Faut-il faire un MBA malgré la crise?
Face aux incertitudes de la crise financière, faut-il temporiser avant de tenter de décrocher ce titre prestigieux ? Pas sûr. D’ailleurs, les experts restent optimistes.
A l’heure où la crise financière affecte non seulement les banques, mais conduit les prévisionnistes à revoir les taux de croissance à la baisse dans la plupart des pays, l’ombre de 2001 plane sur la planète MBA (Master of Business Administration). « La situation ressemble à celle que nous avons connue à cette époque. Les cadres profitaient de la crise pour se former. Ils pensaient qu’il valait mieux acquérir de nouvelles compétences pour pouvoir retrouver un job plus intéressant à la sortie », rappelle Christie Saint-John, responsable des admissions à Tuck, une prestigieuse business school américaine, qui, comme nombre de ses concurrentes, note à nouveau une forte croissance des candidatures. En 2001, pourtant, la crise ayant duré plus longtemps que prévu, ces calculs se sont retournés contre bon nombre de diplômés ambitieux qui avaient parié sur un retour rapide de la croissance.
La finance continue de recruter
Tout en restant prudentes – les promotions 2008 sont en train de sortir -, les business schools soulignent toutefois que le ralentissement enregistré aujourd’hui n’a rien à voir avec celui du début des années 2000. Rares sont les entreprises à avoir gelé leurs recrutements.
Selon une étude publiée en septembre par le cabinet de conseil britannique QS qui a sondé les employeurs (lire plus loin), les embauches de diplômés devraient augmenter de 11 % cette année. Les offres d’emploi proposées dans les services financiers devraient pour leur part enregistrer une croissance de 7 % ! « Bien sûr, les banques d’affaires ont moins recruté que les années précédentes, mais toutes ne sont pas touchées de la même manière par la crise : en Asie, par exemple, ou dans des institutions de dimension régionale comme la banque Santander, elles sont toujours à la recherche de candidats », explique Sandra Schwarzer, directrice du service carrière de l’INSEAD. Cet institut a aussi constaté une augmentation des embauches dans le secteur du capital-investissement, qui concerne les activités de prise de participation dans des sociétés non cotées. « Sans parler des entreprises non bancaires intéressées par des candidats connaissant bien les mécanismes financiers, pour renforcer leurs directions financières », ajoute Valérie Gauthier, directrice du programme MBA de HEC.
Des débouchés de plus en plus diversifiés
Autres bonnes nouvelles : les cabinets de conseil, autres gros recruteurs de diplômés, n’ont pas, pour le moment, revu leurs prévisions à la baisse. « En dépit de la crise financière, la plupart de ceux qui avaient pris les étudiants en stage cet été sont en train de leur proposer des postes permanents », souligne Alessandra Panunzio, responsable du service carrière de Bocconi, la business school milanaise.
Par ailleurs, de plus en plus d’entreprises industrielles sont intéressées par les étudiants en MBA : Alcatel, Thales ou encore Schneider Electric viennent, depuis quelques années, arpenter le campus de HEC. « Ces recruteurs recherchent des candidats qui ont l’habitude de travailler dans un contexte international. C’est pourquoi ils se tournent aujourd’hui vers les MBA, où les participants venus du monde entier sont censés les aider à conquérir de nouveaux marchés. C’est également un moyen de diversifier l’origine géographique de leurs salariés », met en avant Marie Baudron, consultante à Paris chez Egon Zehnder, un cabinet de chasseurs de têtes international. Les entreprises d’informatique et de télécoms frappent, elles aussi, toujours à la porte des écoles de management, qui observent la montée en puissance de nouveaux secteurs comme la pharmacie et l’énergie.
Un investissement à long terme
« Surtout, les candidats doivent avoir en tête que faire un MBA est un investissement à long terme. Personne ne peut prédire l’évolution du marché de l’emploi. Il ne faut donc pas se décider en fonction de ce seul critère », insiste Andy Chan, directeur du département carrière du MBA de l’université de Stanford, en Californie. Outre l’acquisition de compétences complémentaires permettant de booster son CV, le passage par ces cursus haut de gamme donne accès à un réseau très utile, comme l’illustre Julie Morton, du service carrière de la business school de l’université de Chicago : « A l’instant même où l’on apprenait la faillite de Lehman Brothers, on recevait des coups de fil d’entreprises prêtes à embaucher les cadres licenciés ! »
Pour limiter encore plus les risques, les candidats peuvent en outre choisir des programmes à temps partiel. « Ils leur permettent de poursuivre leur activité professionnelle et de différer de deux ans le moment où ils pourront mettre en oeuvre leurs nouvelles compétences », explique Valérie Gauthier, de HEC. De quoi rassurer les plus inquiets.
Les diplômés de MBA européens obtiennent les meilleurs salaires
Selon le dernier classement effectué par QS, un cabinet de conseil, et publié au printemps dernier, les MBA européens permettraient à leurs titulaires d’obtenir de meilleurs salaires que les MBA américains.
Pour les cursus situés en Europe continentale, les rémunérations moyennes à la sortie, telles qu’elles sont déclarées par les écoles de management, s’élèvent à 75 049 E, contre 72 961 E en Grande-Bretagne et 69 948 E aux Etats-Unis. La palme revient à l’IMD de Lausanne (88 271 E), suivi par Oxford et la London Business School.
Sur les dix premiers du classement, seuls deux établissements américains tirent leur épingle du jeu : Stanford s’arroge la quatrième place quand Harvard décroche la dixième, derrière l’INSEAD, mais plus étonnant encore, derrière l’Edhec. De quoi réfléchir à deux fois avant de décider de suivre un cursus américain, préparé en moyenne en deux ans contre un an sur l’Ancien Continent… La moyenne d’âge des participants explique ces résultats à la marge : ils ont six ans d’expérience en Europe continentale (et même sept ans outre-Manche), contre cinq ans dans les cursus américains.
Source:
Par Estival Laurence, publié le 03/11/2008 15:45
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