Sciences po va former des journalistes

Vive les journalistes de France
La nouvelle entité ouvrira ses portes à la rentrée
Sciences po va former des journalistes

Justine Ducharne
[12 mai 2004]
Source : http://www.lefigaro.fr

L’école de journalisme de Sciences po, dont le projet avait été lancé à l’automne dernier (nos éditions du 15 octobre 2003), ouvrira bien ses portes à la rentrée 2004, avec quarante étudiants, pour commencer, dont la moitié d’étrangers destinés à exercer par la suite dans leur pays.

C’est ce qu’a annoncé Richard Descoings, la semaine dernière, en présence de Michèle Cotta, qui présentait les conclusions (1) du groupe de travail qu’elle a présidé.

Il s’agit d’un projet extrêmement «ambitieux» pédagogiquement et «modeste» par les effectifs concernés, a expliqué le directeur de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris. Évoquant l’étroitesse du marché mais espérant toutefois que «la qualité inciterait les entreprises à choisir ses diplômés», Richard Descoings a tenu à préciser qu’il n’avait «aucune garantie d’embauche».

La formation a été qualifiée d’«élitaire pour l’élite du journalisme» par le SNJ-CGT. Dans un communiqué, le Syndicat national des journalistes a en effet affirmé que la commission présidée par Michèle Cotta «a réuni les grands patrons de la presse, tous connus pour les penchants libéraux et quelques personnalités alibi». En outre, estime-t-il, «la cohabitation des futurs journalistes avec les futurs cadres politiques et économiques de la nation est un risque majeur de voir se multiplier les connivences».

De fait, le directeur et Michèle Cotta ne cachent pas viser l’excellence, mais avec une réelle volonté d’ouverture, afin de faire accéder au journalisme des étudiants qui ne bénéficient pas de «piston» a précisé l’ancienne directrice générale de France 2.

«Les étudiants bénéficieront d’une formation intellectuelle de haut niveau dispensée par des universitaires avec valorisation d’une vraie culture historique et économique, a expliqué Richard Descoings. Il faut savoir et comprendre pour rendre compte intelligemment. Les journalistes sont investis d’une grande responsabilité collective et ils doivent garder indépendance et distance critique, impensables sans connaissances préa lables.»

Les étudiants bénéficieront également d’une formation pratique, assurée par des professionnels et leur scolarité de deux ans – 1 300 heures d’enseignement – comprendra des stages dans des entreprises de presse, ainsi qu’un semestre à l’étranger. Ils réaliseront chacun un stage d’immersion dans des institutions comme les prisons, les hôpitaux, les commissariats, les lycées.

«Les journalistes sont l’interface entre ceux qui possèdent les compétences et le grand public, a précisé Michèle Cotta. Très peu d’entre eux ont la capacité suffisante pour être à la tête des médias.»

Le recrutement des étudiants sera donc à la fois «très sélectif» et «totalement ouvert». Outre un dossier (2), une lettre de motivation et de recommandation, les candidats devront se soumettre à une épreuve écrite, une épreuve de langues et un entretien. Pas de condition de diplôme – ils pourront aussi bien avoir fait Sciences po qu’être des «extérieurs» ayant obligatoirement trois ans d’expérience, de «vécu» après le bac –, mais une condition de caractère – «la rugosité» – a précisé Richard Descoings.

La formation – qui pourra se faire en apprentissage – est également accessible aux professionnels de la presse. Elle mènera à un master (bac + 5).

Les étrangers – principalement recrutés en Chine, au Moyen-Orient et en Amérique latine – intégreront l’école sur les mêmes critères, mais avec sélection dans leur langue maternelle.

L’école est financée par une «modeste» campagne de levée de fonds d’un million d’euros (mécénat et taxe professionnelle). Le système de modulation des droits de scolarité en fonction des revenus de la famille s’appliquera également au master de journalisme. A l’évocation de la rupture de l’accord de Sciences po avec le Centre de formation des journalistes (CFJ), Richard Descoings a noté que «l’accord historique était avec le CFJ historique», faisant allusion au dépôt de bilan de l’école de la rue du Louvre et de sa reprise par le groupe EFE.

La nouvelle entité sera installée très rapidement dans les anciens locaux de l’Institut national du patrimoine (INP). Et devra attendre d’avoir formé deux promotions de journalistes pour demander la reconnaissance – officielle – de la profession.

(1) Conclusions disponibles sur Internet : www.sciences-po.fr
(2) Candidatures ouvertes jusqu’au premier juin.

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