ORIENTATION – C’est quoi une grande école ?

"Nous avons les meilleurs professeurs et les meilleurs élèves !" Pour expliquer son succès, le directeur général d'HEC, Bernard Ramanantsoa, n'y va pas par quatre chemins. Très élitistes, les "top grandes écoles" comme HEC ou Centrale restent difficilement accessibles au commun des bacheliers. Mais des centaines d'autres ouvrent leurs portes aux bons élèves. Avec 11 ou 12 de moyenne en terminale S, il est tout à fait possible d'intégrer une classe prépa et ensuite une grande école. Avec le bac seul, vous pouvez entrer dans nombre d'écoles d'ingénieurs ou de commerce, d'art, de communication, etc. Car qui dit grande école ne dit pas forcément prépa ! Plus de la moitié des élèves des écoles de commerce dites "post-prépa" sont passés par une licence universitaire, un DUT ou un BTS ! "Dans les écoles d'ingénieurs, ils représentent un quart des effectifs, la moitié venant toujours de prépa et le dernier quart des écoles post-bac", commente Alain Jeneveau, responsable du groupe formation de la Commission des titres d'ingénieur (CTI).

LA CONFÉRENCE DES GRANDES ÉCOLES EST-ELLE UN LABEL OBLIGATOIRE ?

C'est un club dont il faut être mais qui ne détient pas l'exclusivité d'un label que des écoles non membres peuvent également revendiquer. Si les plus grandes écoles en sont toutes membres, la Conférence des grandes écoles ne compte que 235 établissements d'enseignement supérieur. Nombreuses sont par exemple les grandes écoles d'ingénieurs à ne pas en faire partie, sans parler des IEP (instituts d'études politiques) et au premier chef de Sciences Po Paris.

Mais que faut-il faire pour être admis dans ce saint du saint de l'excellence à la française qu'est la CGE ? Déjà proposer un diplôme reconnu par l'État, le grade de master pour les écoles de commerce, l'accréditation de la CTI pour les écoles d'ingénieurs ; ensuite, être fortement sélectif, de "taille humaine" (de 300 à 4000 étudiants par école), ouvert sur l'international et en "coopération très étroite avec les milieux économiques". Qui entre dans ces cases ? Eh bien, les plus grandes écoles de commerce et d'ingénieurs, comme HEC et Polytechnique, le Celsa, en communication ou les Beaux-Arts, mais aussi treize institutions étrangères comme l'université technique de Lisbonne ou l'Institut national des postes et télécommunications de Rabat. Mais beaucoup de grandes écoles ne sont pas forcément membres de la Conférence.

UNIVERSITÉS ET GRANDES ÉCOLES SONT-ELLES DES ENNEMIES IRRÉCONCILIABLES ?

Plus du tout au point qu'aujourd'hui, presque toutes les universités scientifiques ont leur école d'ingénieurs. Aussi sélectives que les autres. Et plusieurs écoles de commerce, comme l'École de management de Strasbourg, sont également très liées à l'université. "Les querelles entre grandes écoles et universités sont du domaine du passé. Il n'y a que des avantages à s'entendre", insiste Hervé Biausser, directeur de l'École centrale de Paris, qui s'est rapprochée de l'université Paris 11 pour travailler avec elle sur la recherche. Il est ainsi aujourd'hui possible à Grenoble d'obtenir des doubles diplômes de l'ESC et de différentes universités de la région, que ce soit en mathématiques, en histoire, en droit ou en économie.

Diplômés d'une licence universitaire, nombreux sont aussi les étudiants à intégrer ensuite une grande école. "La formation à l'université n'est plus tubulaire, souligneSimone Bonnafous, présidente de l'université Paris 12 Val-de-Marne. Les partenariats noués depuis une décennie avec les grandes écoles font qu'un étudiant d'université peut faire un master en grande école et inversement, un étudiant de grande école peut intégrer l'université pour effectuer son master. Sur les 5 ou 6 années d'université qu'un jeune fera, il n'en passera que trois dans la même, car il évoluera d'une université à l'autre, il ira à l'étranger ou transitera par une grande école."

FAUT-IL FORCÉMENT PASSER PAR UNE PRÉPA ?

Pourquoi faire deux ans de prépa quand on peut intégrer dès le bac une très bonne école ? Pourquoi travailler de façon intensive deux ans en prépa sans être sûrs d'intégrer une grande école, quand des écoles post-bac de commerce, telles l'Ieseg ou l'ESG, ou celles d'ingénieurs, comme les Insa ou CPE Lyon, viennent tailler des croupières aux grandes dans les différents classements publiés par la presse ? Pourquoi ne pas viser déjà un premier diplôme avant de tenter un concours en admission parallèle ? Autant de questions que se posent souvent, à juste titre, les bacheliers avant de faire leur choix définitif.

Du côté des recruteurs, on semble en tout cas s'être fait une religion: sur les 200 interrogés en 2010 par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, ils étaient 76 % à déclarer ne pas faire la différence entre une école de commerce post-bac et post-prépa. En revanche, plus de 65 % attachaient une grande importance au fait que l'école bénéficie du grade de master et 81 %, à la reconnaissance par l'État. Les quelques écoles de commerce qui donnent encore un diplôme de niveau bac+4, et ne sont donc pas au niveau master, connaissent d'ailleurs une certaine désaffection.

"Les écoles recrutant après le bac conviennent aux jeunes qui préfèrent le concret et veulent mettre rapidement en application leurs connaissances", explique Léopold Kahn, directeur de l'EPSCI, école de commerce en quatre ans après le bac dépendant de l'Essec qui vient de devenir un Bachelor in Business Administration(BBA). "Avant, nous recrutions des étudiants de prépa frustrés de ne pas être reçus à HEC, aujourd'hui nous avons les meilleurs bacheliers", se réjouit Armand Derhy, directeur de l'ESG Management School, école parisienne qui a franchi le pas de recruter directement après le bac, après avoir longtemps été une école post-prépa.

PEUT-ON LES INTÉGRER APRÈS UN BTS, UN DUT OU UNE LICENCE ?

"Mêler élèves de prépas et autres permet aux écoles de pratiquer la diversité", se réjouit Alain Jeneveau. Les étudiants ont un large choix en fonction de leur maturité et de l'avancement de leur projet professionnel." Commencer ses études par une licence ou un cursus professionnalisant, type DUT ou BTS, en le complétant ou non par une licence professionnelle et éviter ainsi la prépa tout en se rassurant avec un premier diplôme, autant de stratégies qui ont le vent en poupe, autant de profils qui semblent bien se marier.

"Les stratégies des étudiants pour intégrer nos écoles se multiplient", commenteJean-François Fiorina, président du concours d'admissions parallèles Passerelle, qui regroupe 17 grandes écoles de commerce: " On voit ainsi de plus en plus de candidats qui n'obtiennent pas l'école qu'ils souhaitaient au concours après leur prépa et reviennent l'année suivante en admission parallèle avec une licence universitaire ". Une stratégie qui peut payer, ou non, mais permet au moins d'obtenir un diplôme supplémentaire…

Dans les écoles de commerce à recrutement post-prépa, les deux principaux concours d'entrée en admission parallèle – Passerelle et Tremplin – proposent chaque année plus de 5000 places. À la clé, une admission dans de très bonnes écoles, comme l'ESC Grenoble ou l'ICN à Nancy-Metz. Mais si un DUT suffit pour intégrer une bonne école en première année, une licence, voire un bac+4 (diplôme d'ingénieurs, première année de master, diplôme de vétérinaire) est le minimum requis pour entrer en deuxième année dans les "très grandes", comme HEC ou l'Essec.

Dans les écoles d'ingénieurs à recrutement post-prépa, il existe quantité de voies d'admissions parallèles. Licence et DUT vous permettront ainsi de postuler au même niveau que les élèves de prépa, tandis qu'une première année de master universitaire donne la possibiloté d'intégrer une deuxième année d'école d'ingénieurs. Les BTS sont moins cotés et il est souvent nécessaire à leurs titulaires de faire une année de prépa supplémentaire, dite ATS, pour intégrer une grande école d'ingénieurs.

