Rwanda – Ouvrages sur le génocide

Source : http://www.jeuneafrique.com
5 avril 2004
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Après la publication de nombreux ouvrages sur le génocide, les écrivains rwandais et étrangers abordent le pays sous un angle différent.
Une fièvre éditoriale est parfois la conséquence d’atroces événements. Si, depuis dix ans, les ouvrages sur le Rwanda se multiplient, c’est bien en raison du génocide de 1994. Auparavant, rares étaient les éditeurs occidentaux à s’intéresser à l’histoire, la culture, les arts ou la politique rwandaise. Et la production éditoriale nationale était quasi inexistante. Aujourd’hui, il est devenu difficile de s’y retrouver dans la marée des ouvrages. Panorama rapide.
Le génocide, donc, puisqu’il faut bien en passer par là. Comprendre le passé, d’abord. Pour cela, l’ouvrage de référence reste celui du chercheur Gérard Prunier, Rwanda 1959-1996. Histoire d’un génocide (Dagorno, 1997), puisqu’il ne se contente pas d’analyser la crise de 1994, mais en explore les racines historiques. Cet essai peut être complété par les livres de la journaliste belge Colette Braeckman, à savoir Rwanda, histoire d’un génocide (Fayard, 1994), Terreur africaine, Burundi, Rwanda, Zaïre : les racines de la violence (Fayard, 1996) et Les Nouveaux Prédateurs (Fayard, 2003), par celui de l’américain Philip Gourevitch, intitulé Nous avons le plaisir de vous informer que demain, nous serons tués avec nos familles (Denoël, 1998) et par les écrits de Benjamin Sehene. Mais aussi par ceux de Jean-Pierre Chrétien, spécialiste de la région des Grands Lacs : Le Défi de l’ethnisme. Rwanda et Burundi : 1990-1996 (Karthala, 1996) et Rwanda : les médias du génocide (Karthala, 1996). Dernier essai en date, celui de Laure de Vulpian (Rwanda, un génocide oublié ?, Complexe, 2004), qui a suivi le procès aux assises belges de quatre génocidaires.

Pour plonger aux racines de l’humain, en particulier dans ce qu’il peut avoir de plus terrifiant, le journalisme comme l’analyse scientifique sont bien souvent trop éloignés d’une réalité qu’ils ne peuvent saisir dans sa chair. Seuls la fiction et les témoignages de survivants peuvent compenser ce manque. Aussi faut-il saluer ici le travail d’enquête effectué par le journaliste Jean Hatzfeld auprès des génocidaires (Une saison de machettes, Seuil, 2003) et des rescapés (Dans le nu de la vie. Récits des marais rwandais, Seuil, 2002). Un travail qui rend la parole aux acteurs de l’histoire.

Certains témoins ont voulu raconter leur vécu. Ainsi en est-il de Yolande Mukagasana, qui a publié La mort ne veut pas de moi (Fixot, 1997), N’aie pas peur de savoir (Robert Laffont, 1999) et Les Blessures du silence (Actes Sud, 2001). En ce qui concerne la fiction, plusieurs livres ont été rédigés en 1999 et 2000 par des écrivains parfois étrangers au drame rwandais dans le cadre de l’initiative de Fest’Africa, « Écrire par devoir de mémoire ». Parmi eux, le sénégalais Boubacar Boris Diop, le Djiboutien Abdourahman Waberi, l’Ivoirienne Véronique Tadjo et le Guinéen Tierno Monénembo se sont prêtés au « jeu ». Certains ont choisi la forme de l’essai, mais d’autres ont préféré la poésie, le théâtre ou le roman. On citera en particulier Murambi, le livre des ossements, de Boris Diop (Stock), L’Aîné des orphelins (Seuil) de Monénembo et L’Ombre d’Imana, de Tadjo (Actes Sud). Le drame a aussi inspiré Secrets No More (Femrite) à l’Ougandaise Goretti Kyomuhendo. Plus récemment, le Canadien Gil Courtemanche a connu un certain succès de librairie avec Un dimanche à la piscine de Kigali (Denoël).
Au-delà de cette image lourde à porter, le Rwanda est aussi un pays superbe, riche de traditions, de cultures et de paysages. Ce que démontrent le guide touristique Le Rwanda aujourd’hui (Éditions du Jaguar) et Regards sur le Rwanda (collections du Musée national, Éditions Maisonneuve et Larose). On rappellera au passage que les grands singes firent la réputation, en Occident, du pays des Mille Collines pour reprendre un cliché récurrent. Dian Fossey y observa les moeurs des gorilles et l’on peut lire Gorilles dans la brume (Pocket) pour s’imprégner de son expérience.

Enfin, il convient de citer quelques textes d’auteurs rwandais occultés par l’actualité de ces dix dernières années. D’abord La Divine Pastorale (1952-1955) du philosophe et poète Alexis Kagamé, Les Feuilles de mai et les chants du tam-tam (1963) du poète Jean-Baptiste Mutabaruka, Escapade rwandaise (1950) et L’Optimiste (1954) – pièce qui évoque le mariage entre un Hutu et une Tutsie – de Saverio Nayigiziki, ou encore les Chansons rwandaises de Cyprien Rugamba.

Nicolas Michel

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