Pas de vacances à Berlin pour la femme d’un député guinéen

Pas de vacances à Berlin pour la femme d’un député guinéen
Par Patricia TOURANCHEAU
QUOTIDIEN : mardi 26 décembre 2006
Source: www.liberation.fr

Dans son pays, en Guinée, Fatoumata Sissoko, 22 ans, épouse d’un député travaille comme couturière. Sa soeur habite en Espagne, son frère e Allemagne. Elle a décidé d’aller passer deux semaines chez celui-ci à Berli et s’est offert un billet d’avion à 800 dollars, soit l’équivalent de deux moi et demi de salaire. Elle a économisé 1 000 euros sur l’argent du ménage pou les frais du séjour. Le 22 novembre, la jeune Africaine s’envole de Conakr sur une ligne d’Air France, atterrit à l’aéroport Charles-de-Gaulle à 6 h 30, e doit reprendre un vol pour Berlin à 7 h 15. Mais son escale de quarante-cin minutes prévue à Paris a duré douze jours, «enfermée en zone d’attente» à cause d’un gardien de la paix obtus et suspicieux. Pourtant, selon l’avocat Bernard Solitude, Fatoumata Sissoko avait «tous ses papiers en règle» : un passeport valable, un visa Schengen daté du 11 novembre, une assurance annulation et rapatriement, un billet retour et une réservation d’hôtel à Berlin.

«Malentendu». Le hic, c’est qu’elle tombe à Roissy sur un fonctionnaire de la police aux frontières (PAF) qui manque de discernement. Il lui demande l’objet de son voyage en Allemagne. Elle ne s’exprime pas très bien en français et répond simplement : «Visite.» Il comprend «visite médicale» et exige des documents d’hôpitaux ou de médecins… Elle n’en a pas. Il trouve ça louche. «Tout part sur un malentendu avec ce gardien aux petits pieds qui a une appréciation subjective de son dossier», explique Me Solitude. Après un examen prétendument «approfondi» de la situation de la Guinéenne, le policier, noir de peau comme elle, la colle en zone d’attente. Il écrit dans la procédure qu’elle «lit, parle et comprend le français», ce qui est faux. Il justifie sa décision en affirmant qu’elle ne dispose pas d’ «une attestation d’accueil en Allemagne, ni de réservation d’hôtel, et ne connaît pas la date de son retour», qu’elle ne justifie donc pas son séjour à Berlin. Aux yeux du défenseur de la voyageuse africaine, ces allégations s’apparentent à du «foutage de gueule» : «Dans la pochette qui contenait tous les documents de Fatoumata, il y avait deux feuilles jaunes bien visibles qui témoignaient de la réservation de son hôtel à Alexanderplatz, sans compter son billet retour Berlin-Conakry, et 1 000 euros en espèces pour son séjour. Ces pièces n’ont pas pu échapper au policier, qui ose prétendre avoir fait un examen approfondi de sa situation et l’a décrétée irrégulière.»

Fatoumata se retrouve en rétention dans un immeuble de Roissy (Zappi 3) avec les étrangers clandestins et se voit proposer «à quatre reprises» de réembarquer pour son pays natal. Elle comparaît une première fois devant le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) en pleine grève des avocats, sans interprète. Audience annulée, rétention prolongée de quatre jours de plus. Et ainsi, plusieurs fois.

Désemparée, la femme du député finit par contacter le consulat général de Guinée à Paris qui met l’avocat à sa disposition : «Je reçois un coup de fil. Je vais la voir. Elle se morfond depuis dix jours sans comprendre ce qui se passe. La première chose qu’elle me montre, ce sont tous ses papiers rangés dans sa pochette, avec les feuilles jaunes de réservation d’hôtel.» Me Solitude a plaidé la bonne cause de Fatoumata Sissoko devant le TGI de Bobigny : «C’était la cour des miracles, avec beaucoup de Palestiniens, d’Irakiens, d’Asiatiques sans papiers ce jour-là. Ma petite cliente guinéenne était perdue.»

Plainte. L’avocat a obtenu la libération de la couturière africaine : «J’ai soulevé le délit de faciès de la part de ce flic apparemment black qui a pris la petite négresse arrivant en Europe pour une clandestine, sans même se pencher attentivement sur ses documents. C’est du racisme et de la bêtise humaine. C’est scandaleux. Une Australienne ou n’importe quelle voyageuse blanche n’aurait certainement pas passé douze jours en zone d’attente !» L’avocat estime que «l’administration française a commis une faute caractérisée», a outrepassé ses droits en retenant ainsi une voyageuse en règle. Il compte déposer plainte, les premiers jours de janvier, contre l’Etat pour «faute lourde».

Relâchée le 3 décembre, Fatoumata Sissoko n’avait plus le temps de rejoindre son frère en Allemagne, son visa Schengen étant en voie d’expiration et son billet d’avion plus valable. Ecoeurée par le sort qui lui a été réservé en France, la Guinéenne a aussitôt déguerpi de l’Hexagone, destination l’Espagne pour aller voir sa soeur, avant de regagner son pays, «après deux semaines d’enfermement injuste à Paris, au lieu de deux semaines de vacances à Berlin».

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