COMMENT LES INTÉGRER ?

S'il existe également des admissions sur titre, les concours sont la voie essentielle d'accès aux grandes écoles. Si la plupart participent à des concours communs, certaines recrutent également sur concours propre. C'est par exemple le cas de l'ESME Sudria, une école d'ingénieurs privée parisienne. " Nous accordons une part prépondérante à l'oral afin de mieux mesurer l'adéquation entre les aspirations d'un candidat et notre école", commente Hervé Laborne son directeur.

Dans tous les cas les oraux ont d'ailleurs une importance déterminante et des formes souvent différentes d'une école à l'autre. "Les oraux de l'ESC Grenoble sont célèbres, racontent ainsi des élèves de l'école, car les candidats doivent y interviewer les membres du jury selon une problématique qu'ils choisissent." Un complet retournement de situation auquel on ne les a effectivement pas beaucoup préparés dans leurs études. Mais l'essentiel est pour les écoles de faire ressortir les personnalités de candidats. "Dans le cadre du concours Prism, nous regardons comment nos candidats s'expriment en groupe sur un sujet sans intervenir, confie ainsi Adrienne Jablanczy, directrice des sept Iseg Business School (Paris, Bordeaux, Lyon, Strasbourg, etc.) auquel prépare le concours Prism. Ensuite, ils sont beaucoup plus détendus pour l'entretien de motivation."

Olivier Rollot

Les concours communs d'entrée
 

Dans les écoles de commerce 

Dans les écoles d'ingénieurs

 

Ils ont choisi une grande école

Ils sont quatre, ils ont tous les quatre choisi d'intégrer une bonne école de commerce, l'ESC Grenoble, mais ils ont des profils bien différents. Il y a la bonne élève, Emeline, 20 ans, qui sort d'une prépa économique dans le très côté lycée Janson-de-Sailly à Paris et qui est aujourd'hui en première année. Il y a celui qui a hésité dans son parcours, Mathieu, 21 ans, en première année également, qui a commencé par faire un DUT, "parce qu'il ne voulait pas faire de longues études", puis a intégré un BTS commerce international avec "l'objectif d'intégrer une grande école". Et Marie, 23 ans, qui a également fait une prépa mais bien moins renommée à Saint-Etienne. Une battante qui a été responsable de l'association qui gère Zone-art, l'association qui gère les événements culturels de l'école, et qui va finir son parcours cette année. Et enfin, Benjamin, 27 ans, ancien élève qui profite de l'incubateur d'entreprise de l'école pour y monter son site de réseau, wizbii. Quatre profils bien différents mais dans la même école.

Pour l'une aller en prépa était un vrai défi – "J'avais un peu peur de la compétition qu'on disait y régner alors qu'en fait l'ambiance était excellente", confie Marie – pendant que pour Emeline, fille d'énarque, "c'était tout naturel". Pour l'un le parcours fut chaotique – "J'ai détesté le DUT, se souvient Mathieu. J'ai vite arrêté d'aller en cours pour commencer à travailler et améliorer mon anglais avant de reprendre en BTS" – pendant que l'autre s'est tout de suite épanoui dans l'école. Le plus dur étant peut-être pour lui les "cours de théâtre de première année où il faut vraiment se mettre en avant".

Aujourd'hui deux se souviennent de leur cursus pendant que deux découvrent ce qu'est une grande école aujourd'hui. Avec des centaines de possibilités, de choix de parcours, de stages, d'année de césure qui font qu'aucun élève n'est aujourd'hui similaire à un autre. "C'est vrai que ce n'est pas facile de choisir", concèdent Emeline et Mathieu, qui ont tous les deux opté pour l'option "innovation" "Nous testons de nouvelles méthodes pédagogiques, entre autres sur Ipad. Si cela se révèle intéressant, elles pourront ensuite être appliquées à tous". Et Benjamin, l'ancien qui est resté à Grenoble de prévenir les trois autres : "Le plus dur c'est la fin du cursus. Quand votre promo, une fois diplômée, va partir aux quatre coins du monde".

 

Source: Le Monde

11/02/2011

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