La mort d’un élève, vraisemblablement tué par un policier, a poussé la jeunesse burkinabè dans les rues, hurlant sa rage devant trop d’impunité. Clotilde Cadu, envoyée spéciale de Marianne, a rencontré Francis Nikiema, leader étudiant, pour qui il est temps que la justice fasse son travail.
a vie estudiantine a repris son cours. Les établissements, fermés pendant plus d’un mois à la suite des manifestations de la jeunesse contre l’impunité, ont rouvert leurs portes. Les étudiants révisent leurs examens de fin d’année, préparent leurs concours. Chacun vaque à ses occupations, sachant pertinemment que du jour au lendemain, tout peut basculer. Un simple mot de travers, une promesse gouvernementale non tenue et la jeunesse embrasera à nouveau les rues du pays. Surtout à Koudougou, troisième ville du pays, d’où est partie la grave crise que traverse le pays depuis la fin du mois de février.
Marianne : Les protestations étudiantes de ces dernières semaines étaient-elles prévisibles ?
Francis Nikiema : Le malaise existe depuis longtemps chez les étudiants. D’ailleurs, faut-il dire malaise ? Je crois plutôt qu’il faut parler d’un mouvement de colère latent, qui depuis 1998 et l’affaire Norbert Zongo, ne fait que prendre de l’ampleur. Il y a une détresse de la jeunesse, voire une déchéance. Nous constatons l’impunité, les conditions de vie difficiles. Il fallait bien exprimer notre refus de tout cela. L’affaire Justin Zongo, cet élève tué par la police en février 2011, a été le déclic. Les élèves ont voulu s’adresser aux autorités locales, pour qu’elles s’occupent de cette affaire. Au lieu de nous écouter, on nous a brandi la thèse de la méningite comme cause de la mort de Justin puis l’ordre a été donné de nous disperser. Tout cela traduit bien l’état d’esprit du gouvernement qui fonctionne par la force. Les crimes ne sont jamais punis. Justin Zongo doit être le dernier.
Marianne : La jeunesse se sent-elle écoutée par le pouvoir en place ?
F.N : Je crois qu’il n’y a pas une politique sociale conséquente, rien n’est fait en direction de la jeunesse. La jeunesse est abandonnée à son propre sort. La politique éducative tend à exclure la grande majorité des enfants qui n’ont pas accès au savoir. L’Etat se désengage de l’éducation, de la santé… Que dire d’une société qui n’est pas en mesure d’assurer l’avenir de sa jeunesse, de la soigner, de la nourrir ? Mais ce mouvement-là, il dépasse le cadre de la jeunesse et de l’impunité. Les manifestations ont pris un caractère quasi-insurrectionnel, ça en dit vraiment beaucoup.
Marianne : En Tunisie, en Egypte, les révolutions ont-été initiées par la jeunesse, les gouvernants sont tombés. Demandez-vous le départ du président ?
F.N : Le peuple burkinabè et sa jeunesse ne peuvent rester indifférents à ce qui se passe dans les autres pays. Mais la différence ici c’est que nous ne demandons pas la démission de Blaise Compaoré. Tout ne se résume pas à son départ. C’est avant tout la question du système qui se pose. Nous avons besoin d’un changement fondamental. D’un système qui prend en compte les aspirations de la jeunesse. Nous demandons la satisfaction de nos revendications. S’ils ne sont pas décidés à y répondre, nous redescendrons dans la rue.