RD Congo – Kananga : les écoliers détournés des cours par les cinés vidéo

RD Congo – Kananga : les écoliers détournés des cours par les cinés vidéo

par Pascal Kankonde

(Syfia Grands Lacs/RD Congo) Depuis près d’un an, les habitants de Kananga ont trouvé un nouveau divertissement grâce aux cinés vidéo qui prolifèrent dans la ville. Mais la multiplication de ces clubs de projection incite les écoliers à faire l’école buissonnière pour s’offrir une séance de ciné.
Trois séances par jour, matin, midi et soir : les cinés vidéo font le bonheur des habitants de Kananga, dans le Kasaï occidental. A 50 Fc (moins de 0,10 $) la séance pour les enfants, 100 Fc pour les adultes, les organisateurs et propriétaires de ces cinés vidéo se frottent les mains. Pour les films à caractère pornographique ou les rencontres sportives internationales, les prix montent jusqu’à 200 Fc. L’affaire est rentable : les salles ne désemplissent pas.
Un des facteurs favorisant cette activité est l’irrégularité de fourniture du courant, qui empêche la diffusion normale des programmes des chaînes de télévision locales et fait le bonheur de particuliers disposant d’une antenne satellite et d’un groupe électrogène. C’est le cas de Célestin Kabasele, propriétaire de Wambao Cinéma : "Je n’ai pas d’autre source de revenus que cette maison de projection. J’ai acheté cette antenne parabolique à 400 $ et l’installation m’a coûté 50 $. Maintenant, cela fait trois ans que je vis grâce à ce job. Je gagne plus ou moins 15 000 Fc (21 $) par jour." A la place d’antennes paraboliques, d’autres comme Justin Muamba du ciné vidéo Oza Na Mbanda, diffusent des films sur support DVD ou cassettes vidéo. "J’ai un frère à Kinshasa. Chaque fois qu’un nouvel album de musique congolaise sort, il l’achète et me l’envoie. Je place une annonce dans les médias et la salle est toujours pleine. Pour une bonne journée de travail, je gagne 10 000 Fc et la salle est ouverte tous les jours, pour maintenir la clientèle."

Détournement de mineurs
Les meilleurs clients sont les enfants, friands de vidéoclips des derniers tubes de la variété congolaise – pour apprendre les danses à la mode –, des séquences de sport ou encore des films d’action et des karishika, films nigérians. Ces jeunes ne manquent pas d’idées pour s’offrir une entrée au ciné vidéo, comme en témoigne un gamin de 8 ans, client régulier du ciné vidéo de Kamayi : "Chaque fois que je reçois 50 Fc pour manger à l’école, je vais au ciné vidéo voir un film. Quand je n’ai pas d’argent, je trouve toujours une astuce pour en soutirer à ma mère. Je vais au ciné deux fois par jour."
Comme lui, les écoliers de 9 à 16 ans sont nombreux à se débrouiller pour fréquenter assidûment les salles, où ils passent plus de trois heures par jour. Cette situation est d’autant plus alarmante qu’on constate une baisse du niveau scolaire dans les écoles de Kananga. Le gouverneur de la Province du Kasaï occidental s’en est d’ailleurs plaint récemment, lors d’une rencontre avec la Commission provinciale de l’Éducation.

Protéger les enfants
Pour l’instant, aucune réglementation ne régit le fonctionnement des cinés vidéo et il n’ y a aucun contrôle ni censure sur les films diffusés dans ces salles. Selon Théodore Ngalamulume, coordonnateur provincial de l’Ong de défense de droits des enfants Jeunesse anti-maladies ***uellement transmissibles, il faut énergiquement condamner la projection de films pornographiques qui conduisent les enfants à adopter des comportements irresponsables par rapport au sida. "Les propriétaires des salles doivent proposer des programmes adaptés aux enfants qui doivent continuer à aller à l’école plutôt que de sécher les cours, affirme-t-il. Les cinés vidéo sont une des causes de l’échec scolaire." Théodore Ngalamulume s’en prend également aux enseignants qui ne font rien pour lutter contre l’école buissonnière.
Un avis partagé par Adolphe Bakualufu, chargé des activités avec des enfants en milieu ouvert pour le Bice (Bureau international catholique pour l’enfance), qui estime que la projection de films non contrôlés dans ces cinés vidéo, ouverts de 9 à 22 h, constitue une violation des droits des enfants. "Ceux-ci sont exposés au banditisme et à la violence" estime-t-il. Il ajoute que le fonctionnement de ces salles doit être réglementé afin d’en contrôler au mieux l’accès des mineurs.
Constantin Olivier Kabatuakuidi, préfet des études au complexe scolaire La Source, va dans le même sens pour attirer l’attention sur la responsabilité des parents et des éducateurs. "Nous devons protéger la moralité de nos enfants", déclare-t-il. Mais pour l’instant, il ne s’agit que de vœux pieux.

Source: http://www.syfia-grands-lacs.info
19/02/09

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *