France – Sarkozy passe mal au Tchad

Sarkozy passe mal au Tchad
THOMAS HOFNUNG
Source: http://www.liberation.fr/
7 novembre 2007

La méthode Sarkozy, mélange de volontarisme et de culot, a ses limites. D moins au Tchad. Interrogé hier sur le sort judiciaire réservé aux six membre français de l’Arche de Zoé, accusés de trafic d’enfants et incarcérés N’Djamena, le Président a répondu : «J’irai chercher ceux qui restent, quo qu’ils aient fai […].Le rôle du président est de prendre en charge tous les Français.» La semaine dernière, le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, l’avait appelé à faire jouer l’accord de coopération judiciaire signé en 1976 entre Paris et son ancienne colonie afin d’obtenir le jugement en France de l’équipe d’Eric Breteau.

Colonialisme. Cette détermination affichée par le chef de l’Etat a eu le don d’exaspérer les autorités de N’Djamena, déjà chauffées à blanc par une affaire perçue au Tchad comme un relent de colonialisme. Hier soir, le président Idriss Déby a déclaré que la justice se ferait «au Tchad», ajoutant qu’il n’était «pas question pour le moment» d’extrader les six Français de l’association incarcérés. Trois stewards espagnols et le pilote belge qui devait ramener en France les 103 enfants africains sont également inculpés et écroués au Tchad pour enlèvement et escroquerie.

Le matin même, dans Le Parisien, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique tchadien, Ahmat Mahamat Bachi, avait eu des mots très durs : «Les faits ont été commis au Tchad. C’est pourquoi ces bandits doivent être jugés et condamnés ici. Ils doivent aussi purger leur peine dans le pays : qu’ils goûtent à nos prisons ! Et une fois qu’ils auront purgé leur peine, nous les expulserons du pays une bonne fois pour toutes.» Selon lui, un procès en France serait «une insulte pour le peuple tchadien».

Les déclarations de Nicolas Sarkozy pourraient paradoxalement retarder un éventuel transfert de la procédure judiciaire en France. Le voyage express du Président au Tchad avait déjà passablement échauffé les esprits sur place. «On a assisté à du droit d’ingérence à l’envers, note une source proche du dossier. Paris a demandé l’inverse de ce que recommande tous les jours aux Tchadiens l’Union européenne : le respect de l’Etat de droit.» Et d’ajouter : «Sarkozy a utilisé de mauvaises méthodes pour des bonnes raisons: obtenir la libération des trois journalistes français et des hôtesses de l’air espagnoles.»

Professeur de vertu. Avant son élection, Sarkozy avait promis la rupture dans les relations souvent incestueuses entre la France et ses anciennes colonies. Mais l’Afrique ne lui réussit pas. En juillet, son discours à Dakar sur «l’homme africain» était déjà très mal passé. Le voyage éclair de dimanche a choqué une opinion qui reproche à Paris de jouer les professeurs de vertu, tout en soutenant le régime d’Idriss Déby, honni par beaucoup. Du Niger à la Côte d’Ivoire, en passant par le Tchad, la dénonciation du prétendu «néo-colonialisme» français fait de plus en plus recette.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *