EMPLOI – La jeunesse crie son ras-le-bol à Malabo

Les manifestations des jeunes se multiplient en Afrique et montrent le fossé qui s’est creusé entre la jeunesse et les pouvoirs en place sur le continent. Ce malaise semble avoir mis en alerte les pouvoirs politiques, à en juger par le sommet de l’Union africaine tenu à Malabo, capitale de la Guinée Equatoriale, du 23 juin au 1er juillet, qui a fait de l’autonomisation des jeunes son thème principal. Comment la classe politique, considérée comme vieillie, peut-elle répondre aux attentes des jeunes ?

Pas de possibilités
C’est principalement le manque d’emploi qui désespère les jeunes Africains, comme explique cet étudiant camerounais, Samuel Diboma : "Qu’on puisse donner à la jeunesse l’occasion et l’opportunité de pouvoir mettre en pratique les connaissances qu’ils ont reçues." Les jeunes représentent en effet 35% de la population africaine en âge de travailler, mais seulement 10% de la population de jeunes travailleurs ont un emploi dans le secteur formel, selon les chiffres de la Banque africaine de développement. Il y a cependant un certain nombre de mesures que les gouvernements essaient de mettre en place. Au Cameroun, le président Paul Biya a mis sur pied une opération de recrutement de 25.000 jeunes dans la fonction publique. "C’est une initiative louable, mais on aimerait qu’il y ait un boum dans le secteur privé, dit l’étudiant Diboma. Un certain nombre d’organismes ont été mis sur pied, mais ce sont des organismes gouvernementaux qui n’encouragent pas l’entreprenariat des jeunes." 
 
Pas de perspectives, alternatives risquées
La plupart des jeunes Africains souffrent donc d’un manque de perspectives d’avenir, comme a pu observer Mirjam de Bruijn, anthropologue au Centre d’études africaines de Leyde, aux Pays-Bas, au cours de ses recherches au Mali, au Cameroun, au Tchad et au Niger : "Je pense qu’après plusieurs décennies après l’indépendance, la situation des jeunes maintenant est vraiment pénible. Les jeunes n’acceptent plus de ne pas avoir un Etat qui les aide et leur offre des possibilités pour un avenir auquel ils ont droit. Ils veulent que ça change." Et le désespoir des jeunes les pousse à chercher d’autres moyens de survie, non sans risques. "La conséquence, c’est que les jeunes se livrent à des alternatives qui sont risquées, notamment l’immigration et la prostitution, qui les expose au sida", selon Jean-Pierre Mpiana, sociologue à l’université de Kinshasa, en République démocratique du Congo. 
 
Niveau d’aspiration
La classe politique se voit actuellement obligée de changer sa perception sur la jeunesse africaine, selon Mpiana, qui fait référence aux événements qui se déroulent dans le nord du continent : "Ce qu’on qualifie aujourd’hui du printemps arabe sont des signes qui montrent très bien que les jeunes Africains commencent à prendre conscience de leur situation, parce que le printemps est essentiellement l’œuvre des jeunes pour essayer d’obliger les politiciens africains à avoir un regard assez attentif envers eux." Ce malaise des jeunes est alimenté par différents facteurs. "Jeunesse, pauvreté et malgouvernance, ça donne quelque chose qui est explosif, explique Mirjam de Bruijn, et c’est surtout explosif au moment où cette jeunesse connait mieux le monde." Selon l’anthropologue néerlandaise, c’est notamment l’arrivée de technologies modernes qui met le feu aux braises : "Ces jeunes ont maintenant accès à l’Internet, donc ils savent que leur situation n’est pas normale. Les jeunes veulent se développer et devenir riches comme les jeunes en Europe. Leur niveau d’aspiration est en train de changer." C’est donc d’une part un fossé entre générations, et d’autre part un fossé entre le niveau de vie africain et occidental qui nourrit la colère des jeunes Africains. La classe politique africaine doit agir rapidement si elle veut apaiser les jeunes et répondre à leurs attentes. Les jeunes, eux, ne baissent pas les bras pour autant, conclut Jean-Pierre Mpiana : "Petit à petit, il y a cette confiance, il y a ceux qui s’organisent, ceux qui cherchent à s’engager dans des mouvements estudiantins, ceux qui s’engagent dans des partis politiques, pour prendre le relais."
 
Source: www.rnw.nl
Juillet 2011

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