Les Sénégalais en France

ADAMA SARR, Consul général du Sénégal à Paris : «Nous avons 18 agents pour gérer 70.000 personnes»
Le Soleil – http://www.lesoleil.sn

M. Adama Sarr est le Consul général du Sénégal à Paris depuis novembre 2002. Magistrat de formation, ancien ambassadeur à Taipeh (Chine), il s’est confié à notre reporter. Entretien.

Monsieur le Consul Général du Sénégal à Paris, nos compatriotes déplorent très souvent, le retard pour la confection des passeports. Qu’en est-il exactement ?
« Il faut dire qu’ils ont raison à propos de la durée de délivrance du passeport. Le passeport n’est pas simplement un titre de voyage, mais il est important, pour obtenir le titre de séjour en France. Par exemple, pour un étudiant, le visa de séjour est apposé sur le passeport. Les difficultés que nous avons maintenant pour la délivrance du passeport se situent à un autre niveau. Avant, la direction de la Police des Etrangers et des Titres de Voyages du ministère de l’Intérieur nous envoyait un lot de passeports et le document était établi dans nos locaux. Maintenant, le Sénégal ayant signé des conventions dans le cadre des accords de la CEDEAO, le passeport est exclusivement réalisé à partir de Dakar. C’est un nouveau document sécurisé, avec un système informatique très performant. D’ailleurs en France, ce nouveau passeport donne beaucoup plus de garantie au niveau des contrôles de police. Aujourd’hui, notre rôle se limite à la collecte des demandes d’établissement de passeport et ensuite nous les envoyons à Dakar par lots, avec un bordereau. Une fois le colis envoyé à Dakar, nous ne maîtrisons plus le circuit. Ce qui est normal et recommandé, c’est de passer par le courrier diplomatique du ministère des Affaires Etrangères. Pour écourter les délais, j’ai pris la responsabilité d’envoyer le courrier à la direction des Passeports du ministère de l’Intérieur par DHL. Après confection des documents, c’est le même circuit qui est emprunté pour le retour au Consulat. Donc, je dois dire à nos compatriotes que le problème du délai n’est pas de nos services. Je vous donne un exemple. Au moment de votre passage, je venais juste de recevoir un fax du directeur de la Police des Etrangers qui rejetait 55 demandes après vérifications par ses services. Il faut dire que ce que nous perdons au niveau du délai, nous le récupérons au niveau de la fiabilité et de la sécurisation du document de voyage. C’est une chose très importante pour nos interlocuteurs français qui ont beaucoup de respect pour le nouveau passeport sénégalais. Dès qu’il est présenté à la préfecture, il est pris avec beaucoup de considération. Ce que nous devons faire, c’est d’imaginer une solution pour écourter les délais. Donc, il faut nécessairement un accroissement des moyens. Des charges se sont greffées au budget par le paiement de 450 euros à chaque envoi par envoi express. Une modification qui n’est pas accompagnée par des mesures budgétaires.

Peut-on savoir le nombre de sénégalais sur le territoire français ? A l’heure actuelle, nous avons immatriculé 35 000 sénégalais, mais ce chiffre peut être doublé. D’autres sources avancent qu’il y a 120 000 sénégalais en France. Il faut tenir compte des nomades, c’est-à-dire les Sénégalais qui font des va et vient entre Paris et les autres pays européens, les bi-nationaux et, surtout, ceux qui ne sollicitent pas les services du Consulat.

Justement, à propos du Consulat à Paris, beaucoup de nos compatriotes ne sentent pas la présence de vos services. Qu’en est-il exactement ?
Beaucoup de nos compatriotes demandent la même qualité de service qu’au Sénégal. Ce qui est presque impossible. Nous n’avons pas les mêmes moyens humains et financiers. Actuellement, nous avons 18 agents pour la gestion de 70 000 personnes. Ce qu’il faut retenir, c’est que nous fonctionnons au maximum. Depuis mon arrivée, en novembre 2002, je ne cesse d’aller vers eux, en province ou ici même à Paris. Nous discutons avec eux des problèmes de passeport, de la retraite, des diplômes de leurs enfants nés en France, des tracasseries douanières à leur retour au pays, etc. Au cours de ces déplacements, je privilégie les foyers en provinces parce que le Consulat leur est moins accessible avec les longues distances. Nous convoquons les associations sénégalaises au Consulat pour discuter ensemble des grands problèmes qui les intéressent, mais ils reviennent toujours sur les passeports et les tracasseries douanières. Il y a également un autre problème qui intéresse nos compatriotes ; c’est la confection de la carte nationale d’identité (CNI) sénégalaise pour leurs enfants nés en France. Vous savez, le Consulat fait aussi office de centre d’Etat-Civil et des enfants ont été déclarés ici à leur naissance. Bénéficiant de la nationalité sénégalaise, ils ont le droit d’avoir une CNI. Malgré ce droit, à 18 ans, on leur demande d’aller jusqu’au Sénégal pour déposer un dossier. C’est un problème récurrent qu’ils nous posent tous les jours. Nous pensons que le ministère de l’Intérieur pourrait bien organiser des missions comme c’est le cas lors des audiences foraines ou nous envoyer un agent qui pourrait être logé dans nos locaux.

Que faites-vous au plan social lorsqu’il y a des décès dans les familles ?
D’entrée, je dois préciser qu’il n’y a pas un budget social pour soutenir les sans emplois, les étudiants en difficulté, les personnes décédées sur le territoire français. Il m’arrive souvent, lors des levées du corps, d’y aller de ma poche pour présenter les condoléances de l’Etat du Sénégal. Parfois, des étudiants viennent me poser des problèmes, mais il n’est pas toujours facile de trouver des solutions.

Justement, à propos des étudiants, quelle est votre implication dans la gestion des bourses ?
Le service de gestion des bourses des étudiants Sénégalais en France est autonome par rapport au Consulat. Nous leur avons cédé des locaux, au rez-de-chaussée de l’immeuble. Ce service du ministère de l’Education nationale dépend hiérarchiquement de l’ambassade. C’est une administration à part.

Quel est votre message à l’endroit de nos compatriotes ?
Je leur demande de ne pas attendre que nous venions vers eux. Cette maison est celle du Sénégal et elle leur appartient. Ici, nous avons une mission républicaine et nous sommes à l’écoute de tous les Sénégalais sans aucune appartenance politique, ethnique ou religieuse. Ils sont libres de nous présenter des doléances et quand nous ne pouvons pas les régler, nous les transmettons aux plus hautes autorités du pays.

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