualité de l’enseignement que dispensent les enseignants.

«Il faut que les Tchadiens aient confiance en nos instituts qui s’implantent. Que les parents, les personnes de bonne volonté et l’Etat nous appuient pour donner une éducation de qualité à nos enfants», déclare un responsable d’un institut de Moundou. Un autre problème demeure : le contrôle par l’Etat du contenu de formation que ces instituts dispensent aux étudiants fait défaut.

Dokalyo Alphonse

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