MBOUR (Sénégal) — Pour sortir l'Afrique de sa marginalité sur la scène scientifique mondiale, un institut de mathématiques vient d'ouvrir ses portes au Sénégal, soutenu par des sommités scientifiques qui rêvent d'en voir sortir un "Einstein africain" d'ici quelques années.
Le continent "ne produit que 1% environ des articles scientifiques et des brevets recensés sur la planète" et "le pari est de contribuer au renversement progressif de cette tendance", a déclaré le ministre sénégalais de l'Enseignement supérieur, Amadou Tidiane Bâ, lors de l'inauguration de cet institut, le 6 septembre.
Bâti sur un site face à la mer à Mbour, à 80 km au sud-est de Dakar, l'Institut africain des mathématiques du Sénégal (AIMS-Sénégal), il a été créé par l'Institut de recherche pour le développement (IRD) de France, l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar et le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada.
Il est soutenu par l'Etat du Sénégal, des universités et structures de recherches occidentales. Son budget n'a pas été communiqué.
AIMS-Sénégal va commencer par former une promotion de 35 étudiants issus de 14 pays d'Afrique, selon ses fondateurs.
"Les étudiants sont choisis parmi les meilleurs du continent. Ils bénéficient d'une prise en charge complète. Les cours seront dispensés par des professeurs venus du monde entier, a affirmé Mamadou Sangharé, le directeur d'AIMS-Sénégal.
L'institut prend modèle sur l'AIMS, créé en 2003 au Cap, en Afrique du Sud, qui a déjà formé quelque 300 environ à ce jour, dont un tiers de femmes, selon le site de l'AIMS. Certains ont poursuivi leurs études dans les universités réputées de Cambridge ou Oxford (Grande-Bretagne) ou Paris-Sud.
"centre d'excellence"
L'ambition de l'Initiative Next Einstein (http://www.nexteinstein.org) est de créer quinze instituts AIMS sur le continent dans les dix prochaines années, en visant "la qualité des meilleures universités occidentales à une faible fraction du coût", selon le site internet.
L'objectif est d'identifier et former des élites scientifiques du continent afin que le développement durable de l'Afrique puisse "se fonder sur les compétences des Africains eux-mêmes", selon le site.
"AIMS a été créé par des scientifiques qui veulent un centre d'excellence panafricain pour que l'Afrique soit un continent scientifique leader", a expliqué le cosmologue sud-africain Neil Turok, père du concept AIMS, et une des sommités scientifiques ayant assisté à l'inauguration.
Pour le ministre Amadou Tidiane Bâ, également chercheur en biologie végétale, "l'Afrique reste tributaire d'un système d'enseignement et de formation de ses ressources humaines, très en deçà de ses propres enjeux de développement. (Elle) se signale par la faiblesse de sa production scientifique et d'innovations technologiques de haut niveau".
L'Afrique doit susciter des projets comme celui-ci, a estimé Klaus von Klitzing, lauréat 1985 du prix Nobel de physique, présent à l'inauguration. "Les autres pays (développés) ont beaucoup investi dans l'éducation et le savoir. C'est d'une absolue nécessité" pour le continent "qui a pris une bonne direction", selon le physicien
allemand.
La réduction du fossé scientifique dont souffre l'Afrique "ne va pas se faire du jour au lendemain, (mais) je pense qu'elle va faire de grandes choses en sciences dans les décennies qui viennent", selon Cédric Villani, lauréat 2010 de la médaille Fields 2010, la plus importante distinction dans le domaine des mathématiques.
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