NIGER – Jeunes et emploi au Niger : le désespoir au quotidie

Jeunes et emploi au Niger : le désespoir au quotidien
mardi 4 mai 2004 par Saïdou Djibril(AEM) Niamey-Niger

Le Niger est situé à la charnière entre l’Afrique noire et le Maghreb ,avec une superficie de 1.267.000 km2 pour une population de près de 10 millions d’habitants. La composante jeune est très majoritaire avec plus de 50% de moins de 15 ans. Dans ce pays, à taux de scolarisation brut de 34 % , le calvaire des sans emploi et chômeurs ne fait que s’accentuer. Pire, des milliers de jeunes scolarisés, très peu accèdent aux études supérieures. L’infime partie qui réussit à décrocher un parchemin universitaire est plutôt vouée à la foule des diplômés sans emploi qu’au monde du travail.

Depuis plus d’une décennie, la situation des jeunes diplômés nigériens n’est guère reluisante. En témoignent la forte limitation de l’effectif et le non-recrutement de nouveaux agents dans la fonction publique. Les débouchées de l’emploi s’étant progressivement rétractées, plus de 2000 jeunes diplômés nigériens, sortis des universités et des grands instituts attendent désespérément un hypothétique embauchage. Et la totalité de la demande d’emploi ne peut être ingurgitée, surtout celle qui concerne les emplois qualifiés. L’offre d’emploi est insuffisante. Classé parmi les pays les plus pauvres de la planète, le Niger n’échappe pas à la vague de bouleversements qui secoue actuellement le monde. Et en même temps que l’on pense trouver des solutions à des problèmes anciens, de nouveaux défis surgissent. En fait depuis quelques années, ce pays vit d’importantes variations surtout sur le plan politique : rupture avec les régimes d’exception, multipartisme politique et tenue d’élections« démocratiques, libres et transparentes ». Autant d’évènements qui se présentent, dans bien des cas, comme les premières escales d’un processus complexe de transition vers des sociétés démocratiques. Seulement à ce long processus vers la démocratie s’ajoute, une détérioration des conditions de vie de la majorité de la population.

Des obstacles tous azimuts…

Les programmes d’ajustement structurel imposés par les institutions financières internationales, la libéralisation du marché, et le remboursement des dettes extérieures renchérissent l’exclusion des personnes les plus pauvres. Et lorsqu’on voyage souvent en Afrique, on est frappé par la ressemblance des obstacles qui défient la jeunesse. Partout, les mêmes « corvées » sont proposées et les réponses apportées se meuvent généralement autour d’une même source, à savoir les programmes dictés par les bailleurs de fond, notamment le FMI et la Banque mondiale. Selon les prévisions, l’Afrique de l’an 2008 comptera trois cent millions de chômeurs pour un milliard d’habitants. La diminution du chômage en Afrique imposerait, autrement la création de quelque 30 millions d’emplois par an.

Une réinsertion dilatoire ?

En réalité, au Niger, la création d’un ministère de l’insertion des jeunes, sensé constituer d’expédient face au supplice éprouvé par les jeunes chômeurs, n’a jusque-là rien apporté de nouveau. Même si, dans une interview accordée à un confrère M. Issa Bawa, directeur des études et de la programmation dudit ministère soutient que : « l’Etat a financé des programmes à travers le budget d’investissement de l’Etat. 134 projets concernant 854 jeunes pour un montant de 110.751.000 frs CFA. ». Et il continue en précisant que « l’Agence nigérienne pour la promotion de l’emploi a embauché 83 diplômés de niveau moyen et supérieur sur un total de 379 postulants ». Ce qui du coup est manifestement dérisoire et ridicule au regard du nombre poussant de diplômés en quête de travail. Ce ministère devrait permettre une meilleure prise en compte des maux qu’endurent les jeunes nigériens. Mais loin s’en faut !Selon M. Bawa « les grandes lignes de leur politique s’articulent autour de la définition de la mise en œuvre de stratégies et de suivi de la politique d’insertion professionnelle des jeunes. ». Cette politique se traduit par l’élaboration des programmes dont le financement sera cherché auprès des partenaires nationaux et extérieurs. Mais… les jeunes continuent d ‘attendre. Le chômage s’étend, en particulier celui des jeunes diplômés et des jeunes gens exclus du système éducatif sans diplôme. Les recrutements administratifs freinent, et le chômage des jeunes diplômés commence à poser problème. Quoi qu’il en soit une génération orpheline de tout espoir d’un emploi stable devient une charge pour la société. D’ailleurs dès la création de ce ministère, d’aucuns avaient parlé de simple partage du gâteau par les dirigeants actuels. Nous ne pensons pas que cela fut, mais de toute évidence cette mauvaise situation d’emploi au début de la carrière d’un jeune peut compromettre ses perspectives professionnelles pour la vie. Les fonds investis par l ‘Etat dans l’enseignement et la formation n’auront servi à rien , si les jeunes ne trouvent pas des emplois productifs leur permettant de générer des devises et partant de soutenir les services publics.

