RDC – A Kinshasa, presque tous les automobilistes "font

RDCongo: à Kinshasa, presque tous les automobilistes "font le taxi"
Un taxi collectif attend des clients dans un quartier central de Kinshasa

KINSHASA (AFP) – 13/10/2004 11h48 – Sur les chaussées défoncées de Kinshasa, les conducteurs de voitures, généralement cabossées et rouillées, parlent la langue des signes. La main droite reste agrippée au volant, l’autre par la fenêtre ouverte pointe vers la droite, vers la gauche ou dessine un cercle.

Avec ce code, ils indiquent à la fois qu’ils "font le taxi" et la direction qu’ils prennent, le cercle signifiant "Victoire", du nom d’une place du centre de Kinshasa.

Le message s’adresse aux piétons qui cherchent un moyen de locomotion. Les transports en commun publics n’existent plus dans la capitale de la République démocratique du Congo (RDC) depuis plus d’une dizaine d’années.

Dans cette ville d’au moins 4 millions d’habitants, autrefois surnommée "Kin la belle" et aujourd’hui "Kin la poubelle", les taxis ne sont pas identifiables: pas de couleur particulière, et encore moins de petit panneau sur le toit.

Les particuliers s’improvisent "taxis" quand ils vont faire des courses, histoire d’amortir le moindre déplacement dans ce pays ravagé par cinq années de guerre (1998-2003) et une quarantaine d’années de pillage systématique des richesses du pays.

Des personnes se tassent dans un taxi le 9 octobre 2004 à Kinshasa

"Ici, tout le monde est taxi", résume Pierre Ngiuvu, assis dans sa vieille voiture japonaise grise dont le rétroviseur, étoilé par un éclat de pierres, ne sert plus à rien. Environ une voiture sur trois ou quatre dans la capitale sert de taxi.

"Vu qu’il n’y a pas de boulot, on est taxi. C’est un moyen facile de manger", explique Pitchou Luntadila, ancien ingénieur en mécanique générale de 34 ans, qui porte une montre outrageusement dorée et une chemise aux couleurs vives, orange et vert.

"Quand j’ai commencé en 1968 comme taxi, ma voiture était jaune (l’une des couleurs des taxis à l’époque), je portais la cravate et je transportais une seule personne à la fois là où elle voulait aller", se rappelle Pierre, "un professionnel" de 56 ans.

Aujourd’hui, le taxi s’arrête là où le chauffeur se rend, et est collectif. Deux personnes se serrent sur le siège avant droit, et jusqu’à quatre s’entassent sur la banquette arrière. "Le monde évolue à l’envers au Congo", estime Pascal Krubwa, dans sa Toyota au compteur bloqué depuis six mois à un peu plus de 384.000 km.

La course en taxi coûte 100 francs congolais (0,25 dollar). Certains chauffeurs sont propriétaires de leur véhicule, d’autres le louent à des particuliers.

Patchou gagne entre 50 et 60 dollars par mois, après avoir versé 20 dollars par jour au propriétaire de son Opel sans âge, où un autocollant placardé sur le tableau de bord proclame que "Dieu est le seul protecteur de ce véhicule".

L’activité des taxis n’est pas réglementée, à l’image de beaucoup d’activités commerciales dans ce pays immense de 2.345.000 km2.

"Tout le monde est illégal", affirme Pierre. "On est dans un pays sans loi", assure aussi Pascal, en arrivant à la place de la Victoire, jonchée de plastiques et où les piétons se fraient un passage entre les voitures, les étals de CD, d’amortisseurs, de beignets, et dans la boue.

Tonton Aimé, qui annonce "45 ans d’âge" et 12 enfants, a du mal à joindre les deux bouts en faisant le taxi. "Je n’ai jamais beaucoup d’argent pour acheter de l’essence", explique-t-il. Alors il a bricolé un réservoir d’essence d’appoint dans le capot, en raccordant un bidon de 5 litres au carburateur.

"Si tu mets l’essence dans le réservoir, tu ne vois pas combien il te reste dans la voiture. Avec le bidon, je sais où j’en suis", lance l’homme frêle, en dévoilant une dentition clairsemée.

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