Le président français en visite dans l’Amérique riche et blanche

Le président français en visite dans l’Amérique riche et blanche

Wolfeboro, sas d’entrée de Nicolas Sarkozy chez les Bush

Nicolas Sarkozy est devenu une célébrité à Wolfeboro : il a troublé les eaux calmes du lac Winnipesaukee en prenant à partie, il y a près d’une semaine, deux photographes américains d’agences de presse qui jouaient les paparazzi. Dans cette villégiature chic de la Nouvelle-Angleterre, on n’est pas habitué à ces écarts.

Mais, invité du président Bush samedi 11 août, à midi, le président Sarkozy est déjà pardonné : dans cette Amérique blanche, riche et conservatrice, il est d’abord perçu comme un ami. "Je suis venu chercher l’Amérique profonde, les forêts, les lacs, la tranquillité. J’ai trouvé les forêts et les lacs. La tranquillité, on a veillé à ce que je ne puisse pas en bénéficier", avait regretté M. Sarkozy, face à la presse. Message reçu : les bateaux qui promènent les touristes autour du lac prennent désormais soin de passer au large de la somptueuse maison d’un ancien dirigeant de Microsoft, louée par "des amis" du couple présidentiel, et qui n’est qu’une des luxueuses maisons du lac parmi d’autres. Outre la ministre de la justice, Rachida Dati, on cite la présence d’Henri Proglio, PDG de Veolia, et de plusieurs amies de Cécilia Sarkozy, telles Mathilde Agostinelli, responsable de la communication chez Prada, et Agnès Augis Cromback, présidente de Tiffany France.

Finalement, il n’y a que les envoyés spéciaux des médias américains et français pour s’étonner du choix du président français. "Wolfeboro ? Mais ce n’est même pas à la mode", s’exclame Clare Duffy, productrice à NBC News. Qu’importe ! Ici, les habitants n’aiment pas NBC : "Trop à gauche !", décrète Cyndy, qui tient un Bed & Breakfast et préfère Fox News. Le loyer payé par les "amis" de Nicolas Sarkozy ne fait sursauter personne.

"Quand on achète un terrain plusieurs millions de dollars, qu’on fait construire dessus une maison de plusieurs millions de dollars, et qu’on fait payer 30 000 dollars de location par semaine, ça s’appelle un business !", énonce Sandy, qui habite la région depuis quarante-deux ans. Riche, l’Amérique de Wolfeboro n’est pas snob. Lieu de villégiature de la bourgeoisie bostonienne depuis deux cents ans, elle se veut éternelle, discrète mais accueillante.

D’une rive à l’autre du lac de plus de quinze kilomètres de longueur, c’est une Amérique de carte postale, avec ses collines en pente douce et ses maisons de bois au toit vert. Dans cet univers charmant, lisse et policé, il semble manquer quelque chose. Marchés bio, artisanat, antiquités : mais pas de McDonald’s, ni de grandes enseignes de chaînes de vêtements. Des parents avec jeunes enfants, des retraités venus chercher la fraîcheur estivale : mais pas d’adolescents, ni de jeunes actifs, aucun Noir ni Latino.

Dans cette Amérique qu’il juge "profonde", M. Sarkozy court, pêche à la ligne et fait du bateau. Pour les habitants de Wolfeboro, il fait partie du paysage. Au point que son escapade de vendredi à Paris, pour assister aux obsèques du cardinal Lustiger, devrait passer inaperçue. Et quand il se rendra, samedi, à la résidence de la famille Bush à Kennebunkport, à 80 kilomètres, c’est en voisin qu’il sera reçu.

Christophe Jakubyszyn
10/8/2007
Source:http://www.lemonde.fr

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