Entre lassitude et délinquance…

« Je m’appelle Illiassou, et je suis un apprenti soudeur. J’ai abandonné l’école à l’âge de 9 ans en classe de CE1. Depuis un an, je suis en quête d’un travail, mon ancien patron m’ayant renvoyé. ». Attendrissant, ce jeune de 21 ans est, depuis des lustres, à la recherche d’un incertain emploi. Tous les matins, dès 6 heures, il se rend à l’Agence nigérienne pour la promotion de l’emploi(ANPE). Là, il espère, comme beaucoup d’autres jeunes, trouver un antidote contre le calvaire qu’il vit des mois durant. Seulement, son espoir de trouver un remède à sa vie de sans job, s’étiole du jour au lendemain. Des rares offres d’emploi parvenues au service de l’ANPE, aucune ne fait cas du profil dont il répond. D’ailleurs quel espoir peut-il nourrir, lui qui n’a aucune ‘’qualification’’, aucune « expérience…même d’au moins cinq ans ».

La situation des jeunes déscolarisés et de ceux qui n’ont guère fréquenté l’école est très critique. Aucune initiative concrète n’est entreprise en vue de trouver un début de solution aux maux qui les frappent. Le fameux programme de réinsertion professionnelle des jeunes les élimine remarquablement. ‘’Alors dans une telle situation comment peut-on dire à un jeune qui n’a jamais été à l’école d’élaborer un programme d’entreprise qu’il soumettra à des ‘’partenaires’’ ?’’ s’indigne Illo. Vendeur de thé, Illo est titulaire d’un bac. Il aurait pu continuer ses études. Mais les soubresauts qui brident l’école nigérienne lui ont ôté tout espoir de poursuite. Tout de même Illo, âgé de 27 ans, ne manque pas d’ idées : « j’ai rapproché le ministère de l’insertion pour parler de mon projet, qui consiste à créer une sorte de micro entreprise…Mais les manœuvres dilatoires qu’on m’a fait subir dans ce ministère font que je ne croie plus à ses arguments d’intégration professionnelle des jeunes » affirme-t-il sur un ton râleur. On le voit bien, cette catégorie de jeunes se trouve en marge de toute politique d’intégration professionnelle. Aujourd’hui, ils sont des milliers en quête de travail, n’importe lequel. Certains d’entre eux tombent malheureusement dans la criminalité urbaine. Ils deviennent ainsi de grands bandits ambiants.

Et la délinquance fut…

Le chômage des jeunes se traduisant parfois par une montée du crime l’abus des drogues ne peut que suivre.C’est le cas de Doullé, un jeune de 17 ans, qui, depuis trois ans, vadrouille autour de l’Ecogar. « Lorsque je suis venu à Niamey, je n’avais que 8 ans et je vendais des galettes pour une dame qui me paie 2500francs le mois. J’ai aussi été à l’école jusqu’au CP. Ensuite j’ai abandonné les bancs avec la complicité d’un oncle qui m’a amené en ville. Aujourd’hui je ne travaille pas. Mais je mène une vie de portefaix à la gare. J’ai vainement cherché mieux que ça. Et c’est pourquoi, pour atténuer ma galère j’inhale ma dose de colle. Le matin, très tôt, et au crépuscule pour me rasséréner je fume mon joint…ça me ragaillardit. Ce n’est pas de ma faute » confesse-t-il sous un rire narquois. Doullé regrette beaucoup sa situation de délinquant : « Il nous arrive de passer deux à quatre jours dans les cellules du commissariat de police. Quelquefois sans avoir commis un délit… J’aurais pu continuer mes études, même si ceux qui ont été à l’école…chôment eux aussi ».

L’absence de création d’emplois et le chômage persistant constituent des problèmes cruciaux. En conséquence de la croissance de la pauvreté, l’insécurité augmente dans les communautés rurales et dans les villes. En somme cette situation offre peu d’avenir aux individus, en particulier aux plus jeunes.
Source : http://www.afriquechos.ch

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